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10/03/2016 | FRANCE | N°15NC01873

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 10 mars 2016, 15NC01873


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Nature, aménagement réfléchi, territoire, environnement, culture sauvegardés (N.A.R-T.E.C.S.) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2010 par lequel un permis de construire a été délivré à la société Loisium Alsace SAS en vue de la création d'un hôtel et centre d'évènements du vin à Voegtlinshoffen.

Par un jugement n° 1100547 du 4 novembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de l'association N.A.R-T

.E.C.S.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 août 2015 et des mé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Nature, aménagement réfléchi, territoire, environnement, culture sauvegardés (N.A.R-T.E.C.S.) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2010 par lequel un permis de construire a été délivré à la société Loisium Alsace SAS en vue de la création d'un hôtel et centre d'évènements du vin à Voegtlinshoffen.

Par un jugement n° 1100547 du 4 novembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de l'association N.A.R-T.E.C.S.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 août 2015 et des mémoires enregistrés les 6 novembre 2015 et 5 février 2016, l'association N.A.R-T.E.C.S., représentée par Me E..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1100547 du 4 novembre 2014 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2010 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Voegtlinshoffen et de la société Loisium Alsace SAS le paiement à Me E... d'une somme de 3 000 euros chacune en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

L'association N.A.R-T.E.C.S. soutient que :

- le principe du contradictoire et de loyauté a été méconnu par les premiers juges ;

- le jugement ne mentionne pas l'invitation à se désister faite aux associations requérantes en première instance ;

- le jugement n'analyse pas le contenu des mémoires de la commune produits postérieurement au 23 juillet 2014 ;

- le jugement est entaché de contradictions internes en qui concerne l'intéressement du maire de Voegtlinshoffen ;

- le permis de construire a été délivré par un conseiller municipal incompétent pour en connaître ;

- la révision du plan d'occupation des sols est entachée d'illégalité et le projet ne pouvait être autorisé sur le fondement des anciennes dispositions du document d'urbanisme ;

- la condamnation des associations au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est illégale et irrégulière dès lors qu'elles n'ont pas été informées de ce que la commune avait renoncé à se désister de ces conclusions et que le montant des frais en cause est excessif et constitue une entrave à l'accès au juge.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2015, la commune de Voegtlinshoffen, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'association N.A.R-T.E.C.S. au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que les conclusions et moyens dirigés contre le jugement en tant qu'il concerne l'association Paysages d'Alsace sont irrecevables et que les moyens présentés par l'association N.A.R-T.E.C.S. ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2015, la société Loisium Alsace SAS, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'association N.A.R-T.E.C.S. au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de droit et de fait soulevés par l'association N.A.R-T.E.C.S. doivent être écartés et que sa requête doit donc être rejetée.

Par un courrier en date du 8 février 2016, les parties ont été informées ce que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 10 février 2016, la commune de Voegtlinshoffen conclut aux mêmes fins et soutient en outre qu'un permis modificatif a été délivré le 9 février 2016 ce qui régularise le vice d'incompétence du signataire du permis litigieux, à le supposer établi, et rend inutile la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 11 février 2016, la société Loisium Alsace SAS conclut aux mêmes fins et soutient en outre qu'un permis modificatif a été délivré le 9 février 2016 ce qui régularise le vice d'incompétence du signataire du permis litigieux, à le supposer établi.

Par des mémoires enregistrés les 12 et 14 février 2016, l'association N.A.R-T.E.C.S conclut aux mêmes fins et soutient en outre que le moyen tiré de l'incompétence est fondé, qu'aucune régularisation n'est susceptible d'intervenir sur le fondement du permis modificatif du 9 février 2016 qui est lui-même irrégulier et qu'il serait inéquitable de mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à son encontre en cas de régularisation du permis de construire.

L'association N.A.R-T.E.C.S. a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Richard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me E...pour l'association N.A.R-T.E.C.S., Me B...pour la commune de Voegtlinshoffen et Me C...pour la société Loisium Alsace SAS.

