La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/09/2016 | FRANCE | N°15VE03497

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 15 septembre 2016, 15VE03497


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le fonds NORTHROP GRUMMAN CORPORATION VEBA MASTER TRUST 1 a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, au titre des années 2006 à 2009 et de lui accorder le bénéfice du versement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, à titre subsidiaire, de demander l'avis du Conseil d'État sur l'éventuelle contrariété de la retenue à

la source prélevée sur les dividendes de source française au titre des années 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le fonds NORTHROP GRUMMAN CORPORATION VEBA MASTER TRUST 1 a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, au titre des années 2006 à 2009 et de lui accorder le bénéfice du versement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, à titre subsidiaire, de demander l'avis du Conseil d'État sur l'éventuelle contrariété de la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française au titre des années 2006 à 2009 à l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, et de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'avis soit rendu et, à titre plus subsidiaire, de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle sur l'éventuelle contrariété de la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française au titre des années 2006 à 2009 à l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, et de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision soit rendue.

Par un jugement n° 1312035 du 18 septembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil faisant partiellement droit à sa demande, a décidé de la restitution des retenues à la source prélevées au titre de l'année 2009, à hauteur de 30 673,38 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 novembre 2015 et 25 avril 2016, le fonds NORTHROP GRUMMAN CORPORATION VEBA MASTER TRUST 1, représenté par Me de Waal, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette pour irrecevabilité ses conclusions tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;

2° de prononcer la restitution des montants correspondant aux retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre de ces trois années ;

3° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a retenu la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de sa réclamation au titre des années 2006, 2007 et 2008, dont a fait état le rapporteur public, pour la première fois à l'audience et sans que l'administration fiscale n'en ait fait état dans ses écritures, violant ainsi le principe du contradictoire puisqu'il a dû présenter une note en délibéré afin de contester ces éléments ; pour le même motif, il a également été privé de son droit à un procès équitable ;

- sa réclamation au titre des années 2006, 2007 et 2008 était recevable puisqu'elle a été introduite le 23 décembre 2011, avant la date du 31 décembre 2011 qui correspond à l'expiration du délai nouveau ouvert par la décision Société Stichting Unilever Pensioenfonds Progress rendue par le Conseil d'État saisi d'un recours en excès de pouvoir, le 13 février 2009 sous le n° 298108, conformément à l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et au c) de l'article R. 196-1 du même livre, dans leur rédaction applicable aux décisions de justice intervenues avant le 1er janvier 2013, pour l'application desquels cette décision constitue un " évènement " ; la décision Société Rallye, ne saurait avoir la portée que lui prête l'administration, dès lors que dans cette décision, le Conseil d'État conclut qu'une instruction fiscale qui ajoute illégalement à la loi n'est pas une règle de droit au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et du c) de l'article R. 196-1 du même livre, alors que dans Stichting Unilever, le Conseil d'État censure au contraire l'absence d'une position à caractère réglementaire venant corriger une norme déficiente ; les décisions du Conseil d'État SA Canal+, 17 avril 2015, n° 373650 et Société Santander Asset Management SGIIC SA et autres, du 23 mai 2011, n° 344678 à 344687, mentionnent certes que " seules les décisions de la CJUE retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France, sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un tel évènement, au sens et pour l'application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales (...) ", mais que cet adverbe " directement " ne doit pas être compris trop strictement car il serait détourné de son objectif qui est de permettre la pleine application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ;

- les instructions qui ne sont pas interprétatives et se bornent à rappeler l'état du droit positif entrent dans le champ d'application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, ainsi que l'a affirmé le Conseil d'État dans sa décision Chauderlot du 2 juin 2006, n° 275416 ; or, dans la décision Stichting Unilever, l'instruction en cause n'était en aucun cas interprétative et ne faisait que rappeler le principe de la retenue à la source prévu au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts ;

- sur le fond : les retenues à la source doivent lui être restituées dès lors que sa gestion est désintéressée, qu'il est géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation et, enfin, qu'il n'entretient pas de relation privilégiée avec des entreprises et pas davantage de relations de concurrence ; à cet effet, il rappelle le principe de fonctionnement d'un fonds de pension américain, géré par un trustee auquel il est légalement interdit de tirer profit de la gestion des actifs du fonds.

