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14/01/2016 | FRANCE | N°15MA03343

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 14 janvier 2016, 15MA03343


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Société de Gestion de Restauration routière a demandé au tribunal administratif de Marseille la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ses achats de denrées et boissons afférents aux repas fournis gratuitement à son personnel au titre des années 2005 et 2006 pour des montants respectifs de 6 239 et 6 244 euros.

Par l'article 1er d'un jugement n° 1001876 du 15 mars 2011, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande.

Procédure initialement su

ivie devant la Cour :

Par un recours enregistré le 28 juillet 2011, le ministre du bu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Société de Gestion de Restauration routière a demandé au tribunal administratif de Marseille la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ses achats de denrées et boissons afférents aux repas fournis gratuitement à son personnel au titre des années 2005 et 2006 pour des montants respectifs de 6 239 et 6 244 euros.

Par l'article 1er d'un jugement n° 1001876 du 15 mars 2011, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande.

Procédure initialement suivie devant la Cour :

Par un recours enregistré le 28 juillet 2011, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État a demandé à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du 15 mars 2011 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de remettre à la charge de la SAS Société de Gestion de Restauration routière la taxe sur la valeur ajoutée restituée au titre des années 2005 et 2006 pour des montants respectifs de 6 239 euros et 6 244 euros.

Le ministre soutient que :

- la réclamation de la société est tardive, sauf en ce qui concerne le mois de décembre 2006 pour un montant de 542 euros, dès lors que l'arrêt rendu par la Cour de justice des communautés européennes le 11 décembre 2008 dans l'affaire Danfoss A/S et AstraZeneca A/S jugée sous le n° 371/07, que la société intimée invoque, ne se prononce pas sur la non-conformité d'une règle de droit interne relative au droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée sur certains biens ou services au regard d'une directive européenne, au sens des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et ne constitue pas un événement au sens du c) de l'article R. 196-1 du même livre ;

- la portée de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes n'a pas été méconnue par l'administration ; la fourniture de repas à titre gratuit aux salariés de la restauration est un avantage en nature qui s'ajoute à la rémunération du salarié et contribue à la satisfaction de besoins privés et non de besoins de l'entreprise au sens des dispositions du b) du 2. du 8° de l'article 257 du code général des impôts ;

- la fourniture de repas est assurée dans le cadre de l'exercice normal de la profession et non dans le cadre de circonstances particulières, telles que celles décrites par la Cour de justice des communautés européennes, qui visent les repas pris lors de réunions de travail ;

- la doctrine ne constitue pas une règle de droit pouvant fonder une imposition.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2011, la SAS Société de Gestion de Restauration routière, représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) de rejeter le recours du ministre ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours du ministre est irrecevable, la signataire du mémoire ne justifiant pas d'une délégation de signature ;

- sa réclamation n'est pas tardive en application des alinéas 3 à 5 de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dès lors que la non-conformité du texte applicable a été révélée par l'arrêt rendu par la Cour de justice des communautés européennes le 11 décembre 2008 dans l'affaire Danfoss A/S et AstraZeneca A/S jugée sous le n° 371/07, se prononçant sur une question préjudicielle relative à la même question juridique ;

- s'étant conformée à la doctrine exprimée par l'instruction administrative référencée 3 D-7-88 du 25 avril 1998 reprise dans la documentation administrative de base référencée 3 A-1221 à jour au 20 octobre 1999, elle est fondée à en contester la conformité à la directive, laquelle constitue une règle de droit supérieure au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ;

- le refus du service d'admettre la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les repas servis gratuitement aux employés par un assujetti est fondé sur une interprétation erronée des dispositions du 2. du 8° de l'article 257 du code général des impôts, issues de l'article 6 de la directive 2006/112/CE du 28 mai 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- la fourniture des repas en cause ne peut être regardée comme satisfaisant les besoins privés de ses salariés et donc comme étant effectuée à des fins étrangères aux intérêts de l'entreprise dès lors qu'elle contribue à assurer la continuité et le bon déroulement de son activité de restauration et qu'elle résulte d'une obligation réglementaire qui s'impose à elle en application des articles D. 3231.8 et suivants du code du travail.

