Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exploitation de l'aéroport de Rouen a demandé au tribunal administratif de Rouen d'ordonner l'expulsion de la société Jetstream Aero du hangar de l'aéroport de Rouen que cette dernière avait été autorisée à occuper dans le cadre d'une convention d'occupation temporaire conclue le 1er septembre 2007.
Par un jugement n° 1303415 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, enjoint à la société Jetstream Aero de libérer ce hangar dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, d'autre part, condamné cette même société à payer à la société d'exploitation de l'aéroport de Rouen une somme de 35 691,35 euros, augmentée des intérêts à compter du jour où chacune de ces redevances était due, à savoir au 1er jour de chaque mois en cause, et sous déduction de la provision de 23 112 euros mise à sa charge par la cour administrative d'appel de Douai par l'ordonnance du 9 octobre 2014.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2015, des mémoires enregistrés les 5 janvier 2017, 9 février 2017 et 14 avril 2017, ainsi que par un mémoire récapitulatif enregistré le 18 janvier 2019 au titre de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, et un mémoire enregistré le 18 avril 2019, la société Jetstream Aero, aux droits de laquelle est venue en cours d'instance Me D...C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de cette société, représentée par la SELARL EBC avocats, demande à la cour :
1°) de constater la non résiliation de la convention d'occupation temporaire conclue le 1er septembre 2007, de reconnaître qu'elle était en droit de suspendre le paiement des redevances d'occupation et d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de la société d'exploitation de l'aéroport de Rouen la somme de 5 000 euros et à la charge du syndicat mixte de gestion de l'aéroport Rouen Vallée de Seine une somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des procédures civiles d'exécution ;
- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;
- le décret-loi du 17 juin 1938 étendant la compétence des conseils de préfecture ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me A...B..., représentant la société Edeis Concessions.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention d'occupation signée le 1er septembre 2007, l'EURL Rouen Handling, alors exploitant de l'aéroport de Rouen Vallée de Seine en vertu d'une convention de gestion conclue le 12 juillet 2000 avec la chambre de commerce et d'industrie de Rouen, a autorisé la société Jetstream Aero à occuper temporairement un hangar à aéronefs, hangar D1, pour une période initiale courant jusqu'au 31 décembre 2008, et tacitement reconductible, en contrepartie du versement d'une redevance mensuelle fixée à 800 euros hors taxe en 2007, à 900 euros hors taxe en 2009, et à 1 000 euros hors taxe en 2010.
2. Par une convention de délégation de service public signée le 2 février 2010, le syndicat mixte de gestion de l'aéroport Rouen Vallée de Seine a confié l'exploitation de l'aéroport à la société SNC Lavalin. Une société à responsabilité limitée (SARL) a été constituée par le titulaire de la délégation de service public, dénommée société d'exploitation de l'aéroport de Rouen (SEAR). Cette SARL, immatriculée le 26 février 2010, est devenue, par avenant du 10 mai 2010, délégataire de service public.
3. Par une lettre du 5 juin 2013, la SEAR, se fondant sur le non-paiement de l'intégralité des redevances dues au titre de l'occupation du hangar D1, et ce en dépit de la notification d'un commandement de payer, a informé la société Jetstream Aero de la résiliation de plein droit de la convention d'occupation signée le 1er septembre 2007, et l'a invitée à libérer le hangar. Par une ordonnance n° 1303411 du 15 avril 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a, à la demande de la SEAR, condamné la société Jetstream Aero à lui verser une provision de 14 284,10 euros, assortie d'intérêts, au titre des redevances dues contractuellement et non réglées intégralement. Cette somme a été portée, en appel, à 23 112 euros, augmentée des intérêts, par le président de la cour administrative d'appel de Douai dans son ordonnance n° 14DA00832 du 9 octobre 2014 qui a réformé, dans cette mesure, l'ordonnance du premier juge. Par une décision n° 385739 du 29 janvier 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'a pas admis le pourvoi formé par la société Jetstream Aero contre l'ordonnance du président de la cour.
