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20/12/2016 | FRANCE | N°15VE00671

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 20 décembre 2016, 15VE00671


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 14 août 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite de rejet née le 23 juin 2013 et a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 24 décembre 2012 en autorisant l'Office public de l'habitat (OPH) de Drancy à le licencier pour faute ;

Par un jugement n° 1310432 du 15 décembre 2014, le Tribunal administratif

de

Montreuil a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 14 août 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite de rejet née le 23 juin 2013 et a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 24 décembre 2012 en autorisant l'Office public de l'habitat (OPH) de Drancy à le licencier pour faute ;

Par un jugement n° 1310432 du 15 décembre 2014, le Tribunal administratif de

Montreuil a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 février 2015 et 27 avril 2015,

M. D... représenté par Me Ladaoui, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision du 14 aout 2013 susmentionnée ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de

3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. D...soutient que :

-le jugement litigieux est entaché d'irrégularité dès lors qu'il est insuffisamment motivé, faute d'avoir répondu au moyen tiré de l'irrecevabilité pour cause de tardiveté du recours hiérarchique formé par l'OPH de Drancy ;

- que la décision du ministre est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne tient pas compte de la nouvelle enquête réalisée par le Directeur du Travail de Bobigny ;

- le ministre ne pouvait retirer la décision implicite de rejet formée le 23 juin 2013 suite au recours hiérarchique formé par l'Office public de l'habitat de Drancy ;

-le recours hiérarchique de l'Office public de l'habitat de Drancy était tardif et n'aurait pas du être pris en compte ;

- la décision du ministre ne qualifie pas la faute et le type de faute qu'il aurait commise ;

- les faits de dénigrement de sa hiérarchie et absences non justifiées alléguées par l'Office public de l'habitat de Drancy ont été commis postérieurement à la convocation à l'entretien préalable ;

- son employeur lui a demandé d'effectuer des tâches en matière de sécurité incendie qui ne correspondent pas au poste de technicien de chauffage ;

- il n'a pas commis de faute dans l'exécution des marchés et l'exploitation des chaufferies ; mais a été victime d'un manque de moyens et de temps ; que les manquements éventuels n'ont pas entravé le bon fonctionnement du service dès lors qu'aucune panne de chaufferie n'a été constatée ;

- il n'a pas commis de faute dans la mise en sécurité incendie des locaux ; qu'il n'a pas commis de faute concernant la mise aux normes des alimentations en eau des logements et l'ajout des clapets-antipollution ;

- il n'a pas commis de faute en ne prévenant pas son employeur de ses absences ;

- il existe un lien entre le licenciement et son mandat syndical dès lors que le Directeur de l'office lui a fait savoir par mail qu'il n'aurait pas le temps de remplir ses fonctions en raison de ses mandats syndicaux ;

- ce sont des problèmes de management dans le service et avec les autres services qui sont à l'origine de son licenciement ; que son licenciement est fait un licenciement économique, ainsi qu'en atteste le fait que la Direction des services techniques a par la suite été supprimée ;

-le jugement est entaché de dénaturation des faits et d'erreur dans la qualification juridique des faits ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Margerit,

- les conclusions de Mme Orio, rapporteur public,

- et les observations de Me E...pour l'Office public de l'habitat de Drancy.

1. Considérant que l'Office public de l'habitat de Drancy a recruté M. C... D... le 2 juillet 2007, pour exercer, selon les termes de son contrat ainsi que de sa fiche de poste, les fonctions de technicien chauffagiste au sein de la direction des services techniques ; qu'à partir de 2009, M. D...a exercé le mandat de représentant de la section syndicale CFTC ; qu'à partir de 2011, il a exercé en plus le mandat de membre du conseil d'administration de la caisse d'allocations familiales de la Seine-Saint-Denis et enfin, à partir de septembre 2012, le mandat de conseiller du salarié ; qu'il cumulait ces trois mandats lorsque son employeur a présenté le 22 octobre 2012 une demande en vue d'être autorisé à le licencier pour motif disciplinaire ; que, le 24 décembre 2012, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de le licencier ; que, sur recours hiérarchique de l'Office public de l'habitat de Drancy, reçu en main propre le 22 février 2013, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, par décision du 1er août 2013, révisée le 14 août suivant, a retiré la décision implicite de rejet, consécutive au recours hiérarchique dont il a été saisi, née le 23 juin 2013, a annulé le refus opposé par l'inspecteur du travail et a accordé l'autorisation sollicitée ; que M. D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler cette décision du 14 août 2013 ; que, par un jugement en date du 15 décembre 2014, le Tribunal administratif de