Par lettre du 17 décembre 2012, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office tiré de la clause de " standstill " que comporte la 6ème directive 77/388 du 17 mai 1977, devenue la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, pouvant s'appliquer à l'instruction 3 D-7-88 du 25 avril 1988.

Un mémoire, enregistré le 20 décembre 2012, a été présenté par le ministre de l'économie et des finances, tendant aux mêmes fins que son recours.

Le ministre ajoute que son recours est recevable, Mme A... ayant reçu délégation de signature et que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne peut supporter le paiement des frais exposés par la société.

Un mémoire, enregistré le 9 janvier 2013, a été présenté pour la SAS Société de Gestion de Restauration routière tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures.

La société ajoute que la doctrine exprimée dans l'instruction 3 D-7-88 n'est pas une législation couverte par la clause de " standstill " et que la décision rendue par le Conseil d'Etat dans l'affaire " Alitalia " le 3 février 1989 a réglé le sort des dépenses de restauration.

L'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Marseille le 5 avril 2013 sous le n° 11MA02985 par lequel la Cour a rejeté le recours du ministre a été annulé par décision du Conseil d'Etat rendue le 31 juillet 2015 sous le n° 369056, qui a renvoyé à la Cour le jugement de l'affaire.

Procédure suivie devant la Cour après renvoi :

Un mémoire, enregistré le 8 octobre 2015, a été présenté par le ministre des finances et des comptes publics, tendant aux mêmes fins que son recours et à ce que la Cour procède à la compensation entre la taxe sur la valeur ajoutée d'amont ayant grevé les denrées utilisées pour les repas fournis gratuitement au personnel pour un montant de 12 483 euros et la taxe non collectée sur les prestations de services à soi-même pour le même montant de 12 483 euros.

Le ministre soutient que :

- le tribunal administratif a privé son jugement de base légale en se référant aux articles D. 3231-8 et suivants du code du travail qui n'étaient pas en vigueur au cours des années en litige ;

- le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement et entaché celui-ci de contradiction de motifs ;

- la SAS Société de Gestion de Restauration routière supporte la charge de prouver le bien-fondé de sa demande de restitution ;

- il y a lieu de procéder à une compensation entre la taxe sur la valeur ajoutée d'amont ayant grevé les denrées utilisées pour les repas fournis gratuitement au personnel et la taxe non collectée sur les prestations de services à soi-même.

Un mémoire, enregistré le 9 octobre 2015, a été présenté pour la SAS Société de Gestion de Restauration routière.

La société soutient que :

- la non-conformité au droit communautaire des articles 236 et 238 de l'annexe II au code général des impôts a été également révélée par l'arrêt rendu par la Cour de justice des communautés européennes le 11 décembre 2008 dans l'affaire Danfoss A/S et AstraZeneca A/S jugée sous le n° 371/07 ;

- le moyen, susceptible d'être soulevé d'office, tiré de la clause de " standstill " que comporte la 6ème directive 77/388 du 17 mai 1977, devenue la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, doit être écarté.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code du travail ;

- le décret du 6 mars 1961 portant délégation de signature modifié ;

- l'arrêté du 25 janvier 2011 portant délégation de signature en matière de contentieux fiscal ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bédier, président rapporteur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me D... E...de la SELARL LEXALTO, pour la SAS Société de Gestion de Restauration routière.

