La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2017 | FRANCE | N°15LY02148

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 09 novembre 2017, 15LY02148


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association "Sans nature pas de futur" et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté du 18 août 2011 par lequel le préfet de l'Isère a autorisé la SAS Chimirec Centre Est à exploiter une plate forme de tri, transit, regroupement et prétraitement de déchets industriels dangereux dans la commune de Bouvesse-Quirieu ;

2°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1201241 du

28 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association "Sans nature pas de futur" et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté du 18 août 2011 par lequel le préfet de l'Isère a autorisé la SAS Chimirec Centre Est à exploiter une plate forme de tri, transit, regroupement et prétraitement de déchets industriels dangereux dans la commune de Bouvesse-Quirieu ;

2°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1201241 du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2015, et des mémoires, enregistrés les 21 avril et 16 juin 2016, l'association "Sans Nature pas de Futur", représentée par Me Posak, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 avril 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 18 août 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'étude d'impact ne tient pas compte des risques cumulés pour l'environnement générés par la proximité de l'exploitation de la SAS Chimirec Centre Est et de la cimenterie Vicat ;

- les pollutions occasionnées par le rejet dans l'atmosphère de nombreuses substances toxiques n'ont pas été évaluées ;

- le choix du lieu d'implantation est le plus nuisible à l'environnement et au voisinage ;

- les mesures acoustiques n'ont pas été régulièrement réalisées ;

- les risques d'incendie n'ont pas été suffisamment évalués ;

- l'arrêté en litige est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale (SCOT) de la Boucle du Rhône en Dauphiné ;

- les prescriptions de l'arrêté en litige sont insuffisantes s'agissant des risques de pollution des sols et des nappes phréatiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 27 janvier 2017, qui n'a pas été communiqué, la SAS Chimirec Centre Est, représentée par Me Soler-Couteaux, avocat (SELARL Soler-Couteaux/Llorens), conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'association "Sans Nature pas de Futur" en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir :

- à titre principal, que la requête est irrecevable, en ce que l'association est, en regard de son objet, dépourvue d'intérêt pour agir contre l'arrêté en litige ;

- à titre subsidiaire, qu'à supposer opérant le moyen tiré de l'incompatibilité de l'autorisation en litige avec le SCOT de la Boucle du Rhône en Dauphiné, il est infondé en ce qu'aucune contradiction majeure rendant leur coexistence impossible n'est à relever ;

- que les prescriptions techniques annexées à l'arrêté prennent en compte les remarques du commissaire enquêteur sur les risques liés à l'environnement ; l'étude d'impact mentionne les dispositifs destinés à prévenir une pollution des sols et de l'eau ;

- que l'existence de la cimenterie Vicat n'a pas été identifiée comme facteur de risque ; l'étude d'impact conclut à l'absence d'impact significatif du projet sur les habitations les plus proches en termes de trafic routier et de nuisances sonores ;

- que des mesures de prévention des risques d'incendie ont été mises en place ; il n'existe pas de risque de propagation d'un incendie de l'exploitation autorisée vers la cimenterie Vicat, au demeurant située à plusieurs centaines de mètres.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2016, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- il souscrit aux observations présentées en défense en première instance ;

- le moyen tiré de l'incompatibilité de l'autorisation en litige avec le SCOT de la Boucle du Rhône en Dauphiné est inopérant ; à le supposer opérant, le projet en litige est compatible avec le SCOT ;

- les moyens tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact et de ce que l'arrêté ne prendrait pas en compte certains risques environnementaux sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 23 janvier 1997 relatif à la limitation des bruits émis dans l'environnement par les installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller,

- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,

- et les observations de MePosak, avocat, pour l'association "Sans nature pas de futur", ainsi que celles de Me Huck, avocat (SELARL Soler- Couteaux/Llorens), pour la SAS Chimirec Centre Est ;

1. Considérant que l'association "Sans Nature pas de Futur" relève appel du jugement du 28 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 août 2011 du préfet de l'Isère autorisant la SAS Chimirec Centre Est à exploiter une plate forme de tri, transit, regroupement et prétraitement de déchets industriels dangereux sur le territoire de la commune de Bouvesse-Quirieu ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la SAS Chimirec Centre Est :

2. Considérant que l'association requérante a, au regard de son champ de compétence et de son périmètre géographique, intérêt pour agir contre l'arrêté en litige ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la SAS Chimirec Centre Est doit être écartée ;

Sur la légalité de l'arrêté du 18 août 2011 :