4. Par un jugement n° 1303415 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Rouen a, à la demande de la SEAR, d'une part enjoint à la société Jetstream Aero de libérer le hangar D1, et d'autre part condamné cette société à verser à la SEAR une somme de 35 691,35 euros, augmentée des intérêts, sous déduction de la provision de 23 112 euros mise à sa charge par la cour administrative d'appel de Douai par l'ordonnance du 9 octobre 2014. Me D...C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Jetstream Aero, relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions d'appel principal présentées par Me D...C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Jetstream Aero :
En ce qui concerne la recevabilité des demandes présentées par la SEAR devant le tribunal administratif :
5. Le propriétaire ou le gestionnaire du domaine public sont l'un et l'autre en principe recevables à demander au juge administratif l'expulsion de l'occupant irrégulier de ce domaine.
S'agissant de la qualité de gestionnaire du domaine public de la SEAR :
6. D'une part, selon l'article 55 de la convention de délégation de service public conclue le 2 février 2010 : " Il est convenu entre les parties de la présente convention que SNC Lavalin créera une société dédiée à l'exécution de ladite convention. / Cette société sera dénommée société d'exploitation de l'aéroport de Rouen (...), sous la forme d'une société à responsabilité limitée au capital (...) détenu à 100 % directement ou indirectement par SNC Lavalin (...). / Dès que cette société délégataire sera immatriculée au registre du commerce et des sociétés, celle-ci sera automatiquement substituée à la société SNC Lavalin dans l'exercice de leurs droits et obligations au titre du présent contrat. / Un avenant de transfert signé conjointement par le délégant, le nouveau et l'ancien, délégataire viendra matérialiser les conditions de cet accord. / L'autorité délégante s'engage en contrepartie à céder le présent contrat à cette société dédiée. / Un avenant de transfert sera signé conjointement par l'autorité délégante, l'ancien délégataire et le nouveau délégataire et viendra matérialiser cet accord (...) ". La SEAR a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 26 février 2010, et le second avenant de transfert prévu par cet article 55 signé le 10 mai 2010 puis transmis en préfecture le 12 mai 2010. Le transfert était donc entré en vigueur lorsque la SEAR a saisi le 16 décembre 2013 le tribunal administratif de Rouen.
7. D'autre part, il résulte de la convention de délégation de service public qu'en vertu de son article 2, le délégataire a pour mission la gestion des relations avec les occupants du domaine. En vertu des stipulations de l'article 7.1 de cette convention, à l'entrée en vigueur de la délégation, le délégataire est substitué notamment au précédent délégataire dans l'exercice des droits et obligations de ce dernier au regard en particulier des personnes bénéficiaires d'une autorisation d'occupation du domaine public. L'article 25 de la convention définit les relations avec les occupants du domaine public. Dans ces conditions, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la convention d'occupation avait été signée avec l'EURL Rouen Handling, la SEAR avait, en vertu de la convention précitée, qualité pour saisir le tribunal administratif d'une demande tendant à ce que soit ordonnée l'expulsion de l'occupant sans titre du domaine public dont elle assurait ainsi la gestion, sans que, à cet égard, l'appelante puisse se prévaloir de l'éventuelle illégalité de l'avenant du10 mai 2010.
S'agissant de la reprise en régie de l'exploitation de l'aéroport par le syndicat mixte de gestion de l'aéroport Rouen Vallée de la Seine :
8. À la date d'enregistrement de sa requête devant le tribunal administratif de Rouen, le 16 décembre 2013, la SEAR avait la qualité d'exploitant délégataire de l'aéroport, et ainsi qu'il a été dit plus haut celle de gestionnaire du domaine public, recevable à demander au juge administratif l'expulsion de l'occupant irrégulier de ce domaine. La circonstance que cette exploitation a été reprise en régie par le syndicat mixte de gestion de l'aéroport Rouen Vallée de la Seine à compter 1er mars 2017, soit postérieurement au jugement attaqué, est sans incidence sur la recevabilité de cette demande.