1. Considérant que la SAS Société de Gestion de Restauration routière exploite des établissements de restauration situés sur le réseau autoroutier français ; qu'elle a présenté le 24 juin 2009 une réclamation en vue d'obtenir la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les achats de denrées alimentaires et de boissons destinées aux repas fournis gratuitement au personnel de l'entreprise au cours des années 2005 et 2006, qu'elle avait été amenée à reverser à l'administration pour des montants respectifs de 6 239 et 6 244 euros ; que sa réclamation a fait l'objet d'une décision de rejet le 14 janvier 2010 ; que, par jugement du 15 mars 2011, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande à fin de restitution ; que le ministre chargé du budget relève appel de ce jugement ;

Sur la recevabilité du recours du ministre :

2. Considérant que Mme B...A..., directrice départementale des impôts, a reçu par arrêté du 25 janvier 2011 publié au Journal officiel de la République française du 27 janvier 2011, délégation de signature en ce qui concerne notamment les recours formés par l'administration fiscale devant la cour administrative d'appel de Marseille, du directeur général des finances publiques, lui-même habilité par les dispositions de l'article 1er du décret du 6 mars 1961 à déléguer en toutes matières dans ses attributions la signature du ministre chargé de l'économie et des finances aux agents des services déconcentrés placés sous son autorité ayant au moins le grade d'administrateur des finances publiques ou un grade équivalent, aux fins de présenter devant la cour administrative d'appel les mémoires en défense ou en intervention ou les recours produits au nom de l'Etat ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée par l'intimée de ce que le recours du ministre serait irrecevable, faute pour la signataire du mémoire de justifier d'une délégation de signature régulière, ne peut qu'être écartée ;

Sur la recevabilité de la demande de restitution formée par la SAS Société de Gestion de Restauration routière :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes des troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 117-1 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 : " (...) Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle ou un avis rendu au contentieux, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu. / Pour l'application du quatrième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux (...) les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes se prononçant (...) sur une question préjudicielle " et qu'aux termes de l'article R. 196-1 du même livre dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) b) du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977 : " Est considérée comme "prestation de services" toute opération qui ne constitue pas une livraison d'un bien (...) / 2. Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux : / (...) b) les prestations de services à titre gratuit effectuées par l'assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise. / Les États membres ont la faculté de déroger aux dispositions de ce paragraphe à condition que cette dérogation ne conduise pas à des distorsions de concurrence (...) " ; que l'article 26 de la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 applicable à compter du 1er janvier 2007 a repris cette assimilation ; qu'aux termes de l'article 17 de la sixième directive, relatif à la naissance et à l'étendue du droit à déduction : " (...) 2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti (...) " ;

5. Considérant, enfin, qu'aux termes du 2. du 8° de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce transposant en droit interne le b) du 2. de l'article 6 de la sixième directive : " Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux : (...) b) Les prestations de services à titre gratuit effectuées par l'assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise " ; qu'enfin, les articles 236 et 238 de l'annexe II au même code dans leur rédaction applicable en 2005 et en 2006 excluaient la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les achats de produits et denrées utilisés pour la confection des repas servis gratuitement par un employeur à ses salariés ;

6. Considérant, en premier lieu, que, comme l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision de renvoi, une décision de la Cour de justice des communautés européennes se prononçant sur une question préjudicielle, alors même qu'elle révélerait par l'interprétation du droit de l'Union qu'elle retient l'illégalité d'une instruction fiscale, ne révèle pas la non-conformité d'une règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, au sens et pour l'application des dispositions précitées, dès lors que l'imposition ne saurait être fondée sur l'interprétation de la loi fiscale que l'administration exprime dans ses instructions ; que, par suite, en l'espèce, s'agissant de l'instruction administrative référencée 3 D-7-88 du 25 avril 1988 dont les termes ont été repris par la documentation administrative de base référencée 3 A-1221 à jour au 20 octobre 1999, l'arrêt rendu le 11 décembre 2008 dans l'affaire Danfoss A/S et AstraZeneca A/S par la Cour de justice des communautés européennes sous le n° 371/07 n'a pu révéler, au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, aucune non-conformité de la règle de droit interne à une règle de droit supérieure et ne saurait constituer un événement au sens du b) de l'article R. 196-1 du même livre de nature à ouvrir un délai de réclamation ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que par son arrêt rendu dans l'affaire Danfoss A/S et AstraZeneca A/S, la Cour de justice des communautés européennes a retenu que le b) du 2. de l'article 6 de la sixième directive devait être interprété en ce sens qu'il ne vise pas la fourniture à titre gratuit de repas par une entreprise à son personnel dans ses locaux dès lors que les exigences de l'entreprise, telles que garantir la continuité et le bon déroulement des réunions de travail, nécessitent que la fourniture des repas soit assurée par l'employeur ; que cette interprétation des termes de la directive, retranscrits de façon littérale par les dispositions, seules susceptibles de fonder l'imposition, du b) du 2. du 8° de l'article 257 du code général des impôts, ne révèle, au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales aucune non-conformité de la règle de droit interne à une règle de droit supérieure et ne saurait constituer un événement au sens du b) de l'article R. 196-1 du même livre de nature à ouvrir un délai de réclamation ;

