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08/11/2018 | FRANCE | N°16DA01028

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 08 novembre 2018, 16DA01028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 avril 2011 par lequel le ministre chargé de l'éducation nationale, a prononcé, à titre disciplinaire, sa révocation.

Par un jugement n°1206988 du 5 avril 2016, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et a enjoint au ministre chargé de l'éducation nationale de réintégrer M. C...dans ses fonctions dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.<

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Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juin 2016, le ministre cha...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 avril 2011 par lequel le ministre chargé de l'éducation nationale, a prononcé, à titre disciplinaire, sa révocation.

Par un jugement n°1206988 du 5 avril 2016, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et a enjoint au ministre chargé de l'éducation nationale de réintégrer M. C...dans ses fonctions dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juin 2016, le ministre chargé de l'éducation demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 avril 2016 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter la demande de M.C... ;

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°84-16 loi du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...C..., professeur certifié d'économie et de gestion depuis le 1er septembre 1992, enseignant au lycée Arthur Rimbaud de Sin-le-Noble, a été condamné le l0 mars 2010 par un jugement définitif du tribunal de grande instance de Douai à un an de prison avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans pour atteinte sexuelle sur mineure de quinze ans. Après un avis du 1er février 2011 du conseil de discipline, le ministre de l'éducation, par arrêté du 26 avril 2011, a prononcé sa révocation. Le 24 mai 2011, le conseil supérieur de la fonction publique a maintenu cette sanction Le ministre de l'éducation relève appel du jugement du 5 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réintégrer M.C....

2. En vertu de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires de l'Etat sont réparties en quatre groupes. Relèvent du premier groupe les sanctions de l'avertissement et du blâme, du deuxième groupe celles de la radiation du tableau d'avancement, de l'abaissement d'échelon, de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours et du déplacement d'office, du troisième groupe celles de la rétrogradation et de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans et, enfin, du quatrième groupe, celles de la mise à la retraite d'office et de la révocation.

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Il ressort du jugement du tribunal de grande instance de Douai cité au point 1 que l'agression sexuelle envers une très jeune enfant née en 1992, commise par deux fois, entre le 1er juillet 1998 et le 31 août 1999, par M.C..., en dehors de son activité d'enseignant, d'abord lors de vacances familiales, ensuite lors d'un cours particulier, a été reconnue par l'intéressé. Le tribunal administratif a retenu, dans les motifs du jugement du 5 avril 2016 en litige, l'ancienneté des faits d'agression sexuelle, leur caractère isolé, la circonstance qu'ils ont été commis en dehors du service et n'ont reçu aucune publicité, les excuses présentées par M.C..., l'indemnisation dont ont bénéficié la victime et de ses parents, le suivi psychiatrique régulier dont il a bénéficié, sa prise de conscience de la gravité des faits et l'absence de contacts avec des mineurs de quinze ans dans son cadre professionnel, puisqu'il enseigne auprès de lycéens. Il a ensuite estimé, au vu de ces faits constants, qu'eu égard à la manière de servir de l'intéressé et à sa situation à la date de la décision attaquée, la sanction de mise à la retraite d'office était disproportionnée par rapport à la gravité des fautes commises.

5. M. C...fait aussi valoir, en défense, que les faits reprochés, révélés tardivement par la victime de l'agression, sont isolés et anciens, qu'ils ont été commis dans la sphère familiale, qu'ils n'ont eu aucune répercussion connue de l'administration sur son activité professionnelle, et que le juge pénal n'a pas assorti la peine infligée d'une interdiction d'exercer l'activité d'enseignant.

6. Toutefois, eu égard à l'exigence d'exemplarité et d'irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, y compris en dehors du service, et compte tenu de l'atteinte portée, du fait de la nature des fautes commises par l'intéressé, à la réputation du service public de l'éducation nationale ainsi qu'au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service, toutes les sanctions moins sévères susceptibles d'être infligées à M. C...en application de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 mentionné ci-dessus étaient, en raison de leur caractère insuffisant, hors de proportion avec les fautes commises par ce dernier. Dès lors, le ministre de l'éducation nationale est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 26 avril 2011 révoquant M.C....

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant la juridiction administrative.

8. La décision contestée du 26 avril 2011 a été signée par Mme B...D..., directrice générale des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale, nommée par décret du 1er octobre 1999, publié au Journal officiel de la République française du 2 octobre 1999, compétente en application de l'article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait.

9. En l'absence de disposition législative ou réglementaire prévoyant cette formalité, le défaut de communication à M. C...de l'avis du conseil de discipline préalablement à l'intervention de la mesure disciplinaire contestée n'a pas été de nature à entacher d'irrégularité ladite mesure.

10. Si, en vertu de l'article 9 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat " le conseil de discipline doit se prononcer dans le délai d'un mois à compter du jour où il a été saisi par le rapport de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ", ce délai n'est pas édicté à peine de nullité des avis émis par le conseil de discipline après son expiration.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé de l'éducation est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 5 avril 2016, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 26 avril 2011. Par voie de conséquence, les conclusions de M. C...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 5 avril 2016 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de M. C...est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'éducation nationale.

Copie sera adressée, pour information, au recteur de l'académie de Lille.

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N°16DA01028

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01028
Date de la décision : 08/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : STIENNE-DUWEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-11-08;16da01028 ?
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