S'agissant de l'extinction de l'objet social de la SEAR :
9. La circonstance, postérieure au prononcé du jugement attaqué, que l'objet social de la SEAR se serait éteint le 28 février 2017, et que cette extinction aurait emporté de plein droit la dissolution de cette société, ainsi que l'a relevé la cour d'appel de Rouen par un arrêt du 13 décembre 2018, est sans influence sur la recevabilité de la demande présentée par cette société devant le tribunal administratif de Rouen.
S'agissant de l'exception de litispendance :
10. Aux termes de l'article R. 541-4 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Aux termes de l'article R. 541-4 du même code : " Si le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun, la personne condamnée au paiement d'une provision peut saisir le juge du fond d'une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision de provision rendue en première instance ou en appel ".
11. Par une ordonnance n° 1303411 du 15 avril 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a, à la demande de la SEAR, condamné la société Jetstream Aero à lui verser une provision de 14 284,10 euros, assortie d'intérêts, au titre des redevances dues contractuellement et non réglées intégralement. À la suite de cette ordonnance, la société Jetstream Aero a, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-4 du code de justice administrative ci-dessus reproduites, présenté devant le tribunal administratif de Rouen une demande, enregistrée le 30 décembre 2014 sous le n° 1404554, tendant à la limitation du montant de sa dette. Contrairement à ce que soutient l'appelante, l'introduction de cette instance ne faisait pas obstacle à ce que, dans celle enregistrée sous le n° 1303415, ayant donné lieu au jugement attaqué, la SEAR demande au tribunal administratif de Rouen, outre l'expulsion de la société Jetstream Aero, la condamnation de cette dernière à lui verser une somme au titre des redevances dues contractuellement, ni au demeurant à ce que le tribunal, ainsi saisi, fasse droit à ses conclusions indemnitaires dès lors qu'à la date du jugement rendu dans cette instance, il n'avait pas encore statué sur la demande présentée par la société Jetstream Aero tendant à la limitation du montant de sa dette, rejetée par un jugement postérieur à celui attaqué.
12. Le moyen tiré de l'exception de litispendance doit ainsi être écarté.
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 12 que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que les demandes présentées par la SEAR devant le tribunal administratif étaient irrecevables.
En ce qui concerne le bien-fondé de la demande d'expulsion :
S'agissant de la liquidation judiciaire de la société Jetstream Aero :
14. Aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce, inséré au sein d'un titre II intitulé " De la sauvegarde " : " I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : / 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; / 2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. / II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture. / III.- Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus ". Aux termes de l'article L. 622-22 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. / Le débiteur, partie à l'instance, informe le créancier poursuivant de l'ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci ".
15. Ces dispositions fixent le principe de la suspension ou de l'interdiction, à compter du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, de toute action en justice tendant au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, de la part de tous les créanciers autres que ceux détenteurs d'une créance postérieure privilégiée. Elles ne comportent aucune dérogation aux dispositions régissant les compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires.
16. Me D...C..., pour contester le bien-fondé de l'expulsion ordonnée par les premiers juges, ne peut utilement se prévaloir de ce qu'une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société Jetstream Aero, cette procédure étant postérieure au prononcé du jugement attaqué. Elle ne peut non plus utilement se prévaloir des dispositions ci-dessus reproduites du code de commerce pour soutenir qu'aucune action en résolution de la convention d'occupation temporaire ne pouvait être intentée à l'encontre de la société Jetstream Aero, dès lors que ces dispositions, ainsi qu'il a été dit au point précédent, régissent la situation des sociétés à l'encontre desquelles est ouverte une procédure de sauvegarde, et non de celles faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ou, comme en l'espèce, dont la liquidation judiciaire a déjà été prononcée.
