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03/11/2015 | FRANCE | N°15MA01227

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 03 novembre 2015, 15MA01227


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... Ollier a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 25 octobre 2011 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie.

Par un jugement n° 1403559 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Nîmes, statuant après renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mars 2015, Mme Ollier, rep

résentée par la société civile professionnelle d'avocats Pellegrin, Soulier, demande à la Cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... Ollier a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 25 octobre 2011 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie.

Par un jugement n° 1403559 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Nîmes, statuant après renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mars 2015, Mme Ollier, représentée par la société civile professionnelle d'avocats Pellegrin, Soulier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 25 octobre 2011 ;

3°) au vu de la décision rendue par le Conseil d'Etat le 5 novembre 2014, réformer le jugement, condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du manquement à l'obligation de sécurité commis par ce centre hospitalier et une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice consécutif au harcèlement moral dont elle a été victime ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande indemnitaire est fondée, dès lors qu'elle produit de nombreux éléments établissant le harcèlement moral dont elle a fait l'objet ;

- son état dépressif présente une relation certaine et déterminante avec sa situation professionnelle depuis 2007, comme l'établissent les pièces versées au dossier ;

- la commission de réforme qui a émis le 18 octobre 2011 un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie était irrégulièrement composée dès lors qu'elle ne comprenait aucun spécialiste.

Par un mémoire enregistré le 28 mai 2015, le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze, représenté par Eleom Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'appelante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- Mme Ollier ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre ses conditions de travail et les troubles dont elle souffre ;

- les demandes indemnitaires, définitivement rejetées par un arrêt rendu le 20 mai 2014 par la cour administrative d'appel de Lyon, sont irrecevables dans la présente instance.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance du 25 août 2015 fixant, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction au 9 septembre 2015.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Busidan,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze.

1. Considérant que, par jugement n° 1100441-1103956, rendu le 3 juillet 2012, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté, après les avoir jointes, les demandes de Mme Ollier, secrétaire médico-sociale en fonction au sein du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze, demandes qui tendaient, pour la première, à la condamnation du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze à l'indemniser de préjudices consécutifs, selon elle, à diverses fautes ou manquements commis à son encontre, et, pour la seconde, à l'annulation de la décision du 25 octobre 2011 par laquelle le directeur dudit centre hospitalier a rejeté la demande de l'intéressée que soit reconnue imputable au service la maladie dont elle souffre ; qu'en tant qu'il concernait la demande indemnitaire, ce jugement a fait l'objet d'un appel de l'intéressée, attribué à la cour administrative d'appel de Lyon, laquelle a rejeté cet appel par arrêt rendu le 20 mai 2014 ; qu'en tant qu'il concernait la demande d'annulation, ce même jugement a été cassé par le Conseil d'Etat, par une décision rendue le 5 novembre 2014, qui a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire au tribunal administratif de Nîmes pour qu'il y soit statué ; que, par jugement rendu le 5 février 2015, dont Mme Ollier relève appel dans la présente instance, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande d'annulation de la décision du 25 octobre 2011 précitée ;

Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires :

2. Considérant que les conclusions de Mme Ollier, qui tendent à ce que le centre hospitalier soit condamné à lui verser 20 000 euros en réparation d'un manquement à l'obligation de sécurité et 10 000 euros en réparation d'un harcèlement moral, ont le même objet que celles présentées, entre autres, par cette même requérante dans sa demande enregistrée sous le n° 1100441 devant le tribunal administratif de Nîmes à l'encontre du même centre hospitalier ; que ces conclusions ont été rejetées par ce tribunal dans son jugement du 3 juillet 2012 ; que, comme il a été exposé au point précédent, ce jugement, en tant qu'il s'est prononcé sur les demandes indemnitaires de Mme Ollier, a été confirmé par arrêt rendu le 20 mai 2014 par la cour administrative d'appel de Lyon ; qu'ainsi, le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze est fondé à faire valoir que l'autorité de la chose jugée s'attachant à cette dernière décision fait obstacle à la recevabilité des conclusions indemnitaires présentées par Mme Ollier dans la présente instance ;

Sur les conclusions en annulation :

3. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du 3ème alinéa du 2° de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, l'imputation au service d'un accident dont est victime un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ; qu'aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Cette commission comprend : 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes (...) " ;

