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09/06/2017 | FRANCE | N°15NT02361

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 09 juin 2017, 15NT02361


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Mutualité Finistère et Morbihan, chargée de la gestion de la clinique Saint-Michel Sainte-Anne de Quimper (29000), a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Établissement français du sang à la garantir des condamnations prononcées à son encontre du fait de la contamination transfusionnelle par les virus de l'hépatite B et C dont Mme A...D...a été victime au cours de l'intervention qu'elle a subie dans cet établissement le 4 novembre 1976 et lors de sa prise en charge jusqu'au 13 n

ovembre 1976.

Par un jugement n° 1202879 du 11 juin 2015, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Mutualité Finistère et Morbihan, chargée de la gestion de la clinique Saint-Michel Sainte-Anne de Quimper (29000), a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Établissement français du sang à la garantir des condamnations prononcées à son encontre du fait de la contamination transfusionnelle par les virus de l'hépatite B et C dont Mme A...D...a été victime au cours de l'intervention qu'elle a subie dans cet établissement le 4 novembre 1976 et lors de sa prise en charge jusqu'au 13 novembre 1976.

Par un jugement n° 1202879 du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande en condamnant l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 323 810 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2015 l'Établissement français du sang, représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juin 2015 du tribunal administratif de Rennes en ce qu'il l'a condamné à verser à la Mutualité Finistère et Morbihan la somme de 323 810 euros ;

2°) de mettre à la charge de la mutualité Finistère et Morbihan la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est mal dirigée, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) étant désormais substitué à l'Etablissement français du sang à compter du 1er juin 2010 ;

- la mutualité Finistère et Morbihan, subrogée dans les droits de MmeD..., peut se voir opposer cette fin de non recevoir au même titre que la victime.

Par un courrier enregistré le 21 septembre 2015, la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère informe la cour qu'elle ne souhaite pas intervenir dans l'instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2015 la mutualité Finistère et Morbihan, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'établissement français du sang au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens développés par l'Établissement français du sang n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 10 mai 2016, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'établissement français du sang au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que c'est à juste titre que le tribunal administratif de Rennes l'a mis hors de cause, qu'intervenant au titre de la solidarité nationale, il n'est pas un tiers responsable contre lequel l'action subrogatoire peut s'exercer, et qu'aucun des moyens développés par l'Établissement français du sang n'est fondé.

Les parties ont été informées, le 27 avril 2017, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la mutualité Finistère et Morbihan, gérante de la clinique Saint-Michel Sainte-Anne de Quimper, n'étant pas un organisme tiers payeur au sens de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, n'est pas en droit d'exercer à l'encontre de l'Établissement français du sang, en sa qualité de fournisseur des produits sanguins à l'origine du dommage une action subrogatoire à hauteur des sommes versées à la victime d'une contamination par le VHC et que tant sa demande de première instance que sa requête ne sont pas recevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemoine,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Maral, avocat de la mutualité Finistère et Morbihan.

1. Considérant que Mme A...D..., alors âgée de 28 ans, a subi le 4 novembre 1976 une césarienne à la clinique Saint-Michel Sainte-Anne de Quimper à l'occasion de laquelle elle a fait l'objet de transfusions sanguines ; qu'elle a également subi de nouvelles transfusions en février 1977 dans le cadre du traitement d'une hépatite B mettant en jeu son pronostic vital ; qu'elle a été informée, en 1992, qu'elle était porteuse du virus de l'hépatite C ; qu'estimant que sa contamination était imputable aux transfusions qu'elle avait reçues lors de sa prise en charge par la clinique Saint-Michel Sainte-Anne entre le 4 et le 13 novembre 1976, Mme D...a obtenu, par ordonnances des 7 septembre et 12 octobre 2005 du président du tribunal de grande instance de Quimper, la désignation d'un expert qui, dans son rapport établi le 20 décembre 2005, a conclu à l'origine transfusionnelle de l'hépatite B et à la vraisemblance de l'origine transfusionnelle de la contamination au VHC dont elle était atteinte ; que la victime a recherché la responsabilité de la Mutualité Finistère et Morbihan, désormais gestionnaire de la clinique, devant le tribunal de grande instance de Quimper ; qu'au cours de cette instance, la Mutualité Finistère et Morbihan a assigné l'Établissement français du sang (EFS) en déclaration de jugement commun ; que, par une ordonnance du 23 janvier 2009, non frappée d'appel, le juge de la mise en état de ce tribunal a rejeté cette demande comme formée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que, par un jugement du 5 janvier 2010, le tribunal de grande instance de Quimper a ensuite, d'une part, déclaré la Mutualité Finistère et Morbihan responsable de la contamination de Mme D...aux VHB et VHC et, d'autre part, ordonné un supplément d'expertise relatif à certains des préjudices subis par MmeD..., et a enfin condamné la Mutualité Finistère et Morbihan à verser à la victime une provision de 60 000 euros ; qu'à la suite des expertises médicales et comptables complémentaires, le tribunal de grande instance de Quimper, par un jugement du 20 mai 2014, a condamné la Mutualité Finistère et Morbihan à verser à Mme D...la somme totale de 264 985,49 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Finistère la somme de 117 574,09 euros en remboursement de ses débours et de l'indemnité forfaitaire de gestion ; que ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Rennes du 17 février 2016 ;