3. Considérant, en premier lieu, que l'étude d'impact identifie la présence d'une entreprise majeure de la zone d'étude et spécialisée dans la fabrication de ciment à 440 mètres du lieu d'implantation de l'exploitation de la SAS Chimirec Centre Est ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la présence de cette cimenterie à proximité du site d'implantation futur de la SAS Chimirec Centre Est entraînerait des risques supplémentaires pour le voisinage et l'environnement s'agissant de l'environnement sonore et des risques d'incendie, nonobstant la possibilité d'un lien fonctionnel entre les deux installations ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que, si l'article R. 512-8 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté en litige, dispose que l'étude d'impact présente successivement : " (...) 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, le projet a été retenu parmi les solutions envisagées. (...) ", l'association requérante ne fait état d'aucune préoccupation environnementale qui aurait dû conduire le préfet de l'Isère à privilégier un autre site d'implantation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que d'autres emplacements auraient été préférables au site retenu doit être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, que l'association requérante n'établit pas que l'étude d'impact, qui analyse notamment les effets de l'absorption par inhalation des composés volatils rejetés par l'exploitation, dont elle établit une liste et auxquels elle étudie le degré d'exposition, n'aurait pas évalué les risques afférents au rejet dans l'atmosphère de substances toxiques ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la méthodologie utilisée pour procéder aux mesures de bruit aux environs du site, détaillée dans l'étude d'impact, méconnaîtrait les prescriptions de l'arrêté du 23 janvier 1997 susvisé ; que l'étude d'impact conclut que, compte tenu de la distance d'éloignement des habitations, de la présence des autres entreprises de la zone d'activité de Bouvesse-Quirieu ainsi que des axes de circulation situés à proximité, les bruits émis par l'activité du site exploité par la SAS Chimirec Centre Est n'auront pas d'impact sur les riverains ; que, s'il résulte également de cette étude que le niveau sonore élevé généré par le fonctionnement futur du broyeur de déchets est susceptible d'entraîner des nuisances pour les riverains les plus proches, il résulte de l'instruction que cet impact sonore devrait être réduit par la mise en place de panneaux isolants sur le plan acoustique autour du broyeur ; que les prescriptions annexées à l'arrêté d'autorisation du 18 août 2011 fixent les niveaux limites de bruit et imposent la réalisation de mesures périodiques ; que l'association requérante n'établit pas, par la production de mesures de bruit réalisées au niveau de la cimenterie, située à plus de 400 mètres de l'exploitation litigieuse, que les nuisances sonores engendrées par le fonctionnement de cette dernière dépasseront les valeurs limites des émergences fixées par l'arrêté du 23 janvier 1997, repris par l'arrêté du 18 août 2011 ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance que des incendies se seraient déclarés sur d'autres sites exploités par la SAS Chimirec Centre Est est sans incidence sur la légalité de l'autorisation ; que l'association requérante n'établit pas que les prescriptions annexées à l'arrêté en litige seraient insuffisantes pour prévenir les risques d'incendie que serait susceptible d'engendrer l'exploitation, alors, au demeurant, que le service départemental d'incendie et de secours de l'Isère a donné un avis favorable au projet ;

8. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) " ; qu'il ne résulte ni de ces dispositions ni d'aucune autre disposition que les autorisations délivrées sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'environnement seraient au nombre des décisions administratives dont la légalité doit s'apprécier par référence aux dispositions des schémas de cohérence territoriale (SCOT) ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait incompatible avec le document d'orientations générales du SCOT de la Boucle du Rhône en Dauphiné est inopérant ;

9. Considérant, en septième et dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'outre le rehaussement du bâtiment d'exploitation, la pose d'une géomembrane sous le terrain d'assiette de l'exploitation constitue une précaution nécessaire pour prévenir les risques de pollution du sol et des eaux souterraines ainsi que le risque de dessèchement de la zone humide située au droit du projet ; qu'il y a lieu, par suite, de modifier l'arrêté en ce sens ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association "Sans Nature pas de Futur" est seulement fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il n'a pas modifié l'arrêté du préfet de l'Isère du 18 août 2011 dans le sens prescrit au point 9 ci-dessus ; que le surplus des conclusions de sa requête doit, en revanche, être rejeté ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la SAS Chimirec Centre Est demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'association "Sans Nature pas de Futur" qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Chimirec Centre Est la somme que demande l'association "Sans Nature pas de Futur" en application de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Il est ajouté aux "Prescriptions applicables à la société Chimirec Est pour l'exploitation d'une plate-forme de tri, de transit, regroupement et prétraitement de déchets industriels dangereux à Bouvesse Quirieu", annexées à l'arrêté n° 2011-230-00 du préfet de l'Isère du 18 août 2011, un article supplémentaire imposant à l'exploitant la pose d'une géomembrane sous le terrain d'assiette de l'exploitation.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association "Sans Nature pas de Futur", à la société par actions simplifiée Chimirec Centre Est, à la commune de Bouvesse-Quirieu et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

- M. Hervé Drouet, président-assesseur,

- Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2017.

4

N° 15LY02148


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02148
Date de la décision : 09/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Champ d'application de la législation.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : POSAK

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-11-09;15ly02148 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award