S'agissant de l'exception d'inexécution :
17. Le bénéficiaire d'une convention d'occupation du domaine public est tenu de s'acquitter des redevances prévues par cette convention et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de son cocontractant pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l'initiative de résilier unilatéralement le contrat.
18. L'appelante ne peut utilement, pour soutenir que la SEAR n'aurait pas respecté ses obligations contractuelles, se prévaloir de la méconnaissance par celle-ci des dispositions des articles 1719 et 1720 du code civil, qui, fixant les obligations s'imposant aux bailleurs de maisons et de biens ruraux dans le cadre d'un contrat de louage de droit privé, sont inapplicables aux conventions d'occupation du domaine public.
19. Au demeurant, l'éventuel manquement à ses obligations contractuelles imputable à la SEAR ne dispensait pas la société Jetstream Aero, en l'absence de stipulations en ce sens insérées dans la convention d'occupation, de continuer à verser les redevances dues au titre de celle-ci. Cet éventuel manquement est ainsi sans incidence sur le bien-fondé de la résiliation de la convention décidée par la SEAR, et par suite, compte tenu de l'irrégularité de l'occupation du domaine public en résultant, sur le bien-fondé de la demande d'expulsion.
20. Le moyen tiré de l'exception d'inexécution doit ainsi être écarté.
S'agissant de l'obligation de loyauté :
21. Il résulte du décret-loi du 17 juin 1938 étendant la compétence des conseils de préfecture, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, qu'un contrat comportant occupation du domaine public, quelle que soit sa forme ou dénomination, passé par une personne publique ou son concessionnaire, présente le caractère d'un contrat administratif.
22. Eu égard à ce caractère, l'appelante ne peut utilement se prévaloir, pour soutenir que la convention d'occupation du 1er septembre 2007 n'aurait pas été exécutée de bonne foi, des dispositions, dans leur rédaction en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, de l'article 1134 du code civil, selon lesquelles " Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. / (...) / Elles doivent être exécutées de bonne foi ".
23. Au demeurant, la circonstance que la convention d'occupation n'aurait pas été exécutée de bonne foi par son cocontractant gestionnaire du domaine public ne dispensait pas la société Jetstream Aero, en l'absence de stipulations en ce sens insérées dans la convention, de continuer à verser les redevances dues au titre de celle-ci.
24. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de loyauté doit ainsi être écarté.
S'agissant de la résiliation de la convention d'occupation du 1er septembre 2007 :
25. La convention d'occupation conclue le 1er septembre 2007 stipule, au titre de sa durée, que " S'agissant d'une occupation du domaine public, cette convention a un caractère précaire et révocable. Toutefois, sauf cas de manquements graves aux clauses et conditions de la présente convention par le titulaire, l'exploitant ne pourra la dénoncer que pour un motif d'utilité publique reconnue ". Cette convention comprend également une stipulation intitulée " clause résolutoire ", selon laquelle " A défaut de paiement à son échéance exacte d'une redevance, comme à défaut de l'exécution de l'une ou l'autre des clauses et conditions de la présente convention, et un mois après un commandement de payer rappelant la clause résolutoire ou une sommation d'exécuter sans effet, la présente convention sera résiliée de plein droit ".
26. Il résulte de l'instruction que la société Jetstream Aero s'est vue adresser des commandements de payer le 23 décembre 2011, le 5 avril 2012, et le 26 juillet 2012, lesquels rappellent la clause résolutoire. Il n'est pas établi que celui délivré le 26 juillet 2012 aurait été suivi d'un paiement par la société des redevances dues dans le délai requis. Les dispositions de l'article R. 221-5 du code des procédures civiles d'exécution, selon lesquelles " Si, dans un délai de deux ans qui suit le commandement de payer, aucun acte d'exécution n'est intervenu, les poursuites ne peuvent être engagées que sur un nouveau commandement. Toutefois, l'effet interruptif de prescription du commandement demeure " ne font pas obstacle à ce que le propriétaire ou le gestionnaire du domaine public demande au juge administratif l'expulsion de l'occupant irrégulier de ce domaine.