8. Considérant, en troisième lieu, que la société intimée n'est pas davantage fondée à soutenir que l'arrêt rendu par la Cour de justice des communautés européennes dans l'affaire Danfoss A/S et AstraZeneca A/S révèlerait la non-conformité des articles 236 et 238 de l'annexe II au code général des impôts à une règle de droit supérieure dès lors que cette non-conformité a été révélée dès l'intervention de la décision rendue le 3 février 1989 par le Conseil d'Etat dans l'affaire Alitalia jugée sous le n° 74052 ;

9. Considérant que la demande de restitution formée par la SAS Société de Gestion de Restauration routière n'était donc recevable qu'en ce qui concerne la restitution demandée par la société à concurrence de la somme de 542 euros au titre du mois de décembre 2006 ; que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a admis la recevabilité des conclusions de la société qui portaient sur un montant supérieur à cette somme ;

Sur le bien-fondé de la partie recevable de la demande de restitution formée par la SAS Société de Gestion de Restauration routière :

En ce qui concerne la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations par lesquelles la SAS Société de Gestion de Restauration routière a fourni à titre gratuit des repas à son personnel :

10. Considérant que, comme il a été dit au point 7, par son arrêt rendu le 11 décembre 2008 dans l'affaire Danfoss A/S et AstraZeneca A/S, la Cour de justice des communautés européennes a retenu que le b) du 2. de l'article 6 de la sixième directive devait être interprété en ce sens qu'il ne vise pas la fourniture à titre gratuit de repas par une entreprise à son personnel dans ses locaux dès lors que les exigences de l'entreprise, telles que garantir la continuité et le bon déroulement des réunions de travail, nécessitent que la fourniture des repas soit assurée par l'employeur ; que la Cour de justice des communautés européennes a également précisé que les spécificités propres à l'organisation de l'entreprise constituent un indice selon lequel les prestations consistant en des repas fournis à titre gratuit aux employés sont effectuées à des fins qui ne sont pas étrangères à l'entreprise et qu'il appartenait aux juridictions des Etats membres de vérifier que les repas sont fournis à des fins strictement professionnelles ;