Considérant ce qui suit :

1. Par une demande du 24 avril 2009, la société Loisium Alsace SAS a sollicité la délivrance d'un permis de construire en vue d'édifier un hôtel avec spa et centre d'évènements du vin après démolition d'une maison et d'une annexe. La règlementation du plan d'occupation des sols ne permettant pas la réalisation du projet en cause, le conseil municipal de Voegtlinshoffen a, par une délibération du 28 mai 2009, approuvé la révision du plan d'occupation des sols reclassant la zone NC dans laquelle devait être réalisé le projet en zone constructible UL. Le maire de Voegtlinshoffen a ensuite délivré le permis par un arrêté du 5 septembre 2009.

2. Par un jugement du 23 juin 2010 qui n'a pas été frappé d'appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté à la demande de l'association N.A.R-T.E.C.S. et de l'association Paysages d'Alsace au motif que le maire de Voegtlinshoffen était intéressé à la délivrance du permis litigieux et qu'il n'était donc pas compétent pour délivrer le permis de construire demandé compte tenu des dispositions de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme.

3. Par un jugement distinct du même jour, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande des associations tendant à l'annulation de la délibération du 28 mai 2009 approuvant la révision du plan d'occupation des sols.

4. Par un arrêt n° 10NC01377 du 30 juin 2011, la cour administrative d'appel de Nancy, sur requête de l'association Paysages d'Alsace et de l'association Nature Aménagement Réfléchi Territoire Environnement Culture Sauvegardés (N.A.R-T.E.C.S.), a annulé ce jugement ainsi que la délibération du 28 mai 2009 au motif que le maire de Voegtlinshoffen et une conseillère municipale étaient personnellement intéressés à la délibération. Cet arrêt ayant été annulé par une décision du Conseil d'Etat du 26 octobre 2012, la cour administrative d'appel de Nancy a, par un arrêt du 23 juin 2014 n° 12NC01788 devenu définitif à la suite du rejet du pourvoi en cassation formé à son encontre, rejeté les conclusions dirigées contre la délibération du 28 mai 2009 portant révision simplifiée du plan d'occupation des sols. Aux termes de son arrêt, la cour a notamment écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales et de l'article L. 2541-17 du même code spécifiquement applicables dans les communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin qui prévoient que la participation de membres d'un conseil municipal aux délibérations relatives aux affaires dans lesquelles ils sont intéressés à titre personnel ou comme mandataires et sur l'adoption desquelles ils ont eu une influence, entache ces délibérations d'illégalité.

5. A la suite de l'annulation du permis de construire délivré le 5 septembre 2009, la société Loisium Alsace SAS a sollicité, le 3 novembre 2010, la délivrance d'un nouveau permis de construire pour la réalisation d'un projet quasi identique. Pour tenir compte du motif d'annulation du jugement du 23 juin 2010, le conseil municipal de Voegtlinshoffen a par une délibération du 17 novembre 2010 désigné M. Michel Descamps, conseiller municipal, pour signer l'arrêté devant être pris à l'issue de l'instruction de la nouvelle demande de permis de construire.

6. L'association N.A.R-T.E.C.S. relève appel du jugement du 4 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté par lequel M.D..., agissant au nom de la commune, a délivré le 3 décembre 2010 un arrêté accordant à la société Loisium Alsace SAS le permis de construire demandé.

I/ Sur la qualité de la société Loisium Alsace SAS :

7. La société Loisium Alsace SAS est le bénéficiaire du permis de construire litigieux. Elle a donc la qualité de partie pour défendre à l'instance devant la cour tout comme elle avait cette qualité devant le tribunal administratif de Strasbourg. Elle ne saurait donc être regardée comme intervenante à l'instance. L'association N.A.R-T.E.C.S. n'est donc pas fondée à soutenir que, faute de moyens de fait ou de droit, l'intervention de la société Loisium Alsace SAS est irrecevable.

II/ Sur la régularité du jugement :

II. A/ Sur le moyen tiré de l'existence d'une contradiction de motifs :

8. La contradiction de motifs au sein d'une décision juridictionnelle affecte son bien-fondé et non sa régularité. L'association N.A.R-T.E.C.S. n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier en raison de la contradiction des motifs figurant en ses points 4 et 15 concernant le caractère intéressé du maire de Voegtlinshoffen.

