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06/10/2016 | FRANCE | N°15NC01809

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 06 octobre 2016, 15NC01809


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Sainte-Croix-en-Plaine a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 avril 2013 par lequel le préfet du Haut-Rhin a réquisitionné une partie du terrain militaire dit Rittplatz en vue de la mise en place d'une aire pour l'accueil de grands passages de gens du voyage du 10 mai au 30 septembre 2013.

Par un jugement n° 1304553 du 1er juillet 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la commune de Sainte-Croix-en-Plaine.

Procédu

re devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2015, la commune de Sai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Sainte-Croix-en-Plaine a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 avril 2013 par lequel le préfet du Haut-Rhin a réquisitionné une partie du terrain militaire dit Rittplatz en vue de la mise en place d'une aire pour l'accueil de grands passages de gens du voyage du 10 mai au 30 septembre 2013.

Par un jugement n° 1304553 du 1er juillet 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la commune de Sainte-Croix-en-Plaine.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2015, la commune de Sainte-Croix-en-Plaine, représentée par la SCP Racine Strasbourg - Cabinet d'avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304553 du 1er juillet 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat à rembourser à la commune de Sainte-Croix-en-Plaine la somme de 35 euros au titre de la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article 1635bis Q du code général des impôts.

La commune de Sainte-Croix-en-Plaine soutient que :

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est fondé à tort, en l'absence de toute situation d'urgence, sur les dispositions de l'article L. 2215-1-4° du code général des collectivités territoriales ;

- l'arrêté méconnaît la réglementation d'urbanisme compte tenu des dispositions de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, notamment au regard du risque pyrotechnique.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la commune de Sainte-Croix-en-Plaine.

Par une ordonnance du 26 novembre 2015 la clôture de l'instruction a été fixée au 21 décembre 2015, puis reportée au 25 janvier 2016 par une ordonnance du 23 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;

- la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 ;

- la décision n 2003-467 DC du 13 mars 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Richard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la commune de Sainte-Croix-en-Plaine.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 26 avril 2013, le préfet du Haut-Rhin a réquisitionné, du 10 mai au 30 septembre 2013, une partie du terrain militaire appartenant à l'Etat situé sur les communes de Sainte-Croix-en-Plaine et de Sundhoffen au lieu-dit Rittplatz, en vue d'y installer les groupes de gens du voyage dans le cadre de l'accueil des grands passages prévus à partir du mois de mai 2013.

2. Par un courrier du 13 juin 2013, le maire de la commune de Sainte-Croix-en-Plaine a formulé un recours gracieux auprès du préfet, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. La commune de Sainte-Croix-en-Plaine relève appel du jugement du 1er juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2013.

I. Sur la légalité de l'arrêté du 26 avril 2013 :

3. En premier lieu, la commune de Sainte-Croix-en-Plaine soutient que l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur de droit dès lors que les conditions posées au 4° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ne sont pas remplies pour prendre la mesure de réquisition litigieuse.

4. Il ressort des pièces du dossier et des écritures en défense que si l'arrêté du 26 avril 2013 vise le 4° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, il n'a pas été pris sur ce dernier fondement rendu inapplicable pour les communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin par l'article L. 2542-1 du même code. L'arrêté se fonde en réalité sur les pouvoirs généraux de police administrative que les préfets détiennent sur le territoire départemental, tels qu'ils ont été rappelés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 mars 2003 et qui permettent notamment, pour la sauvegarde de l'ordre public, de procéder dans l'urgence à une mesure de réquisition.

5. Il s'ensuit que bien que l'arrêté vise l'article L. 2215-1 4° en raison d'une erreur matérielle, le moyen tiré de ce que le préfet du Haut-Rhin aurait fait une inexacte application de cet article doit être écarté comme inopérant.

6. En deuxième lieu, la commune requérante fait valoir que la mesure de police en cause n'est pas justifiée au regard des circonstances dans lesquelles elle est intervenue et compte tenu des caractéristiques et de la situation du terrain réquisitionné.

7. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin a été informé par l'association " Action grand passage " de ce que plusieurs groupes de gens du voyage représentant plusieurs centaines de caravanes séjourneraient dans le département entre le 10 mai et le 30 septembre 2013 dans le cadre du " grand passage 2013 " alors que l'absence d'aire de grand passage désignée préalablement à la venue des groupes de gens du voyage avait conduit, lors de l'année précédente, à de nombreuses installations de ceux-ci en des lieux non autorisés et à de nombreux troubles à l'ordre public.