11. Considérant que, si les salariés qui travaillent dans le secteur de la restauration et notamment dans les établissements qui servent des repas aux usagers des autoroutes sur les aires permettant l'accueil de ce public sont amenés à prendre leurs repas selon des horaires décalés, compatibles avec l'accueil de la clientèle, cette contrainte, inhérente aux métiers de la restauration, ne saurait être regardée, sauf circonstance exceptionnelle non réalisée en l'espèce, comme destinée à garantir la continuité du service dès lors que les repas sont pris à des heures où le personnel, qui n'est pas en contact avec la clientèle, peut se restaurer selon d'autres modalités ; que la prise en charge de ces repas servis gratuitement au personnel par l'employeur constitue ainsi un avantage en nature destiné à faciliter les conditions de travail des salariés mais qui ne peut être regardé comme dispensé à des fins strictement professionnelles et satisfait donc des besoins privés ; qu'à cet égard, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas allégué par la société intimée qu'une absence d'offre alternative permettant à ses salariés de prendre autrement leurs repas justifierait la prise en charge gratuite par l'employeur de ces repas sur le lieu de travail ; qu'enfin, la circonstance que la réglementation du travail en vigueur en France, alors fixée aux articles D. 141-8 et suivants du code du travail, imposait aux employeurs du secteur de la restauration de fournir un repas gratuit à leur personnel ne fait pas obstacle à ce que cette prestation gratuite soit regardée, sauf circonstance exceptionnelle qu'il convient d'apprécier principalement à partir des éléments de fait caractérisant l'activité et non réalisée en l'espèce comme il vient d'être dit, comme répondant à des commodités offertes aux salariés et satisfaisant les besoins privés de ceux-ci ; que, dans ces conditions, la fourniture gratuite de repas par la SAS Société de Gestion de Restauration routière à ses salariés doit être assimilée, en application de l'article 6, paragraphe 2, sous a) de la sixième directive, à une prestation de services effectuée à titre onéreux de la même nature que celle qui est fournie à un consommateur final qui se procure un bien ou un service du même type et qui ne saurait échapper au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, sauf à ce que la neutralité du système de la taxe sur la valeur ajoutée ne soit plus garantie ;

En ce qui concerne la demande de compensation présentée par le ministre :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande " ;

13. Considérant que les impositions en litige résultent de l'application, initialement acceptée par la société intimée, de l'instruction administrative référencée 3 D-7-88 du 25 avril 1988 dont les termes ont été repris par la documentation administrative de base référencée 3 A-1221 à jour au 20 octobre 1999 ; que, d'une part, l'administration fiscale ne saurait fonder une imposition sur sa propre doctrine ; que, d'autre part, la SAS Société de Gestion de Restauration routière aurait dû collecter et reverser au Trésor public, en application des dispositions du b) du 2. du 8° de l'article 257 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée incluse dans les prestations de services à soi-même que constituent les repas servis gratuitement à ses salariés dans le seul intérêt de ceux-ci ; que le ministre chargé du budget demande en conséquence à la Cour la possibilité de compenser, d'une part, le montant de taxe sur la valeur ajoutée grevant les achats par la SAS Société de Gestion de Restauration routière de produits et denrées et déduit par la société de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a collectée et, d'autre part, le montant de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux prestations de services à soi-même que la société aurait dû collecter ; que ces montants étant identiques et en l'absence d'autre moyen que la Cour serait amenée à examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, il y a lieu de faire droit à la demande de compensation du ministre ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué, que le ministre chargé du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a accordé à la SAS Société de Gestion de Restauration routière, au titre des périodes correspondant aux années 2005 et 2006, la restitution de montants de taxe sur la valeur ajoutée respectivement de 6 239 et 6 244 euros, à demander l'annulation de l'article 1er de ce jugement du 15 mars 2011 et la remise à la charge de la société des sommes de 6 239 et 6 244 euros ; que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions de la SAS Société de Gestion de Restauration routière tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1001876 du 15 mars 2011 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Les sommes de 6 239 (six mille deux cent trente-neuf) et 6 244 (six mille deux cent quarante-quatre) euros sont remises à la charge de la SAS Société de Gestion de Restauration routière au titre de la taxe sur la valeur ajoutée due par la société pour les périodes correspondant respectivement aux années 2005 et 2006.

Article 3 : Les conclusions de la SAS Société de Gestion de Restauration routière tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à la SAS Société de Gestion de Restauration routière.

Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bédier, président de chambre,

- Mme Paix, président assesseur,

- Mme Markarian, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 janvier 2016.

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N° 15MA03343


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA03343
Date de la décision : 14/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : AARPI LEX PHOCEA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-01-14;15ma03343 ?
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