4. Considérant que, d'une part, s'il ressort des pièces du dossier que deux praticiens de médecine générale siégeaient à la commission de réforme qui a émis un avis le 18 octobre 2011, il ne leur pas été adjoint de médecin spécialiste de la pathologie affectant Mme Ollier, tel un médecin psychiatre, alors que le cas de l'intéressée était de nature à le justifier, la capacité de Mme Ollier à exercer ses fonctions étant, depuis presque deux ans déjà à la date de la réunion de la commission de réforme, annihilée par une pathologie psychiatrique ; que, d'autre part, cette irrégularité dans la composition de la commission de réforme a privé la requérante d'une garantie en ce que la commission ne peut ainsi être regardée comme ayant émis son avis au vu de l'ensemble des éléments d'appréciation utiles sur le cas qui lui était soumis ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " (...) si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident " ; que le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'état dépressif que connaît Mme Ollier, qui ne présentait aucun antécédent sur un plan psychopathologique, a débuté immédiatement après le refus qui lui a été opposé par le centre hospitalier, par courrier daté du 3 décembre 2009, de travailler à 80 % et dans le changement d'affectation devant accompagner la décision à venir concernant son temps de travail, refus qui, d'une part avait été précédé par des difficultés subies par l'intéressée dans l'exercice de ses fonctions syndicales, et d'autre part, a été confirmé par des décisions ultérieures, courant jusqu'en mai 2010, maintenant à 100 % sa quotité de travail ; que le caractère réactionnel de son état pathologique a été constaté, dès le 8 décembre 2009, par le médecin du travail et le médecin traitant de l'intéressée ; que l'expert mandaté en octobre 2010 dans le cadre de la procédure tendant à l'attribution d'un congé longue maladie a confirmé l'état dépressif réactionnel présenté par l'intéressée à la suite d'un conflit professionnel et l'expert, mandaté en juillet 2011 par le centre hospitalier pour examiner l'existence d'une maladie professionnelle, a relevé " le fait qu'existe une souffrance sur le lieu de travail " ; que la circonstance qu'aucune des décisions prises à l'égard de Mme Ollier, ou aucun agissement de l'administration à son endroit avant ou après le 8 décembre 2009, ne pourraient être qualifiés de fautifs ou être regardés comme constitutifs de harcèlement moral, est sans incidence sur le caractère direct du lien entre les conditions de travail proposées à Mme Ollier et le déclenchement de sa pathologie ; que, dans ces conditions, l'interruption du service de l'intéressée doit être regardée comme étant en lien direct avec un accident subi en service ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Ollier est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 25 octobre 2011, par laquelle le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle souffre ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement et cette décision ;

Sur les conclusions en injonction :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

9. Considérant que, dans ses conclusions accessoires à fin d'injonction présentées devant les premiers juges dont la présente Cour se trouve saisie par l'effet dévolutif de l'appel, Mme Ollier demande à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze de recalculer ses droits en tenant compte du caractère professionnel de sa maladie ; qu'elle doit être regardée comme demandant ainsi que le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze prenne une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie qu'elle présente depuis le 8 décembre 2009, et en tire ensuite toutes les conséquences ; que le présent arrêt implique nécessairement que le centre hospitalier prenne une décision en ce sens et la place, à partir de la date sus-indiquée, en congé pour maladie imputable au service ; que cette mesure devra intervenir dans un délai de deux mois à compter de la notification au centre hospitalier de la présente décision ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme Ollier et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la somme que le centre hospitalier demande au même titre soit mise à la charge de Mme Ollier, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 février 2015 et la décision du 25 octobre 2011 du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze refusant l'imputation au service de la maladie dont souffre Mme Ollier sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze, dans un délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt, de placer Mme Ollier en congé pour maladie imputable au service à compter du 8 décembre 2009.

Article 3 : Le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze versera à Mme Ollier la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... Ollier et au centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- Mme Busidan, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 novembre 2015.

2

N° 15MA01227


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA01227
Date de la décision : 03/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-01-03 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS. POSITIONS. CONGÉS. CONGÉS DE MALADIE. ACCIDENTS DE SERVICE. - L'INTERRUPTION DE SERVICE D'UN AGENT DE LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIÈRE, DUE À UNE MALADIE PSYCHOPATHOLOGIQUE, EST REGARDÉE COMME IMPUTABLE À UN ACCIDENT SUBI EN SERVICE, DÈS LORS QUE CETTE MALADIE EST EN LIEN DIRECT, MAIS NON EXCLUSIF, AVEC DES CONDITIONS DE TRAVAIL PROPOSÉES À CET AGENT, ALORS MÊME QUE LES AGISSEMENTS DE L'ADMINISTRATION NE POURRAIENT ÊTRES QUALIFIÉS DE FAUTIFS OU CONSTITUTIFS DE HARCÈLEMENT MORAL.

36-05-04-01-03 Le droit de conserver l'intégralité du traitement, prévu par les dispositions du 2ème alinéa du 2° de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions.[RJ1]... ,,En l'espèce, dès lors que l'agent ne présentait aucun antécédent de maladie psychopathologique, et qu'une telle maladie s'est déclenchée immédiatement après le refus de l'administration de satisfaire sa demande de travail à temps partiel, le lien direct est retenu, quand bien même les agissements de l'administration ne pourraient pas être qualifiés de fautifs ou être regardés comme constitutifs de harcèlement moral.


Références :

[RJ1]

cf : CE, 23/09/2013, Mme Fonvielle, req. n° 353093, B.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS PELLEGRIN - SOULIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-11-03;15ma01227 ?
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