II. B/ Sur les moyens tirés du défaut de communication d'un mémoire :

9. Il ressort des pièces du dossier que par un mémoire du 21 juillet 2014, la commune de Voegtlinshoffen a indiqué qu'en cas de désistement des associations N.A.R-T.E.C.S. et Paysages d'Alsace de leur demande dirigée contre le permis de construire du 3 décembre 2010, elle accepterait de se désister de ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il est constant qu'à la différence de l'association Paysages d'Alsace qui a produit un mémoire de désistement daté du même jour, l'association N.A.R-T.E.C.S. ne s'est jamais désistée de ses conclusions dirigées contre le permis litigieux. Par un mémoire du 10 octobre 2014, enregistré le jour de la clôture de l'instruction, la commune de Voegtlinshoffen a renoncé à se désister de ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative contre l'association N.A.R-T.E.C.S. et l'association Paysages d'Alsace.

10. En premier lieu, la circonstance que ce mémoire du 10 octobre 2014 n'ait pas été communiqué à l'association Paysages d'Alsace n'est pas de nature à caractériser l'irrégularité de la procédure conduite à l'égard de l'association N.A.R-T.E.C.S.

11. En deuxième lieu, la circonstance que le jugement n'ait pas visé le courrier transmis aux associations requérantes de première instance par lequel elles étaient invitées à se désister est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Le moyen tiré du défaut de visa d'un tel courrier ne peut donc qu'être écarté.

12. En troisième lieu, l'association N.A.R-T.E.C.S soutient que le principe du contradictoire et celui de loyauté ont été méconnus dès lors que le tribunal ne lui a pas communiqué le mémoire du 10 octobre 2014 par lequel la commune de Voegtlinshoffen renonçait à se désister de ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il ressort des pièces du dossier de première instance qu'au terme de ce mémoire, la commune a également augmenté le quantum de la somme globale demandée aux associations requérantes de 2 500 à 5 000 euros. Il s'ensuit qu'en décidant de faire droit à la demande de la commune de Voegtlinshoffen en mettant une somme de 2 000 euros à la charge de chacune des deux associations sans leur avoir communiqué le mémoire du 10 octobre 2014, le tribunal a méconnu le principe du contradictoire et entaché son jugement d'une irrégularité sur ce point.

13. L'association N.A.R-T.E.C.S. est donc fondée à demander l'annulation de l'article 3 du jugement contesté en tant qu'il met à sa charge une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 13 qu'il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 décembre 2010 en l'absence d'irrégularité du jugement sur ce point. S'agissant de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer sur les conclusions de la commune présentées en première instance à l'encontre de l'association N.A.R-T.E.C.S à ce titre avant de se prononcer, par la voie de l'effet dévolutif sur les conclusions présentées en appel par les parties sur ce fondement.

III/ Sur le bien fondé du jugement et la légalité de l'arrêté du 3 décembre 2010 :

III.A/ Sur la compétence de l'auteur de l'acte :

15. L'association N.A.R-T.E.C.S. soutient, dans le premier état de ses écritures, que le permis de construire a été délivré par une autorité incompétente pour en connaître dès lors que seul le maire, et non le conseiller municipal signataire, pouvait accorder ce permis, les dispositions de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme ayant été appliquées à tort en l'espèce.

III.A-a/ En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 3 décembre 2010 :

16. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ". Aux termes de l'article L. 422-7 du même code code : " Si le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est intéressé au projet faisant l'objet de la demande de permis ou de la déclaration préalable, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ou l'organe délibérant de l'établissement public désigne un autre de ses membres pour prendre la décision ".

17. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le maire est tenu d'exercer pleinement sa compétence en matière de délivrance des autorisations d'urbanisme et qu'il n'en va autrement que lorsque le maire se trouve dans le cas prévu à l'article L. 422-7 précité du code de l'urbanisme. (CE 3 juillet 2009 n°321634).

18. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Voegtlinshoffen puisse être regardé comme intéressé à la délivrance du permis de construire du 3 décembre 2010 au sens des dispositions de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme alors même qu'il est viticulteur et que le projet comprend notamment un hébergement haut de gamme et des espaces de commercialisation de vins et d'accueil d'événements sur le vin et sa culture. Il s'en suit que la délibération du 17 novembre 2010 prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme pour désigner M. D... comme signataire du permis n'avait donc pas lieu d'être. L'association N.A.R-T.E.C.S. est ainsi fondée à soutenir que seul le maire pouvait délivrer le permis de construire et que l'arrêté litigieux a été signé par une autorité incompétente pour en connaître.

III.A-b/ En ce qui concerne l'incidence de la délivrance d'un permis modificatif le 9 février 2016 :

19. Lorsqu'un permis de construire a été délivré sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

20. Il ressort des pièces du dossier qu'en réponse à la lettre de la cour informant les parties de ce qu'elle était susceptible de faire usage des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, la commune de Voegtlinshoffen a produit un arrêté du 9 février 2016 par lequel le maire de Voegtlinshoffen a délivré un permis modificatif à la société Loisium Alsace SAS. La commune fait valoir que ce permis signé du maire procède à la régularisation du vice d'incompétence entachant le permis délivré le 3 décembre 2010 et a, par ailleurs, pour objet de mentionner le numéro SIRET de la société pétitionnaire qui ne figurait pas dans la demande initiale de permis.

21. L'association N.A.R-T.E.C.S. soutient que l'intervention de ce permis modificatif n'est pas de nature à purger l'arrêté du 3 décembre 2010 du vice d'incompétence qui l'entache. Elle fait valoir à cet effet que la délivrance du permis modificatif n'est pas de nature à permettre la régularisation du permis litigieux au motif que les nouvelles dispositions des articles L. 600-5-1 et L. 600-5 du code de l'urbanisme ne permettent plus une telle régularisation en cours d'instance, que les travaux ont été entièrement exécutés, que le permis devait porter sur l'ensemble du projet et non pas donner lieu à la modification du seul numéro SIRET, que ce permis modificatif ne pouvait être délivré par le maire et enfin qu'il a été délivré sur le fondement d'une demande entachée de fraude quant à l'auteur du projet architectural.

22. En premier lieu, la circonstance dont se prévaut l'association N.A.R-T.E.C.S. que les dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme organisent des procédures de régularisation des permis de construire n'a ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à la possibilité pour le juge, dans le cadre de l'instruction d'un litige portant sur un permis de construire, de tenir compte de la délivrance d'un permis modificatif produit avant la clôture de l'instruction et de vérifier si le permis produit répond aux exigences requises pour la régularisation du permis initial.

23. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier et il n'est pas établi par l'association N.A.R-T.E.C.S. que les travaux relatifs à la réalisation du projet visé par la demande de la société Loisium Alsace SAS aient été entièrement réalisés et auraient donné lieu à une déclaration d'achèvement de travaux. Ainsi et alors même que des travaux de démolition autorisés par le permis litigieux auraient déjà été effectués, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir qu'aucun permis modificatif ne pouvait être régulièrement délivré compte tenu de l'achèvement de la construction autorisée par l'arrêté du 3 décembre 2010.

24. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 16 à 18 que le maire est l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire sollicité par la société Loisium Alsace SAS contrairement à ce que soutient désormais l'association requérante dans le dernier état de ses écritures.

25. En quatrième lieu, la circonstance que le permis modificatif ait un objet limité dès lors qu'il ne porte que sur l'ajout d'une mention du numéro de SIRET de la société pétitionnaire qui ne figurait pas dans le dossier de demande de permis initial est en elle-même sans incidence sur sa légalité dès lors que le permis a également pour objet de répondre aux exigences de la régularisation.

