La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/10/2017 | FRANCE | N°15PA03496

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 23 octobre 2017, 15PA03496


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) ER Travaux a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge du rappel de taxe de solidarité sur les services, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquels elle a été assujettie au titre de la période courue du 1er août 2008 au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1400133 du 4 juin 2015, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a substitué la pénalité de 40 % pour mauvaise foi à celle pour manoeuvres f

rauduleuses appliquée au taux de 50 %, déchargé la société ER Travaux de la différence résu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) ER Travaux a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge du rappel de taxe de solidarité sur les services, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquels elle a été assujettie au titre de la période courue du 1er août 2008 au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1400133 du 4 juin 2015, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a substitué la pénalité de 40 % pour mauvaise foi à celle pour manoeuvres frauduleuses appliquée au taux de 50 %, déchargé la société ER Travaux de la différence résultant de cette substitution du taux de 40 % à celui de 50 % et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2015, la société ER Travaux, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400133 du 4 juin 2015 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge du rappel de taxe de solidarité sur les services et de la majoration y afférente auxquels elle a été assujettie au titre de la période courue du 1er août 2008 au 31 décembre 2010 ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rappel est mal fondé au motif que son activité de fabrication de menuiseries et de fermetures métalliques n'est pas passible de la taxe de solidarité sur les services lorsque la pose de ces éléments est effectuée en dehors d'un contrat de sous-traitance par une autre société indépendante, hypothèse dans laquelle elle ne facture aucune marge sur la pose ;

- la majoration litigieuse est mal fondée dès lors que l'administration n'apporte pas la preuve de son intention d'éluder l'impôt.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2016, la Nouvelle-Calédonie, représentée par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que la Cour remette à la charge de la société ER Travaux la majoration pour manoeuvres frauduleuses au taux de 50 % ; elle demande également que la Cour mette à la charge de la requérante le versement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 complétée par la loi n° 99-210 du

19 mars 1999 ;

- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auvray,

- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la Nouvelle-Calédonie.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'appel principal :

1. Considérant que la société ER Travaux, qui a pour activité la fabrication de menuiseries et de fermetures métalliques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité dont il est notamment résulté un rappel de taxe de solidarité sur les services (TSS) assorti de la majoration pour manoeuvres frauduleuses appliquée au taux de 50 % au titre de la période courue du 1er août 2008 au 31 décembre 2010 ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article Lp. 918 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie: " I. Sont soumis à la taxe, les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel./ Les opérations autres que les livraisons de biens sont considérées comme des prestations de services./ Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire (...) III.- Sont notamment considérés comme des prestations de services, cette liste n'étant pas limitative : (...) les travaux immobiliers (...) " ; qu'aux termes de l'article Lp. 918 A de ce code : " I. Sont assujetties à la taxe les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au quatrième alinéa du présent article, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / Les personnes qui agissent de manière indépendante sont celles qui exercent une activité sous leur propre responsabilité et jouissent d'une totale liberté dans l'organisation et l'exécution des travaux qu'elle comporte (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, et n'est du reste pas contesté par la société ER Travaux, qu'une prestation globale d'achat et de pose de matériels destinés à devenir des immeubles par destination constitue des travaux immobiliers dont le prix est, par suite, passible de la taxe de solidarité sur les services ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article Lp. 919 D du code des impôts de Nouvelle-Calédonie : " La sous-traitance est définie comme l'opération par laquelle un entrepreneur confie, par un sous-traité et sous sa responsabilité à une autre personne appelée sous-traitant, une partie de l'exécution du contrat d'entreprise conclu avec le maître de l'ouvrage, c'est-à-dire l'opération par laquelle une entreprise confie à une autre le soin d'exécuter pour elle et selon un certain cahier des charges préétabli, une partie des actes de production et de services dont elle conserve la responsabilité économique finale " ;