Montreuil a rejeté sa requête ; que M. D...relève régulièrement appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :

2. Considérant, que M.D..., qui critique le considérant 8 du jugement attaqué et soutient notamment que " la hauteur de la faute " qui lui est reprochée et le type de cette dernière ont été mal qualifiés, doit être regardé comme invoquant le moyen tiré de ce que les manquements invoqués par l'Office public de l'habitat de Drancy ne constituent pas une faute d'une gravité suffisante justifiant un licenciement ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-1 du code du travail : " Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : 1° Délégué syndical ; (...) / 13° Membre du conseil ou administrateur d'une caisse de sécurité sociale (...) / 16° Conseiller du salarié (..)/ " ; qu'en vertu des articles L. 2411-3, L. 2411-18 et L. 2411-21 du même code, le licenciement des ces salariés, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec leurs fonctions représentatives normalement exercées ou leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exercice des fonctions dont il est investi ;

4. Considérant que, lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre chargé du travail doit, soit confirmer cette décision, soit, si elle est illégale, l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision ; que le silence gardé par le ministre pendant plus de quatre mois sur le recours dont il est saisi contre la décision de l'inspecteur du travail doit être regardé, en application de l'article R. 2422-1 du code du travail selon lequel " le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ", comme ayant valu décision implicite de rejet ;

5. Considérant que, dans le délai de deux mois du recours contentieux, le ministre chargé du travail peut rapporter légalement sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail refusant le licenciement d'un salarié protégé, qui est créatrice de droits au profit de ce dernier, dès lors que ces deux décisions sont illégales ;

6. Considérant que, pour autoriser le licenciement de M. D..., le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social s'est fondé sur la circonstance qu'il n'a pas exécuté certaines tâches relatives à l'entretien et à la sécurité incendie des installations de chauffage des immeubles de l'Office public de l'habitat de Drancy ou a refusé de les exécuter et n'a pas prévenu son employeur pour ses absences dues à ses fonctions d'administrateur d'une caisse d'allocations familiales ;

7. Considérant que, s'il ressort des pièces du dossier, et notamment du contrat de travail de M. D...et de la fiche de poste établie en 2007 que ce dernier exerçait des fonctions de technicien chauffagiste et sécurité incendie incluant la gestion des fluides comprenant notamment l'électricité, la VMC et l'eau ; que M. D...n'est pas fondé à soutenir que l'exécution de tâches dans ces domaines était exclue de ses missions ;

8. Considérant, d'une part, s'agissant de l'exécution de ses missions en matière de chauffage, qu'il ressort des tours d'affaires de M. D...pour 2012 et d'échanges de courriers électroniques qu'il n'a pas réalisé le tableau des travaux à réaliser dans chaque chaufferie des immeubles de l'Office public de l'habitat de Drancy, qu'il n'a pas non plus communiqué les rapports concernant le suivi de l'activité des deux exploitants des chaufferies, les sociétés Dalkia et Cofely, destiné à faire savoir à son employeur si les travaux nécessaires étaient effectués par ces entreprises ; que, s'agissant de l'exécution de ses autres missions, M. D... a refusé de vérifier si les clapets anti-retour des résidences Cachin et Auffret étaient conformes aux normes en vigueur, faisant valoir qu'il n'était pas concerné en tant que technicien chauffagiste en charge de la sécurité incendie par le marché relatif aux clapets anti-retour et anti-pollution devant être apposés en divers en droits des réseaux de fluides (eau notamment); que M. D... n'est pas, non plus, intervenu pour mettre un terme au dysfonctionnement de la ventilation mécanique contrôlée d'une résidence ; que, s'agissant de sa mission en matière de sécurité incendie, qui, ainsi qu'il a été dit, relève des missions qui lui sont fixées, il n'a pas fait effectuer le diagnostic du risque d'incendie de l'ensemble des locaux de l'Office public de l'habitat après y avoir été invité le 7 décembre 2011, les rapport fournis en novembre 2012 ne concernant que le siège de l'Office et cinq de ses agences ;

