La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2016 | FRANCE | N°16-81656

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 décembre 2016, 16-81656


Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Mickaël X...,

- contre l'arrêt incident de la cour d'assises du FINISTÈRE, en date du 2 décembre 2015 par lequel la cour a prononcé sur l'audition d'un témoin,- contre l'arrêt de la même cour, en date du 3 décembre 2015, qui, pour meurtre, l'a condamné à seize ans de réclusion criminelle, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 novembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'ar

ticle 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Drai, conseiller rap...

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Mickaël X...,

- contre l'arrêt incident de la cour d'assises du FINISTÈRE, en date du 2 décembre 2015 par lequel la cour a prononcé sur l'audition d'un témoin,- contre l'arrêt de la même cour, en date du 3 décembre 2015, qui, pour meurtre, l'a condamné à seize ans de réclusion criminelle, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 novembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, M. Raybaud, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DRAI, les observations de la société civile professionnelle ROCHETEAU et UZAN-SARANO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé contre l'arrêt incident du 2 décembre 2015, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article préliminaire, les articles 310, 315, 316, 329, 330, 331, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoirs, ensemble violation du principe d'oralité des débats, des droits de la défense et du droit à un procès équitable ;
" en ce que la cour, par un arrêt incident du 2 décembre 2015, a fait droit à l'opposition à l'audition du témoin M. Yves Y..., docteur, cité à la requête de l'accusé ;
" aux motifs que la partie civile et le ministère public déclarent s'opposer à l'audition du témoin M. Yves Y..., cité à la requête de l'accusé ; que l'opposition à témoignage peut être formée toute les fois qu'une partie estime qu'il existe un obstacle légal à ce qu'une personne soit entendue en qualité de témoin et que sa déposition serait de nature à porter atteinte à ses intérêts ; que l'article 331 dernier alinéa du code de procédure pénale dispose que les témoins déposent uniquement soit sur les faits reprochés à l'accusé soit sur sa personnalité et sur sa moralité ; qu'en l'espèce, il résulte des indications fournies par la défense que le témoin, mandaté par l'accusé pour fournir un avis technique critique sur les expertises judiciaires, n'est en l'état pas en mesure de déposer ni sur les faits reprochés à l'accusé, dont il n'a nullement été témoin, ni sur sa personnalité et sa moralité ; que son avis, nécessairement partial puisque mandaté par l'accusé émis sans réserve, porte indéniablement atteinte aux intérêts de la partie civile et plus globalement aux règles du procès équitable ;
" 1°) alors que l'opposition à l'audition d'un témoin acquis aux débats par une partie n'est recevable que s'il existe un obstacle légal à ce que la personne soit entendue en qualité de témoin et que sa déposition serait de nature à porter atteinte à ses droits ; qu'en l'espèce, la défense de l'accusé a fait citer pour être entendu en qualité de témoin M. Yves Y..., docteur, expert agréé près la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation, qui avait co-rédigé un rapport sur l'interprétation de l'origine des hématomes constatés par le médecin légiste lors de l'autopsie de M. Z...; que, dès lors, en s'opposant à l'audition de ce témoin acquis aux débats, au motif erroné qu'étant mandaté par l'accusé pour fournir un avis technique critique sur les expertises judiciaires, il n'est en l'état pas en mesure de déposer ni sur les faits reprochés à l'accusé, dont il n'a nullement été témoin, ni sur sa personnalité et sa moralité, la cour a violé les textes et principes susvisés ;
" 2°) alors que l'opposition à l'audition d'un témoin acquis aux débats par une partie n'est recevable que s'il existe un obstacle légal à ce que la personne soit entendue en qualité de témoin et que sa déposition serait de nature à porter atteinte à ses droits ; qu'en l'espèce, en s'opposant à l'audition de M. Yves Y..., docteur, expert agréé près la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation, dont l'audition devait être précédé de sa prestation de serment en qualité de témoin et soumise à une discussion contradictoire, au motif erroné que son avis, nécessairement partial puisque mandaté par l'accusé émis sans réserve, porte indéniablement atteinte aux intérêts de la partie civile et plus globalement aux règles du procès équitable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés " ;
Vu les articles 329 et 331, dernier alinéa du code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, les témoins appelés par le ministère public et les parties sont entendus dans le débat, même s'ils n'ont pas déposé à l'instruction ou s'ils n'ont pas été assignés, à condition que leurs noms aient été signifiés conformément aux prescriptions de l'article 281 ;
Attendu qu'aux termes du second, les témoins déposent uniquement, soit sur les faits reprochés à l'accusé, soit sur sa personnalité et sa moralité ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que le conseil de la partie civile et le ministère public se sont opposés à l'audition du docteur Y..., témoin acquis aux débats, co-rédacteur, à la demande de l'accusé, d'un rapport d'observations sur l'origine des hématomes constatés par le médecin légiste lors de l'autopsie de la victime ;
Attendu que pour faire droit à cette opposition, la cour, par arrêt incident, retient que le témoin, mandaté par l'accusé pour fournir un avis technique critique sur les expertises judiciaires, n'est pas en mesure de déposer ni sur les faits reprochés à l'accusé, dont il n'a nullement été témoin, ni sur sa personnalité ou sa moralité, et que son avis, nécessairement partial puisque il était mandaté par l'accusé, porte atteinte aux intérêts de la partie civile et plus généralement aux règles du procès équitable ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors, d'une part, que M. Y...avait été inscrit à la demande de l'accusé sur la liste complémentaire des témoins, qu'il avait été régulièrement cité et que son nom avait été signifié à l'ensemble des parties, d'autre part, que l'audition de ce praticien avait pour objet de fournir à la cour un avis sur l'origine des blessures de la victime, enfin, que l'avis technique sollicité était soumis à la discussion contradictoire, la cour n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt incident susvisé de la cour d'assises du Finistère, en date du 2 décembre 2015 ;
Par voie de conséquence,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la même cour, en date du 3 décembre 2015, ensemble la déclaration de la cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ainsi que l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises des Côtes-d'Armor, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises du Finistère et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze décembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-81656
Date de la décision : 14/12/2016
Sens de l'arrêt : Cassation et désignation de juridiction
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

COUR D'ASSISES - Débats - Témoins - Témoin cité par l'accusé - Opposition à son audition - Irrecevabilité - Audition d'un praticien - Motifs - Détermination

Devant la cour d'assises, le ministère public et la partie civile ne peuvent s'opposer à l'audition d'un médecin, témoin acquis aux débats, corédacteur à la demande de l'accusé d'un rapport d'observations sur l'origine des hématomes constatés par le médecin-légiste, dès lors que l'audition de ce praticien a pour objet de fournir à la cour un avis sur l'origine des blessures de la victime et que l'avis technique sollicité est soumis à la discussion contradictoire


Références :

articles 329 et 331, dernier alinéa, du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'assises du Finistère, 02 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 déc. 2016, pourvoi n°16-81656, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat général : M. Bonnet
Rapporteur ?: Mme Drai
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 09/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:16.81656
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award