26. En dernier lieu, l'association N.A.R-T.E.C.S. ne produit pas d'éléments suffisamment probants de nature à établir que le dossier de demande présenté en vue de la délivrance du permis modificatif a été établi dans des conditions frauduleuses, compte tenu de la référence erronée à un cabinet d'architecture qui ne serait pas à l'origine de l'élaboration du projet architectural. Il n'est en tout état de cause pas sérieusement contesté que le projet architectural a été conçu par un architecte. Le moyen tiré de ce que le permis a été délivré en méconnaissance des dispositions de la loi du 3 janvier 1977 et de l'article R. 431-2 du code de l'urbanisme relatives à l'intervention d'un architecte dans le cadre de l'élaboration de la demande de permis de construire ne peut ainsi qu'être écarté.

27. Il résulte de ce qui vient d'être exposé au point III de l'arrêt que le maire de Voegtlinshoffen a pu valablement signer le permis modificatif du 9 février 2016 et régulariser de ce fait le permis de construire délivré le 3 décembre 2010. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire du permis litigieux doit, par suite, être écarté.

III.B/ Sur l'exception d'illégalité du plan d'occupation des sols :

28. L'association N.A.R-T.E.C.S. fait également valoir que le permis de construire a été délivré au bénéfice d'une révision du plan d'occupation des sols du 28 mai 2009 entachée d'illégalité.

29. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions dans lesquelles le projet de révision du plan d'occupation des sols a été adopté sur le fondement de modifications de l'article 10 UL du réglement apportées au projet postérieurement à l'enquête publique au regard d'observations qui auraient été émises le dernier jour de l'enquête publique par M. A... qui aurait agi comme promoteur du projet, aient été de nature à vicier la procédure d'adoption du plan d'occupation des sols révisé.

30. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la commune a souhaité faire aboutir le projet de la société Loisium Alsace SAS en vue de favoriser le développement économique et touristique local dans un but d'intérêt général, ce qui correspond à un parti d'urbanisme explicité dans le rapport de présentation de la révision du plan d'occupation des sols. L'association N.A.R-T.E.C.S. n'établit pas que le public a été trompé et n'a pas été en mesure de s'exprimer sur le projet de révision simplifiée conformément aux règles de procédure alors en vigueur. La circonstance que la commune ait conclu une convention avec la société pétitionnaire consistant à exiger des contreparties à l'engagement de la procédure de révision de son document d'urbanisme n'est pas de nature, en elle-même, à entacher d'illégalité la délibération du 28 mai 2009 dès lors que l'association N.A.R-T.E.C.S. ne justifie pas de ce que le conseil municipal aurait exercé ses pouvoirs pour des motifs étrangers à des considérations urbanistiques.

31. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le permis de construire a été délivré en méconnaissance des anciennes règles du plan d'occupation des sols remises en vigueur compte tenu de l'illégalité de la délibération du 28 mai 2009 ne peut qu'être écarté.

32. Il résulte de tout ce qui précède que l'association N.A.R-T.E.C.S n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 décembre 2010.

IV/ Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

33. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

IV.A/ En ce qui concerne la demande de frais dirigée contre l'association N.A.R-T.E.C.S devant le tribunal :

34. Ainsi que cela a été indiqué au point 14, il y a lieu, pour la cour, d'évoquer et de statuer sur la demande de la commune présentée à l'encontre de l'association N.A.R-T.E.C.S.

35. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Voegtlinshoffen et la société Loisium Alsace SAS.

IV.B/ En ce qui concerne les conclusions d'appel présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

36. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, de faire droit aux conclusions présentées par l'association N.A.R-T.E.C.S., la commune de Voegtlinshoffen et la société Loisium Alsace SAS sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 3 du jugement n° 1100547 du 4 novembre 2014 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il met à la charge de l'association N.A.R-T.E.C.S une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Voegtlinshoffen au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : La demande de la commune de Voegtlinshoffen présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association N.A.R-T.E.C.S. est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Voegtlinshoffen et de la société Loisium Alsace SAS. tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association N.A.R-T.E.C.S., à la commune de Voegtlinshoffen et à la société Loisium Alsace SAS.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N° 15NC01873


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01873
Date de la décision : 10/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Procédure d'attribution - Autorité compétente pour statuer sur la demande.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : MAAMOURI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-03-10;15nc01873 ?
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