9. Considérant que si le tour d'affaires mentionne qu'après avoir été relancé à cet effet, il n'a pas renseigné de manière complète le tableau des ramonages des conduits de fumée et des conduits de ventilation statique, M. D...conteste ces faits en faisant valoir que le contrôle des éléments de chaufferie est aussi effectué par un bureau de contrôle spécialisé, que son supérieur hiérarchique, M.A..., devait lui aussi établir des rapports concernant l'activité des entreprises Dalkia et Cofely, qu'il a pu faire établir des devis pour la sécurisation de l'accès à la ventilation mécanique contrôlée de la Résidence foyer " Soleil ", et qu'enfin, n'ayant pas le temps de vérifier tous les conduits de cheminée pour renseigner le tableau destiné à son employeur, il avait lui-même chargé son collègue, M.B..., d'accomplir cette tâche ;

10. Considérant que, si ces circonstances ne constituaient pas des motifs légitimes l'autorisant à ne pas déférer aux directives données par son employeur, elles intervenaient au dire d'un rapport de consultants en date de janvier 2012, dans un contexte global dans lequel " les clés de répartition des charges gérées au niveau du responsable GFLU ne sont connues que de lui ", au terme d'une analyse organisationnelle relevant le manque de clarté dans la définition des tâches ;

11. Considérant, d'autre part, que M. D...n'a pas prévenu son employeur de ses absences du 2 juillet, du 28 septembre et du 1er octobre 2012, ces deux dernières absences étant aussi, contrairement à ce que M. D...soutient, antérieures à l'entretien préalable au licenciement qui s'est déroulé le 8 octobre 2012 ;

12. Considérant, toutefois, que les manquement susmentionnés n'ont pas été constatés au cours de l'entretien individuel d'évaluation pour 2012, dont M. D...produit un large extrait, cette fiche se bornant à mentionner, malgré le fait que 2/3 des missions confiées ont été réalisées de manière satisfaisante, ayant valu à l'intéressé une note de 2 dont la signification littérale est " la compétence correspond à ce qui est requis pour la fonction " ; que ce compte-rendu mentionne par ailleurs des retards persistants dans les avenants des marchés à passer et des éléments à améliorer, ces points ne remettent pas en cause l'appréciation globalement satisfaisante portée sur le travail de M. D...par son supérieur hiérarchique ; que, par ailleurs, l'évaluation pour 2012 était plus favorable à l'intéressé que celle pour 2011, laquelle faisait état de difficultés et de désorientation du travail liée à l'absence de sa secrétaire, dont les pièces du dossier démontrent qu'elles avaient alors pu impacter le bon fonctionnement du service ;

13. Considérant, par ailleurs, que l'office n'établit ni n'allègue, au-delà des exemples de manquements susmentionnés, quelle serait exactement la part de ces manquements au regard de la totalité des tâches confiées à M.D... ;

14. Considérant, enfin, que M. D...n'a fait l'objet d'aucun avertissement préalable permettant d'établir que les retards et manquements mentionnés, par leur importance, auraient constitué une faute d'une gravité suffisante justifiant un licenciement pour faute ; qu'en outre, l'agent n'a fait l'objet d'aucune poursuite disciplinaire antérieure ;

15. Considérant, dans ces conditions, que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a pu considérer que les faits reprochés à M. D...constituaient une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation de son licenciement ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête, et à demander l'annulation de la décision du 14 août 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite de rejet née le 23 juin 2013 et a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 24 décembre 2012 en autorisant l'Office public de l'habitat de Drancy à le licencier pour faute ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. D...de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1 : Le jugement susvisé n° 1310432 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La décision du 14 août 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite de rejet née le 23 juin 2013 et a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 24 décembre 2012 en autorisant l'Office public de l'habitat de Drancy à licencier pour faute M. D..., est annulée.

Article 3 : L'Etat versera à M. D...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 15VE00671


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00671
Date de la décision : 20/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Diane MARGERIT
Rapporteur public ?: Mme ORIO
Avocat(s) : LADAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-12-20;15ve00671 ?
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