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18/05/2016 | FRANCE | N°15NT02248

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Formation de chambres réunies d, 18 mai 2016, 15NT02248


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...C...et Mme G...C...D..., son épouse, ont, par une demande enregistrée sous le n° 1401430, contesté devant le tribunal administratif de Nantes la légalité de la décision implicite du 11 décembre 2013 par laquelle la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre le refus de visa de long séjour demandé par Mme C...D...en qualité de conjoint de réfugié statutaire.

M. B...C...a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une deman

de, enregistrée sous le n° 1405043, tendant à l'exécution de l'ordonnance n° 1401620...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...C...et Mme G...C...D..., son épouse, ont, par une demande enregistrée sous le n° 1401430, contesté devant le tribunal administratif de Nantes la légalité de la décision implicite du 11 décembre 2013 par laquelle la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre le refus de visa de long séjour demandé par Mme C...D...en qualité de conjoint de réfugié statutaire.

M. B...C...a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande, enregistrée sous le n° 1405043, tendant à l'exécution de l'ordonnance n° 1401620 du 21 mars 2014 du juge des référés de ce tribunal prescrivant la suspension de l'exécution de cette décision.

Enfin, M. B...C...et Mme C...D...ont, par une demande enregistrée sous le n° 1406815, contesté devant le tribunal administratif de Nantes la légalité de la décision en date du 7 avril 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer à Mme C...D... le visa que celle-ci avait sollicité.

Par un jugement en date du 25 février 2015, le tribunal administratif de Nantes, après avoir joint ces trois demandes, a prononcé un non-lieu à statuer, d'une part, sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions des 11 décembre 2013 et 7 avril 2014, et, d'autre part, sur la demande d'exécution présentée par M. B...C.... Par l'article 3 de ce jugement il a décidé que l'Etat verserait à Me Pollono, avocat de M. B...C...et de Mme C...D...une somme de 750 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991relative à l'aide juridique, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2015, M. B...C...et Mme C...D..., représentés par Me Pollono, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 3000 euros à verser à leur avocat, Me Pollono, sous réserve que l'intéressée se désiste du bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que le tribunal administratif a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 en fixant à 750 euros le montant accordé à leur avocat dès lors que cette somme est inférieure à la part contributive de l'Etat laquelle s'élève pour les trois demandes à la somme globale de 1298,12 euros toutes taxes comprises.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par les requérants n'est fondé.

M. B...C...et Mme C...D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 10 juin 2015.

Par lettre du 11 mars 2016, le greffe de la cour a avisé Me Pollono que le litige était en réalité un litige qui était propre à l'avocate ayant demandé le bénéfice de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a invité l'avocate à régulariser cette requête en la faisant présenter, sous peine d'irrecevabilité, par un avocat.

Par un mémoire enregistré le 23 mars 2016, Me Pollono, représentée par MeE..., a repris à son compte les conclusions tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 février 2015 et les mêmes moyens.

Par ordonnance du 13 novembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2015.

Par une ordonnance du 30 novembre 2015, la réouverture de l'instruction a été prononcée et une nouvelle clôture a été fixée au 16 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

- la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant Me Pollono.

1. Considérant que, par l'article 1er du jugement du 25 février 2015, le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions présentées par M. B...C...et Mme C...D..., son épouse, dans deux instances qu'il a jointes et tendant à l'annulation respectivement de la décision du 11 décembre 2013 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant implicitement le recours formé contre le refus de visa de long séjour opposé à Mme C...D...et de la décision du 7 avril 2014 du ministre de l'intérieur refusant de délivrer ce visa au motif que, postérieurement à l'introduction de ces demandes, les autorités consulaires françaises avaient délivré à l'intéressée le visa qu'elle sollicitait en qualité de conjoint de réfugié statutaire ; que, pour ces deux instances, les intéressés avaient bénéficié d'une aide juridictionnelle totale par deux décisions en date des 13 janvier 2014 et 5 juin 2014 ; que Me Pollono avait assuré leur défense dans ce cadre ; que, par l'article 2 de ce jugement, le tribunal a également prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions présentées par M. B...C...dans une troisième instance, également jointe, et tendant à l'exécution d'une ordonnance du 21 mars 2014 par laquelle le juge des référés de ce tribunal avait suspendu l'exécution de la décision du 11 décembre 2013 ; que, par l'article 3 du jugement, le tribunal administratif a fixé à 750 euros le montant de la somme devant être versée par l'Etat à Me Pollono en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve que cette avocate renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que la requête formée contre l'article 3 de ce jugement, qui doit être regardée comme un appel, est présentée par Me Pollono qui, reprenant à son nom les conclusions présentées initialement par M. B...C...et Mme C...D..., demande que la somme mise à la charge de l'Etat soit portée à 3 000 euros ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai. " ;

3. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 27 de la loi du 10 juillet 1991, l'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle perçoit une rétribution ; que l'article 90 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique fixe le barème applicable selon les litiges, en vue de la détermination de la contribution de l'Etat à la rémunération des avocats prêtant leur concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale ; que cette contribution est déterminée en fonction du produit de l'unité de valeur prévue par la loi de finances et des coefficients prévus par cet article ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 38 de la loi du 10 juillet 1991 : " La contribution versée par l'Etat est réduite, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, lorsqu'un avocat ou un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation est chargé d'une série d'affaires présentant à juger des questions semblables " ; qu'aux termes de l'article 109 du décret du 19 décembre 1991 : " La part contributive versée par l'Etat à l'avocat choisi ou désigné pour assister plusieurs personnes dans une procédure reposant sur les mêmes faits en matière pénale ou dans un litige reposant sur les mêmes faits et comportant des prétentions ayant un objet similaire dans les autres matières est réduite de 30 % pour la deuxième affaire, de 40 % pour la troisième, de 50 % pour la quatrième et de 60 % pour la cinquième et s'il y a lieu pour les affaires supplémentaires. "

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, dans sa rédaction issue de l'article 128 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014: " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; qu'en vertu du troisième alinéa de cet article, si l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat ;

6. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 111 du décret du 19 décembre 1991 : " En cas d'extinction de l'instance pour une autre cause qu'un jugement ou une transaction, le juge, peut, sur demande de l'avocat, allouer à celui-ci une rétribution dont il fixe le montant en fonction des diligences accomplies au cours de l'instance (...), sans qu'il y ait lieu à l'imputation prévue au premier alinéa de l'article 118-8. /Il en est de même, à la demande de l'avocat, en cas de radiation ou de retrait du rôle ou, devant les juridictions administratives, en cas de non-lieu ou de désistement. /Dans tous les cas, le montant de cette rétribution ne peut excéder la moitié de celle fixée par le barème applicable en aide totale sans autre imputation à ce titre " ; qu'il résulte des dispositions de l'article 112 du même décret que, dans le cas où l'affaire est portée devant une juridiction du premier degré de l'ordre administratif, les décisions mentionnées à l'article 111 sont prises par le président du tribunal administratif ou son délégué ;

7. Considérant que Me Pollono soutient que l'article 3 du jugement attaqué est entaché d'erreur de droit dès lors qu'en mettant à la charge de l'Etat, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 750 euros, le tribunal administratif lui a accordé une somme inférieure à la part contributive de l'Etat, laquelle s'élève, selon la requérante, pour les demandes qu'elle a déposées devant le tribunal et qui ont donné lieu à l'octroi de l'aide juridictionnelle totale, à la somme globale de 1298,12 euros toutes taxes comprises ;

8. Considérant que le litige soumis à la cour présente à juger les questions suivantes :

1°) Lorsque l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle relève appel du jugement du tribunal administratif en ce qu'il statue sur la demande présentée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, cet appel doit-il être présenté, à peine d'irrecevabilité en vertu de l'article R. 811-7 du code de justice administrative, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R 431-2 de ce même code ou peut-il être dispensé de ministère d'avocat eu égard aux particularités du litige ainsi soumis au juge d'appel '

2°) Pour l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, pour déterminer la somme susceptible d'être accordée à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, y a-t-il lieu de se référer à la part contributive de l'Etat résultant de l'application du barème fixé par l'article 90 du décret du 19 décembre 1991 ou à la rétribution effectivement accordée à l'avocat au titre de l'aide juridictionnelle après application, le cas échéant, des réductions prévues par les textes applicables, notamment par les articles 38 de la loi du 10 juillet 1991 et 109 du décret du 19 décembre 1991 '

3°) En cas de non lieu prononcé par le tribunal administratif,

a) le tribunal doit-il, pour l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, combiner ces dispositions avec celles de l'article 111 du décret du 19 décembre 1991, notamment son dernier alinéa '

b) En cas de réponse positive à la précédente question, comment ces dispositions se combinent-elles '

En particulier quel est l'office du président du tribunal administratif ou de son délégué, chargé, en application de l'article 112 du décret du 19 décembre 1991, de prendre la décision administrative mentionnée à l'article 111 du même décret '

9. Considérant que ces questions sont des questions de droit nouvelles ; qu'elles présentent des difficultés sérieuses et sont susceptibles de se poser dans de nombreux litiges ; que, dès lors, il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête de Me Pollono et de transmettre pour avis sur ces questions le dossier de cette affaire au Conseil d'Etat ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le dossier de la requête de Me Pollono est transmis au Conseil d'Etat pour examen des questions de droit définies au point 8 du présent arrêt.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de Me Pollono jusqu'à l'avis du Conseil d'Etat ou, à défaut jusqu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la transmission du dossier prévue à l'article 1er.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me A...Pollono et au ministre de l'intérieur.

Il en sera adressé une copie au préfet de Loire Atlantique.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2016 , où siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- M. Pérez, président de la deuxième chambre,

- M. Lenoir, président de la cinquième chambre,

- M. Millet, président-assesseur de la deuxième chambre,

- M. Francfort, président-assesseur de la cinquième chambre,

- M. François, premier conseiller,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 mai 2016.

Le rapporteur,

A. MONYLe président,

G. BACHELIER

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT02248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Formation de chambres réunies d
Numéro d'arrêt : 15NT02248
Date de la décision : 18/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-05-18;15nt02248 ?
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