8. Il est par ailleurs constant qu'aucune aire d'accueil de grands passages n'était identifiée au sein du schéma départemental d'accueil des gens du voyage du Haut-Rhin et qu'aucun établissement public de coopération intercommunale, ni aucune commune ne s'était manifesté afin de permettre l'aménagement d'une aire ayant cette capacité d'accueil.

9. Il ressort également des pièces du dossier qu'en l'absence du terrain militaire ayant fait l'objet de la réquisition contestée, aucun autre terrain de l'Etat n'avait été identifié comme susceptible d'accueillir, même temporairement, des groupes importants de gens du voyage dans de bonnes conditions d'hygiène et de sécurité, ni proposé dans le cadre des réunions préparatoires organisées à compter du mois de janvier 2013.

10. Ce terrain du Rittplatz d'une surface de 6 hectares, présente des caractéristiques suffisantes pour accueillir temporairement de grands groupes de personnes dans de bonnes conditions d'hygiène et de sécurité dès lors qu'il est aisément accessible et qu'il peut être relié aux réseaux d'eau et d'électricité sans troubles excessifs pour le voisinage situé à plus de trois cents mètres. Sur ce point, la commune requérante ne produit notamment aucun élément probant de nature à établir la réalité et l'intensité du danger que représenterait pour leurs occupants, la présence d'engins pyrotechniques enfouis dans le terrain militaire. En revanche, le ministre de l'intérieur rappelle sans être sérieusement contredit que le terrain est régulièrement utilisé par les militaires dans le cadre de leurs manoeuvres ou par des utilisateurs occasionnels à qui il est régulièrement loué, notamment des agriculteurs, et qu'aucun danger de quelque nature que ce soit n'y a jamais été constaté.

11. Par ailleurs, si la commune fait valoir que la problématique de l'absence d'aire d'accueil des grands passages était connue de l'administration et que l'absence d'une telle aire au sein du schéma départemental résulte en partie de l'inaction de l'Etat, de telles circonstances ne sont pas de nature à caractériser le caractère inapproprié et inutile de la mesure litigieuse.

12. Dans ces conditions et compte tenu de la nécessité de permettre d'accueillir rapidement de façon coordonnée et dans de bonnes conditions de sécurité un grand nombre de gens du voyage dont la venue était annoncée et imminente, la commune de Sainte-Croix-en-Plaine n'est pas fondée à soutenir qu'en identifiant 6 hectares du terrain militaire au lieu-dit Rittplatz comme aire provisoire pour la période du 10 mai au 30 septembre 2013, le préfet du Haut-Rhin a pris une mesure qui n'était pas nécessaire et qu'il a fait un usage disproportionné de ses pouvoirs généraux de police administrative.

13. En dernier lieu, la commune de Sainte-Croix-en-Plaine soutient que l'arrêté litigieux contrevient aux règles communales d'urbanisme qui lui sont opposables en application des dispositions de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme, notamment l'article ND 2 du plan d'occupation des sols qui interdit dans le secteur toute occupation du sol pour " les terrains de camping et de caravanage ".

14. Aux termes de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme : " Le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, pour la création de lotissements et l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan. ".

15. L'arrêté litigieux n'a toutefois, par lui-même, ni pour objet ni pour effet de procéder à l'exécution de travaux ou activités visés à l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme. Il ressort au demeurant des pièces du dossier et à supposer même que la réalisation d'aires de grands passages puisse requérir l'engagement des travaux ou activités visés à l'article L. 123-5 précité, que le plan d'occupation des sols prévoit que " les équipements publics d'infrastructures ", au nombre desquels figurent les aires de grands passages, sont autorisés en zone ND. Le moyen tiré de la méconnaissance de la réglementation locale d'urbanisme doit, par suite, être écarté.

16. En conclusion de tout ce qui précède, la commune de Sainte-Croix-en-Plaine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 26 avril 2013.

II. Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Il n'y a pas lieu, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de mettre les dépens à la charge de l'Etat.

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Sainte-Croix-en-Plaine est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sainte-Croix-en-Plaine et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin et au ministre de la défense.

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N° 15NC01809


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01809
Date de la décision : 06/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Autorités détentrices des pouvoirs de police générale - Préfets.

Police - Étendue des pouvoirs de police.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEFANSKI
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : CABINET RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-10-06;15nc01809 ?
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