Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Scapêche Bretagne Ouest a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler le titre de perception du 22 février 2013 émis par la direction régionale des finances publiques de Bretagne en vue du recouvrement d'une somme de 80 463,02 euros.
Par un jugement n° 1400316 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a annulé le titre de perception du 22 février 2013.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 19 août 2015, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 juin 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Scapêche Bretagne Ouest devant le tribunal administratif de Rennes.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur décision car ils n'ont pas précisé quelle circonstance faisait obstacle à ce que l'Etat puisse récupérer le montant des aides accordées auprès des entreprises de pêche ;
- il résulte de la décision de la Commission du 14 juillet 2004 que la mesure d'aide prise par la France en faveur des pêcheurs, consistant en allègement de charges sociales pour la période du 15 avril au 15 octobre 2000, est incompatible avec le marché commun, y compris en tant qu'elle concerne les cotisations salariales ;
- la Commission a considéré, dans la même décision, que les employés des entreprises concernées ne peuvent être regardés comme les bénéficiaires de l'aide qui a permis de réduire les charges de leur employeur et non de leur verser un salaire augmenté du montant des cotisations salariales ;
- dans sa décision du 20 octobre 2011, la Cour de justice de l'union européenne a jugé qu'il était impossible de remettre en cause la légalité de la décision de la Commission sur ce point ;
- le tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit en jugeant, en méconnaissance de la décision du 14 juillet 2004 et de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, que l'exonération de cotisations salariale n'a pas bénéficié à la société Scapêche Bretagne Ouest.
La requête a été communiquée le 9 septembre 2015 à la direction départementale des finances publiques du Finistère qui n'a pas produit de mémoire.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 décembre 2015, la société Scapêche Bretagne Ouest, représentée par la Scp Delaporte, Briard et Trichet, conclut au rejet du recours et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens présentés par le ministre ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 17 juin 2016 à 12 heures par une ordonnance du 3 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité instituant la Communauté européenne devenu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du Traité CE ;
- la décision n° 2005/239/CE de la Commission européenne du 14 juillet 2004 concernant certaines mesures d'aide mises à exécution par la France en faveur des aquaculteurs et des pêcheurs ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 20 octobre 2011 dans l'affaire C-549/09, Commission européenne contre France ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Bris,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la société Scapêche Bretagne Ouest.
1. Considérant que suite au naufrage du navire " Erika " et à la tempête survenue en 1999, le gouvernement français a accordé aux entreprises du secteur de la pêche maritime des aides sous forme d'allégements de cotisations sociales ; que, par une décision du 14 juillet 2004 n°2005/239/CE, la Commission européenne a déclaré ces aides d'Etat incompatibles avec le marché commun ; que, par une décision C-549/09 du 20 octobre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a constaté que l'Etat français avait manqué à ses obligations en s'abstenant de procéder à la récupération des sommes correspondant à ces aides illégales ; que, pour exécuter ces décisions, l'Etat français a émis le 22 février 2013 un titre de perception pour une somme de 80 463,02 euros à l'encontre de la société Scapêche Bretagne Ouest, concernée par ces allégements de cotisations entre le 15 avril et le 15 octobre 2000 ; que le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales relève appel du jugement du 25 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé le titre de perception du 22 février 2013 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le tribunal a déchargé la société Scapêche Bretagne Ouest du versement de la somme en litige en se fondant sur la circonstance que celle-ci ne pouvait être regardée comme la bénéficiaire de l'aide dont la récupération était poursuivie, qui avait en réalité profité à ses salariés ; que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'environnement, cette motivation est suffisamment claire et précise ;
Sur le fond du litige :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 107 §1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions." ; qu'aux termes de l'article 14 du règlement n° 659/1999/CE du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE, devenu l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l'Etat membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire (...) ; " ; que ces dispositions ne font pas obstacle à l'annulation par le juge administratif d'un titre de perception ayant pour objet la récupération d'une aide déclarée illégale, notamment lorsqu'est en cause la qualité du débiteur de la créance en litige ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les allégements de cotisations sociales accordés à la société Scapêche Bretagne Ouest du 15 avril au 15 octobre 2000 portaient à la fois sur la part patronale et sur la part salariale, toutes deux réduites de moitié pendant cette période ; que le montant de 80 463,02 euros mis à la charge de cette société par l'administration est composé de 29 236,68 euros de cotisations patronales, de 20 239,71 euros de cotisations salariales et des intérêts générés par ces deux sommes ; que si la société Scapêche Bretagne Ouest est chargée, en tant qu'employeur, de précompter sur le salaire de ses employés la part de cotisations salariales due à l'Etablissement national des invalides de la marine, gestionnaire du régime de sécurité social des marins, elle n'a pas pour autant bénéficié de la réduction du taux de ce prélèvement pendant les six mois ayant fait l'objet de l'allégement, dès lors que cette réduction a eu mécaniquement pour effet d'augmenter le montant du salaire net versé à ses salariés, bénéficiaires exclusifs de cette mesure ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, la circonstance que la Commission européenne ait qualifié d'aides illégales, dans sa décision précédemment visée du 14 juillet 2004, les allégements de cotisations accordés par l'Etat français n'implique pas nécessairement que les entreprises ayant profité d'une réduction de leurs charges patronales doivent être également considérées comme les bénéficiaires, directs ou indirects, de la part salariale de l'allégement, et puissent être par suite contraintes d'en assumer le remboursement ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé le titre de perception du 22 février 2013 mettant à la charge de la société Scapêche Bretagne Ouest la somme totale de 80 463,02 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Scapêche Bretagne Ouest de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société Scapêche Bretagne Ouest la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, à la société Scapêche Bretagne Ouest et à la direction départementale des finances publiques du Finistère.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. Gauthier, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 avril 2017.
Le rapporteur,
I. Le BrisLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT02602