Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 14 mai 2013 le révoquant de ses fonctions pour motifs disciplinaires et d'enjoindre à La Poste de le réintégrer en reconstituant sa carrière sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir.
Par un jugement n° 1303415 du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision de La Poste du 14 mai 2013 portant révocation de M. D... de ses fonctions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 février 2015 et le 13 mai 2015, La Poste représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 décembre 2014 ;
2°) de rejeter la demande d'annulation de M. D... ;
3°) de mettre à la charge de M. D... le versement de la somme de 500 euros au titre des frais d'instance.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas suffisamment tenu compte de l'importance des fonctions exercées par M. D... qui avait déjà utilisé la carte de carburant professionnelle à des fins personnelles en 2009 et, d'autre part, en privilégiant ses états de service et sa situation personnelle pour annuler la sanction en litige ;
- la sanction a été prononcée au terme d'une procédure régulière ;
- elle est proportionnée à la gravité des faits reprochés à M. D... eu égard aux fonctions de directeur territorial de la sûreté qu'il exerçait.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2015, M. D... conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de La Poste le versement de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure disciplinaire repose sur des faits dont ni la matérialité ni la qualification juridique ne sont établies ;
- la procédure disciplinaire, irrégulière, porte atteinte à ses droits de fonctionnaire ;
- la sanction prononcée à son encontre est disproportionnée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Portail en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massé-Degois,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant La Poste, et de Me E..., représentant M. D....
Une note en délibéré présentée par M. D...a été enregistrée le 19 septembre 2016.
1. Considérant que La Poste relève appel du jugement du 19 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision de La Poste du 14 mai 2013 portant révocation de M. D... de ses fonctions pour motifs disciplinaires ;
2. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. D..., directeur territorial de la sûreté au sein de la direction de l'enseigne La Poste, a reconnu avoir utilisé la carte de carburant affectée à son véhicule professionnel au cours des années 2010, 2011 et 2012 pour effectuer des trajets personnels, en l'occurrence principalement des déplacements entre Perpignan, son domicile, et Montpellier où son épouse était hospitalisée tout en contestant le caractère personnel de certains des achats de carburant listés dans le rapport de l'enquête diligentée par La Poste ; que La Poste a évalué le préjudice à la somme de 3 102 euros à partir d'une reconstitution basée sur la consommation théorique du véhicule de service de M. D... ; qu'alors même que M. D... persiste à contester devant la Cour une partie de la reconstitution et établit par un témoignage écrit de l'une de ses collègues de travail corroboré par une copie de mails échangés le 21 mai 2012 le caractère professionnel du déplacement effectué le 4 juin 2012 à Cestas dans le bassin d'Arcachon pour assister à un séminaire " sûreté ", l'usage de la carte professionnelle de carburant à des fins privées par un agent public, garant de la mise en oeuvre opérationnelle de la politique de sûreté dans le réseau de l'enseigne, constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ;
4. Considérant, d'autre part, que figurent au dossier des témoignages convergents de proches corroborés par des attestations médicales faisant état de la dégradation de l'état de santé psychologique de M. D... qui présente un état anxiodépressif en lien avec l'état de santé de son épouse soignée depuis 2008 au centre régional de lutte contre le cancer à Montpellier pour une affection cancéreuse qui, suite à une récidive en 2011, a nécessité la reprise des traitements de chimiothérapie intensifs et itératifs ; que figurent également au dossier, les fiches d'évaluation des années 2010, 2011 et 2012 de M. D..., qui a intégré La Poste en 1982 et qui occupe des fonctions de directeur territorial de sûreté depuis 2008, faisant état tant de ses qualités et de son efficacité professionnelles que de ses compétences techniques reconnues par sa hiérarchie ;
5. Considérant qu'il appartient à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, pour apprécier la gravité des faits reprochés à un agent et déterminer en conséquence le choix d'une sanction, de tenir compte des éléments et des circonstances de l'époque à laquelle ces faits ont pris place et qui en constituent le contexte ; que, nonobstant la nature des fonctions exercées par M. D... et la position hiérarchique de ce dernier, garant de la mise en oeuvre opérationnelle de la politique de sûreté dans le réseau de l'enseigne La Poste, compte tenu de ses bons états de service antérieurs pendant trente années et de son état de santé psychologique induit par une situation familiale extrêmement difficile qu'il vivait à la date des faits, de nature à expliquer l'usage de la carte professionnelle de carburant à des fins privées tant en 2009, qu'en 2010, 2011 et 2012, notamment pour accompagner son épouse à Montpellier où elle était soignée, la sanction de révocation est, dans les conditions dans lesquelles elle a été prononcée, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Montpellier, disproportionnée en dépit de la gravité des faits reprochés ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé à la demande de M. D... la sanction de révocation prononcée le 14 mai 2013 à son encontre ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. D... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste le versement à M. D... de la somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de La Poste est rejetée.
Article 2 : La Poste versera à M. D... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à M. B... D....
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2016, où siégeaient :
- M. Portail, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme A..., première conseillère,
- Mme Massé-Degois, première conseillère.
Lu en audience publique, le 4 octobre 2016.
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N° 15MA00486 2