4. Considérant que la société ER Travaux propose à ses clients soit exclusivement la fourniture, sans pose, de ses menuiseries et fermetures, soit leur vente avec pose, alors confiée à un sous-traitant ; que la requérante soutient que, dans le cas d'une vente seule, elle se borne à proposer au client de le mettre en relation avec une société de pose pour en déduire qu'en pareil cas son activité, consistant en une simple livraison de biens meubles corporels, n'est pas assujettie à la taxe de solidarité sur les services (TSS) ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, de copies de dossiers " clients " que, lors de la prise de commande, le client de la société ER Travaux doit préciser s'il souhaite également bénéficier de la pose et, dans l'affirmative, s'il opte pour que la pose soit effectuée par la société Prima Pose ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la requérante et la société Prima Pose disposent de la même boîte postale, du même numéro de téléphone et du même numéro de télécopie, que la totalité de leur capital est détenu par la même personne qui est par ailleurs

co-gérant de chacune d'elles, et qu'elles disposent de salariés communs ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier qu'alors que c'est la société Prima Pose qui intervient, le client a pour seul interlocuteur un salarié de la société ER Travaux et que c'est également un représentant de cette dernière société qui réceptionne le chantier ; que, dans ces conditions, et nonobstant l'établissement de devis et de factures par chacune de ces deux sociétés, c'est à juste titre que l'administration a estimé que, lorsque la pose des matériels fournis par la société ER Travaux était assurée par la société Prima Pose, celle-ci intervenait comme sous-traitante de la requérante dont les prestations constituaient, dès lors, des travaux immobiliers passibles de la taxe de solidarité sur les services sur la totalité du prix comprenant la pose, mais aussi la fourniture des menuiseries ; que la circonstance, à la supposer établie, tirée de ce que la société ER Travaux n'aurait alors pas appliqué de marge sur la pose effectuée par la société Prima Pose et n'aurait par suite réalisé aucun bénéfice est, par elle-même, sans influence sur le bien-fondé du rappel de taxe de solidarité sur les services, en tout état de cause assis sur le chiffre d'affaires et non sur le bénéfice ; qu'il résulte de ce qui précède que la société ER Travaux n'est pas fondée à demander à être déchargée du rappel litigieux de taxe de solidarité sur les services qui lui a été assigné au titre de la période courue du 1er août 2008 au 31 décembre 2010 ;

En ce qui concerne l'appel incident :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 1054 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1053 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti : (...) d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses (...) " ; que la majoration pour manoeuvres frauduleuses a pour objectif de sanctionner des agissements ou la mise en oeuvre d'un procédé destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration ;

8. Considérant qu'en scindant les opérations de fourniture d'une part, de pose d'autre part, des mêmes éléments de menuiseries, entre elle et la société Prima Pose dans les conditions susdécrites, la société ER Travaux a créé une situation de nature à égarer le service et à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration, en vue de soustraire une part non négligeable de son chiffre d'affaires à la taxe de solidarité sur les services ; que, par suite, la Nouvelle-Calédonie est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont substitué la majoration pour mauvaise foi à celle pour manoeuvres frauduleuses ; qu'il y a donc lieu de réformer dans cette mesure le jugement attaqué et, faisant droit aux conclusions de l'intimée, de remettre à la charge de la société ER Travaux, dont les conclusions à fin de décharge de la majoration pour mauvaise foi doivent par voie de conséquence être rejetées, la majoration pour manoeuvres frauduleuses au taux effectivement appliqué de 50 % ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Er Tavaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté le surplus de sa demande ; qu'il y a en revanche lieu de réformer ce jugement en tant qu'il a substitué la majoration pour mauvaise foi à celle pour manoeuvres frauduleuses ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour mette à la charge de la Nouvelle-Calédonie qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société

ER Travaux au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion du présent litige et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a en revanche lieu de mettre à la charge de cette société le versement à la Nouvelle-Calédonie d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La majoration pour manoeuvres frauduleuses est remise à la charge de la société à responsabilité limitée ER Travaux au taux de 50 % qui lui a été effectivement appliqué.

Article 2 : La requête de la société à responsabilité limitée ER Travaux est rejetée.

Article 3 : Le jugement n° 1400133 du 4 juin 2015 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La société ER Travaux versera à la Nouvelle-Calédonie une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée ER Travaux et à la Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de la chambre,

- M. Auvray, président-assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2017.

Le rapporteur,

B. AUVRAYLe président,

M. HEERS

Le greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.

2

N° 15PA03496


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03496
Date de la décision : 23/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

46-01 Outre-mer. Droit applicable.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-10-23;15pa03496 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award