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09/05/2016 | FRANCE | N°15MA00335

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 09 mai 2016, 15MA00335


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Aéroport Montpellier Méditerranée (SAMM) a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault (SDIS 34) à lui verser une somme de 174 105,51 euros et de mettre à sa charge une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1302535 du 24 novembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2015, la SAMM, représentée par Me A..., demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Aéroport Montpellier Méditerranée (SAMM) a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault (SDIS 34) à lui verser une somme de 174 105,51 euros et de mettre à sa charge une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1302535 du 24 novembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2015, la SAMM, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 novembre 2014 ;

2°) de condamner le SDIS Hérault à lui verser une somme de 111 797,97 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation ;

3°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise pour déterminer le préjudice indemnisable ;

4°) de condamner le SDIS Hérault à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier comme ne comportant pas certaines mentions obligatoires, étant insuffisamment motivé et ne comportant pas les signatures obligatoires ;

- le SDIS a commis une faute en émettant un titre exécutoire illégal, et en adoptant une attitude malveillante ;

- il existe un lien de causalité direct entre les fautes et le préjudice subi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2015, le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la SAMM ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marcovici,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me B... du cabinet A...pour la société Aéroport de Montpellier Méditerranée (SAMM).

1. Considérant que, par une convention du 19 décembre 1997, le service d'incendie et de secours de l'Hérault (SDIS 34) s'est engagé en contrepartie du paiement d'une redevance mensuelle à assurer le service de sauvetage et de lutte contre l'incendie de l'aéroport de Fréjorgues exploité par la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Montpellier, aux droits et obligations de laquelle est venue la société Aéroport Montpellier Méditerranée (SAMM) en vertu d'un traité d'apport signé le 19 mars 2009 ; qu'à la suite du non-renouvellement de la convention à compter du 1er juillet 2004, le SDIS 34 a émis le 8 mars 2005 un titre exécutoire à l'encontre de la CCI de Montpellier en application de l'article 9 de la convention prévoyant une indemnité correspondant à cinq fois le montant des redevances versées l'année précédente, soit la somme de 5 801 330 euros ; que, par jugement du 4 avril 2008, ce titre a été annulé par le tribunal administratif de Montpellier ; que cette décision a été annulée par l'arrêt n° 08MA03024 de la cour administrative d'appel de Marseille du 14 février 2011 ; que le SDIS 34 a émis un nouveau titre exécutoire le 4 octobre 2011 à l'encontre de la SAMM qui a procédé au règlement en trois versements de 2 901 330 euros le 21 octobre 2011, de 1 450 000 euros le 26 octobre 2011 et de 1 450 000 euros le 22 décembre 2011 ; que, par arrêt du 22 juin 2012, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour ainsi que le titre exécutoire ; que le SDIS 34 a remboursé cette somme à la SAMM le 13 août 2012 ; que la SAMM relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices financiers découlant du paiement du titre exécutoire illégal ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant que, pour rejeter la demande qui lui était adressée, le tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, sur le IV de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public qui impose à l'ordonnateur d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public local d'émettre l'état nécessaire au recouvrement de la créance résultant d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision de justice et sur l'article R. 821-5 du code de justice administrative ; qu'il a jugé " que la SAMM s'est acquittée de la somme de 5 801 930 euros sur le fondement du titre exécutoire émis le 26 juillet 2011 en exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 14 février 2011, et non sur la base du titre émis le 8 mars 2005, les préjudices dont elle se prévaut du fait du paiement indu du titre exécutoire litigieux ne résultent pas d'une faute qu'aurait commise le SDIS 34 mais du caractère exécutoire de l'arrêt de la Cour " ;

3. Considérant toutefois que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le titre exécutoire du 26 juillet 2011 n'a pas été émis sur le fondement de l'arrêt de la cour administrative d'appel, qui s'est borné à annuler le jugement du 8 avril 2008 et à rejeter la demande formulée par la SAMM sans mettre une somme à sa charge ; que si le SDIS s'est cru fondé à émettre un nouveau titre exécutoire, du même montant que le titre initial de 2005, il n'y était pas contraint pour obtenir le paiement de la somme qu'il estimait lui être dû, dès lors que le rejet par la Cour de la demande de la SAMM a eu pour effet de mettre fin à la suspension du caractère exécutoire du titre exécutoire de 2005 ; que contrairement aux affirmations du SDIS, le IV de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 n'est pas applicable au présent litige ; qu'ainsi, le recouvrement de la somme de 5 801 330 euros n'est pas fondé sur l'exécution de l'arrêt de Cour, mais sur le titre émis le 8 mars 2005 ; qu'il résulte de ce qui précède que la SAMM est fondée à rechercher la responsabilité du SDIS qui a commis une faute en émettant un titre exécutoire illégal, illégalité qui a été relevée par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 22 juin 2012 ; qu'il résulte de ce qui précède que la SAMM a droit à l'indemnisation des préjudices directs et certains résultant de cette faute ;

Sur le préjudice :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SAMM a souscrit un emprunt de 1 450 000 euros le 20 septembre 2011 auprès de la banque BNP Paribas ; qu'un second emprunt d'un même montant a été souscrit par la SAMM le 4 janvier 2012 ; que ces deux emprunts ont été remboursés à la suite de l'arrêt du Conseil d'Etat et du remboursement des sommes en cause par le SDIS ; qu'ainsi, et quand bien même ce second emprunt aurait été souscrit après le paiement de sa créance, comme le soutient le SDIS, et alors même que le libellé des emprunts ne permet pas de façon certaine de déterminer leur affectation, ces emprunts doivent être regardés comme ayant été souscrits en conséquence directe de la charge résultant de l'émission des titres exécutoires émis par le SDIS ; qu'une somme de 116 890,34 euros, représentative des intérêts de ces emprunts, doit être mise à la charge du SDIS au titre du préjudice subi par la SAMM du fait des emprunts souscrits ;

5. Considérant, en revanche, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le prêt de 950 000 euros émis au mois de décembre 2011 soit en relation directe avec ladite émission, dès lors qu'il n'a pas été procédé à son remboursement ; qu'il sera par ailleurs fait une juste appréciation de l'indisponibilité de la somme de 2 901 330 euros entre le 21 octobre 2011, date du paiement de cette somme prélevée par la SAMM sur sa trésorerie, et le 12 août 2012, date du remboursement de la somme par le SDIS en évaluant le préjudice correspondant à 30 000 euros ; qu'au total, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, la somme due par le SDIS s'élève donc à 146 890,34 euros ; que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 20 février 2013 date de la réception de la demande préalable, et sera capitalisée à compter du 20 février 2014 et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAMM est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de condamnation du SDIS 34 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge du SDIS 34 une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à la SAMM ; que lesdites dispositions s'opposent à ce qu'il soit fait droit à la demande formulée par le SDIS dès lors que la SAMM n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif est annulé.

Article 2 : Le service d'incendie et de secours de l'Hérault est condamné à verser à la société Aéroport Montpellier Méditerranée une somme de 146 890,34 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 20 février 2013, les intérêts étant capitalisés au 20 février 2014 et à chaque échéance ultérieure.

Article 3 : Le service d'incendie et de secours de l'Hérault versera à la société Aéroport Montpellier Méditerranée une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Aéroport Montpellier Méditerranée est rejeté, ainsi que la demande formulée par le service d'incendie et de secours de l'Hérault sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aéroport Montpellier Méditerranée et au service d'incendie et de secours de l'Hérault.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2016, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 mai 2016.

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N° 15MA00335


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00335
Date de la décision : 09/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : CABINET MAILLOT - AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-05-09;15ma00335 ?
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