2. Considérant que la Mutualité Finistère et Morbihan a, le 22 novembre 2011, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à ce que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la garantisse des condamnations prononcées à son encontre au titre de la contamination de Mme D...par le virus de l'hépatite C ; que, par un jugement du 29 novembre 2012 devenu définitif, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande au motif qu'à la date du 1er juin 2010, date à laquelle l'ONIAM a été substitué à l'EFS, la Mutualité Finistère et Morbihan n'était pas partie d'une instance en cours contre l'EFS et que, par suite, son action subrogatoire et récursoire dirigée contre l'office n'était pas recevable, l'ONIAM intervenant au titre de la solidarité nationale et non comme responsable du dommage ;

3. Considérant que, parallèlement, la Mutualité Finistère et Morbihan a, le 17 juillet 2012, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à ce que l'Établissement français du sang la garantisse de ces sommes rappelées au point 1 versées à Mme D...et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère au titre des conséquences dommageables résultant de la contamination de Mme D...par les virus de l'hépatite B et C ; que, par le jugement attaqué du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'EFS à lui rembourser la somme de 206 235 euros au titre des préjudices de Mme D... et la somme de 117 574,09 euros au titre des débours de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère ; que l'EFS relève appel de ce jugement ;

4. Considérant, d'une part qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 (...) L'office et les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'Etablissement français du sang, venu aux droits et obligations des structures mentionnées à l'avant-dernier alinéa, si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré. " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 : " Seules les prestations énumérées ci-après versées à la victime d'un dommage résultant des atteintes à sa personne ouvrent droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur : 1. Les prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale et par ceux qui sont mentionnés aux articles 1106-9, 1234-8 et 1234-20 du code rural ; 2. Les prestations énumérées au II de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'État et de certaines autres personnes publiques ; 3. Les sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation ; 4. Les salaires et les accessoires du salaire maintenus par l'employeur pendant la période d'inactivité consécutive à l'événement qui a occasionné le dommage ; 5. Les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité versées par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et les sociétés d'assurance régies par le code des assurances. " ; que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et du I de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959, ainsi que des articles 28 et 29 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, applicables en vertu de l'article 28 de la même loi aux relations entre le tiers payeur et la personne tenue à réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne, quelle que soit la nature de l'événement ayant occasionné ce dommage, énumèrent la liste des tiers payeurs et celles des prestations versées à la victime ouvrant droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur ; qu'enfin, l'article 30 de la loi du 5 juillet 1985 prévoit que : " Les recours mentionnés à l'article 29 ont un caractère subrogatoire. " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées à celle qui sont citées au point 4 que le recours subrogatoire ouvert à l'encontre de l'Établissement français du sang ne l'est qu'au bénéfice des tiers payeurs énumérés à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 ;

6. Considérant que la Mutualité Finistère et Morbihan intervient dans le présent litige en qualité d'organisme chargé de la gestion de la clinique Saint-Michel Sainte-Anne, qui a été condamnée à indemniser Mme D...et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Finistère à la suite de la contamination de Mme D... imputable aux transfusions qu'elle avait reçues lors de sa prise en charge dans cet établissement entre le 4 et le 13 novembre 1976 et non en qualité d'organisme social ou mutualiste ayant versé des prestations à un assuré ou un adhérent ; qu'elle n'est ainsi pas un tiers payeur au sens des dispositions citées au point 5 ; qu'elle n'est pas davantage une victime au sens des dispositions précitées de l'article L.1221-14 du code la santé publique ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes, par le jugement attaqué, a estimé la demande présentée par la Mutualité Finistère et Morbihan recevable et a condamné l'Établissement français du sang à lui verser la somme globale de 323 810 euros sur le fondement de ces dispositions ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur ses autres moyens, que l'EFS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à la Mutualité Finistère et Morbihan la somme totale de 323 810 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EFS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Mutualité Finistère et Morbihan demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la Mutualité Finistère et Morbihan une somme de 1 500 euros chacun au titre des frais exposés par l'EFS et par l'ONIAM et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1202879 du tribunal administratif de Rennes du 11 juin 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la mutualité Finistère et Morbihan devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : La Mutualité Finistère et Morbihan versera à l'Établissement français du sang et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement français du sang, à la Mutualité Finistère et Morbihan, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Gauthier, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 juin 2017.

Le rapporteur,

F. Lemoine

Le président,

O. Coiffet

Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT02361


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02361
Date de la décision : 09/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Modalités de la réparation - Solidarité.

Responsabilité de la puissance publique - Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité - aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale - Action récursoire.

Responsabilité de la puissance publique - Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité - aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale - Subrogation.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELARL HOUDART et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-09;15nt02361 ?
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