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28/04/2017 | FRANCE | N°15MA03286

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 28 avril 2017, 15MA03286


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a rejeté sa demande du 12 juin 2012, d'enjoindre au recteur d'établir de nouveaux états de service prenant en compte la réduction de service d'une heure dite " heure de laboratoire " pour les années 2007-2008 à 2013-2014 et de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 7 492,88 euros au titre de son préjudice matériel et de 2 000 euros au titre de son préjudi

ce moral, ainsi que les intérêts de droit à compter du 1er septembre 2007 et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a rejeté sa demande du 12 juin 2012, d'enjoindre au recteur d'établir de nouveaux états de service prenant en compte la réduction de service d'une heure dite " heure de laboratoire " pour les années 2007-2008 à 2013-2014 et de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 7 492,88 euros au titre de son préjudice matériel et de 2 000 euros au titre de son préjudice moral, ainsi que les intérêts de droit à compter du 1er septembre 2007 et la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1301044 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, respectivement enregistrés le 5 août 2015, le 28 janvier 2016 et le 6 mars 2017, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 juin 2015 ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le recteur de l'académie d'Aix Marseille a refusé de la faire bénéficier de la réduction réglementaire de service hebdomadaire d'une heure due au titre de l'article 8 du décret n° 50-581 du 28 mai 1950 entre septembre 2007 et août 2014 ;

3°) de condamner le recteur de l'académie d'Aix Marseille à lui verser la somme de 7 498,88 euros, correspondant à la rémunération d'une heure supplémentaire accomplie au-delà de son obligation réglementaire de service pour les années scolaires entre septembre 2007 et août 2014 ;

4°) de mettre à la charge du recteur de l'académie d'Aix Marseille le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L-761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du recteur de l'académie d'Aix Marseille de ne plus lui payer cette heure supplémentaire à compter de l'année scolaire 2007-2008 n'est pas motivée et ne lui a pas été notifiée ;

- au titre des années 2007-2008 à 2013-2014, elle n'a plus bénéficié de la réduction de son obligation réglementaire de service d'une heure, prévue par l'article 8 du décret n° 50-581 du 25 mai 1950 pour assumer l'entretien du laboratoire, alors qu'elle remplissait les conditions réglementaires pour obtenir cette réduction de service ;

- le Conseil d'Etat a jugé que le ministre avait, de fait, retiré aux maîtres de l'enseignement privé la réduction réglementaire de service ;

- elle a accompli les heures qui lui ont été demandées sur ordre du chef de l'établissement qui, en qualité de représentant de l'Etat dans l'établissement, a autorité sur l'ensemble des personnels, en vertu de l'article R. 421-10 du code de l'éducation ;

- l'heure de laboratoire, qui fait partie des obligations règlementaires de service des professeurs, doit être payée par l'Etat.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 25 juillet 2016 et le 24 février 2017, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- en vertu de l'article R. 914-85 du code de l'éducation, seules les heures supplémentaires préalablement autorisées par l'autorité académique peuvent être payées aux enseignants des établissements privés sous contrat ;

- en l'espèce, cette autorisation préalable n'a pas été obtenue par l'établissement dans lequel travaille Mme B... et, en conséquence, les heures accomplies par cette dernière ne peuvent être payées par l'Etat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 50-581 du 25 mai 1950 portant règlement d'administration publique pour la fixation des maximums de service hebdomadaire du personnel enseignant des établissements d'enseignement du second degré ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Busidan,

- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

1. Considérant que Mme B..., titulaire d'un contrat d'enseignement définitif conclu avec l'Etat avec effet au 1er mars 1988, exerce les fonctions de professeur de sciences de la vie de la Terre au sein du collège-lycée privé de l'Immaculée Conception à Carpentras ; que, pour sa rémunération, l'intéressée est classée depuis le 1er septembre 2003 à l'échelle des professeurs certifiés de classe normale des maîtres de l'enseignement public ; qu'il résulte de l'instruction que, jusqu'à l'année scolaire 2006-2007, la rémunération versée à l'intéressée par l'Etat était assise sur le total des heures d'enseignement effectuées devant les élèves et d'une heure dite " de laboratoire ", dont elle bénéficiait sur le fondement des dispositions du 2° de l'article 8 alors applicable du décret susvisé du 25 mai 1950, selon lesquelles : " Dans les établissements où n'existe ni professeur attaché au laboratoire (ex-préparateur) ni agent de service affecté au laboratoire, le maximum de service des professeurs qui donnent au moins huit heures d'enseignement en sciences physiques ou en sciences naturelles est abaissé d'une heure. " ; que, par suite, et alors que son obligation maximale de service, en tant que professeur non agrégé, était fixée à 18 heures en vertu de l'article 1er applicable du décret du 25 mai 1950, les heures que Mme B... effectuait au-delà de 17 heures lui étaient payées en heures supplémentaires ; qu'à partir de la rentrée scolaire 2007, la rémunération versée à Mme B... a été assise sur les seules heures d'enseignement devant les élèves ; que Mme B... doit être regardée comme relevant appel du jugement rendu le 18 juin 2015 par le tribunal administratif de Nîmes, en tant seulement que ce dernier a rejeté ses conclusions tendant, d'une part, à l'annulation du refus implicite du recteur de l'académie d'Aix Marseille de calculer sa rémunération en prenant en compte " l'heure de laboratoire " de la rentrée 2007 et jusqu'en août 2014, et d'autre part, au paiement par l'Etat pour ces mêmes années, d'une heure supplémentaire annuelle représentant la différence entre la rémunération qui lui a été versée et celle qui aurait dû l'être en comptabilisant cette " heure de laboratoire " ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 914-1 du code de l'éducation : " Les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d'activité des maîtres titulaires de l'enseignement public, ainsi que les mesures sociales et les possibilités de formation dont ils bénéficient, sont applicables également et simultanément aux maîtres justifiant du même niveau de formation, habilités par agrément ou par contrat à exercer leur fonction dans des établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat. Ces maîtres bénéficient également des mesures de promotion et d'avancement prises en faveur des maîtres de l'enseignement public. " ; qu'aux termes de l'article L. 442-5 du code de l'éducation : " (...) Le contrat d'association peut porter sur une partie ou sur la totalité des classes de l'établissement. Dans les classes faisant l'objet du contrat, l'enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l'enseignement public. Il est confié, en accord avec la direction de l'établissement, soit à des maîtres de l'enseignement public, soit à des maîtres liés à l'Etat par contrat. Ces derniers, en leur qualité d'agent public, ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'Etat, liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié, dans le cadre de l'organisation arrêtée par le chef d'établissement, dans le respect du caractère propre de l'établissement et de la liberté de conscience des maîtres. / (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'Etat a l'obligation de prendre en charge la rémunération à laquelle ont droit, après service fait, les enseignants des établissements privés sous contrat et qui comprend les mêmes éléments que celle des enseignants de l'enseignement public ainsi que les avantages et indemnités dont ceux-ci bénéficient ; que cette obligation trouve à s'appliquer, même en l'absence de service fait, à l'égard des enseignants qui bénéficient de décharges d'activité ; que, s'il n'appartient pas à l'Etat de prendre en charge la rémunération des heures supplémentaires effectuées, au-delà des obligations de service, à la demande du directeur d'un établissement d'enseignement privé, l'"heure de laboratoire " est au nombre des rémunérations entrant dans le calcul de la dotation de l'Etat destinée à la rémunération des maîtres des établissements d'enseignement privé sous contrat ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 421-10 du code de l'éducation : " En qualité de représentant de l'Etat au sein de l'établissement, le chef d'établissement : 1° A autorité sur l'ensemble des personnels affectés ou mis à disposition de l'établissement. Il désigne à toutes les fonctions au sein de l'établissement pour lesquelles aucune autre autorité administrative n'a reçu de pouvoir de nomination. Il fixe le service des personnels dans le respect du statut de ces derniers ; (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, sur la période en litige, Mme B... s'est vu fixer par le chef d'établissement un service d'enseignement de 18 heures ou 18 heures 30 selon les années scolaires et que, au sein de l'établissement où elle enseignait, aucun professeur n'était attaché au laboratoire ou aucun agent de service n'y était affecté ; qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 8 du décret susvisé du 25 mai 1950, il résulte de ces constatations, d'une part, que Mme B... avait droit à l'abaissement à 17 heures de son obligation maximale de service et, d'autre part, qu'elle a dépassé d'une heure annuelle non rémunérée cette obligation maximale de service ;

4. Considérant que pour refuser de rémunérer en heures supplémentaires ce dépassement de l'obligation maximale de service de l'intéressée, l'administration invoque l'article R. 914-85 du code de l'éducation, applicable à compter du 29 décembre 2008, qui dispose : " Les heures supplémentaires assurées sur autorisation de l'autorité académique pour les enseignements compris dans les programmes de l'enseignement public sont payées au taux en vigueur pour le personnel correspondant de l'enseignement public dans les mêmes conditions que la rémunération principale.//(...) " ; que, toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables en l'espèce, dès lors que l'heure de laboratoire à rémunérer résulte de la réduction prévue par les textes de l'obligation maximale de service de l'enseignant, et ne constitue pas une " heure supplémentaire " au sens des dispositions précitées ; qu'il s'ensuit que c'est en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 914-1 et L. 442-5 du code de l'éducation que le recteur a implicitement refusé de calculer la rémunération de Mme B... en prenant en compte " l'heure de laboratoire " de septembre 2007 et jusqu'en août 2014 ; que ce refus implicite doit être annulé et, par voie de conséquence, l'administration doit être condamnée à verser à l'appelante l'heure supplémentaire annuelle qui ne lui a pas été versée durant la période en litige ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et que l'administration ne conteste d'ailleurs pas, qu'en évaluant à 7 498,88 euros le montant total de cette heure supplémentaire annuelle non versée durant la période en litige, Mme B... aurait fait un calcul erroné de la somme due à ce titre par l'Etat ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions tendant, d'une part, à l'annulation du refus implicite du recteur de l'académie d'Aix Marseille de calculer sa rémunération en prenant en compte " l'heure de laboratoire " de la rentrée 2007 et jusqu'en août 2014, et d'autre part, au paiement par l'Etat de la somme de 7 498,88 euros au titre d'une heure supplémentaire annuelle durant la période en litige ; qu'elle est, dès lors, fondée à demander, dans cette mesure, la réformation de ce jugement ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais que Mme B... a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La décision par laquelle le recteur de l'académie d'Aix Marseille a refusé de calculer la rémunération de Mme B... en tenant compte d'une " heure de laboratoire " du mois de septembre 2007 au mois d'août 2014 est annulée.

Article 2 : L'Etat (ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche) est condamné à verser à Mme B... la somme de 7 498,88 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il est contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie d'Aix Marseille.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2017, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme Busidan, première conseillère.

Lu en audience publique, le 28 avril 2017.

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N° 15MA03286


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