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Moulin-Zys,

- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,

1. Considérant que le NORTHROP GRUMMAN CORPORATION VEBA MASTER TRUST 1, fonds de droit américain dont le siège social est situé One Hornet Way à El Segundo 90245-2804, Californie (Etats-Unis), a été, en application des dispositions combinées du 2 de l'article 119 bis et de l'article 187 du code général des impôts ainsi que de la convention fiscale franco-américaine, soumis, au titre des années 2006 à 2009, à la retenue à la source sur les dividendes perçus de sociétés françaises, au taux de 15 % ; qu'il relève régulièrement appel du jugement rendu le 18 septembre 2015 par le Tribunal administratif de Montreuil, en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que contrairement à ce que soutient le requérant, la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la réclamation au titre des années 2006, 2007 et 2008 retenue par le tribunal administratif, fondée sur le fait que la décision rendue par le Conseil d'État le 13 février 2009 dans l'affaire n° 298198 " Société Stichting Unilever Pensionenfonds Progress et autres " ne saurait constituer, en l'espèce, la réalisation d'un " évènement ", figure expressément dans le mémoire en défense daté du 26 mai 2015 par l'administration fiscale, enregistré le 29 mai 2015 au greffe du tribunal administratif et communiqué le 1er juin 2015 ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire et du droit à un procès équitable, qui manque en fait, doit être écarté ;

Sur la tardiveté de la réclamation au titre des retenues à la source effectuées en 2006, 2007 et 2008 :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) c) de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) " ; qu'aux termes de la seconde partie du même article : " Toutefois, dans les cas suivants, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : / (...) b) Au cours de laquelle les retenues à la source et les prélèvements ont été opérés s'il s'agit de contestations relatives à l'application de ces retenues (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une réclamation est recevable dès lors qu'elle est formée dans le délai prévu dans l'une des hypothèses mentionnées dans la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que la seconde partie de cet article ouvre, en outre, dans les hypothèses qu'elle prévoit, un autre délai pendant lequel une réclamation est également recevable ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu (...) / Pour l'application du quatrième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux les décisions du Conseil d'Etat (...) se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle " ;

5. Considérant que, s'agissant des décisions et avis rendus au contentieux, notamment, par le Conseil d'État seuls ceux qui révèlent directement l'incompatibilité avec une règle de droit supérieure de la règle de droit dont il a été fait application pour fonder l'imposition en litige sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ainsi que de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ; qu'une décision ou un avis qui se borne à retenir une interprétation des dispositions du droit de l'Union ou du droit national dont il a été fait application pour fonder l'imposition contestée différente de celle jusqu'alors formellement admise par l'administration dans ses instructions, ne peut constituer le point de départ de ce délai et de cette période, dès lors que l'imposition ne saurait être fondée sur l'interprétation de la loi fiscale que l'administration exprime dans ses instructions ; que, par suite, la décision rendue par le Conseil d'État le 13 février 2009 dans l'affaire " Société Stichting Unilever Pensionenfonds Progress et autres " ne saurait constituer la réalisation d'un " évènement " au sens du c) de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, précité, dès lors que celle-ci n'a fait que révéler la non-conformité d'une instruction, en l'espèce applicable aux seuls fonds néerlandais, à une règle de droit supérieure ; que, dès lors, le délai de réclamation le plus long à l'encontre des retenues à la source litigieuses versées au titre des années 2006, 2007 et 2008, après computation selon le b) de la première partie de l'article R. 196-1 et le b) de la seconde partie du même article, expirait au 31 décembre des années 2008, 2009 et 2010 respectivement ; que, par suite, la réclamation du fonds requérant, introduite le 29 décembre 2011, est tardive pour ces années ; qu'ainsi, les conclusions du fonds NORTHROP GRUMMAN CORPORATION VEBA MASTER TRUST 1 tendant à la décharge des retenues à la source versées au titre des années 2006, 2007 et 2008 sont irrecevables ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le fonds NORTHROP GRUMMAN CORPORATION VEBA MASTER TRUST 1 n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 18 septembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande ; que, par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du fonds NORTHROP GRUMMAN CORPORATION VEBA MASTER TRUST 1 est rejetée.

''

''

''

''

N° 15VE03497 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE03497
Date de la décision : 15/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-06-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers. Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : PAUL HASTINGS (EUROPE) LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 20/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-09-15;15ve03497 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award