27. Le moyen tiré de la péremption des commandements de payer doit ainsi être écarté.
28. La convention d'occupation du 1er septembre 2007 doit ainsi être regardée comme résiliée de plein droit depuis le 26 août 2012. Dès lors, la société Jetstream Aéro ne justifiait plus d'un droit à occuper la parcelle susmentionnée à compter de cette date. Elle se trouvait, par suite, dans la situation d'un occupant sans titre d'un bien du domaine public.
S'agissant du détournement de pouvoir :
29. Le moyen tiré du détournement de pouvoir n'est pas utilement invocable dans un litige relatif à l'expulsion du domaine public. En tout état de cause, le détournement allégué n'est pas établi.
En ce qui concerne le bien-fondé des demandes indemnitaires présentées par la SEAR :
30. L'appelante ne conteste pas s'être abstenue d'acquitter le montant des redevances dues au titre des mois de novembre et décembre 2012 (2 555,66 euros), des mois d'avril à décembre 2013 (10 425, 28 euros), des mois de janvier à décembre 2014 (15 923,52 euros), et des mois de janvier à mars 2015 (3 980,88 euros). La SEAR était ainsi fondée à solliciter la condamnation de la société Jetstream Aero à lui verser le montant de ces redevances.
31. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la société Edeis Concessions, que Me D...C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de cette société Jetstream Aero, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a accueilli les demandes de la SEAR, aux droits de laquelle vient désormais la société Edeis Concessions.
Sur les conclusions d'appel incident présentées par la société Edeis Concessions :
32. L'appelante, qui ainsi qu'il a déjà été dit au point 30, ne conteste pas s'être abstenue d'acquitter le montant de certaines redevances dues entre novembre 2012 et mars 2015, ne conteste pas non plus s'être abstenue d'acquitter le montant des redevances dues au titre des mois d'avril à décembre 2015 (11 942,64 euros), de janvier à décembre 2016 (15 923,52 euros), et des mois de janvier (1 326,96 euros) et février 2017 (1 355,84 euros). En outre, les frais de constat d'huissier supportés par la Société d'exploitation de l'aéroport de Rouen pour obtenir le règlement des redevances dues, constituent pour ce motif une créance dont la société Edeis Concessions est fondée à se prévaloir à l'encontre de la société Jetstream Aero.
33. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la société Edeis Concessions, venant aux droits de la SEAR est fondée à demander, par la voie de l'appel incident, que la somme de 35 691,35 euros, à laquelle la société Jetstream Aero a été condamnée à verser à la SEAR par le jugement attaqué, soit portée à 64 737,46 euros, somme qui doit être augmentée des intérêts à compter du jour où chacune des redevances était due, à savoir au 1er jour de chaque mois en cause, sous déduction de la provision de 23 112 euros mise à sa charge par la cour administrative d'appel de Douai par l'ordonnance précitée du 9 octobre 2014.
Sur l'amende pour recours abusif :
34. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".
35. En l'espèce, la requête d'appel de Me D...C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de cette société Jetstream Aero, présente un caractère abusif. Il y a lieu de la condamner à une amende d'un montant de 1 500 euros.
Sur les frais du litige :
36. Les conclusions de Me D...C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Jetstream Aero, partie perdante dans la présente instance, présentées au titre des frais du procès doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
37. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de Me D...C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Jetstream Aero, une somme de 1 500 euros à verser à la société Edeis Concessions, venant aux droits de la SEAR, au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Me D...C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Jetstream Aero, est rejetée.
Article 2 : Me D...C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Jetstream Aero, est condamnée à verser à la société Edeis Concessions, venant aux droits de la SEAR, une somme de 64 737,46 euros, augmentée des intérêts à compter du jour où chacune des redevances était due, à savoir au 1er jour de chaque mois en cause, et sous déduction de la provision de 23 112 euros mise à sa charge par la cour administrative d'appel de Douai par ordonnance du 9 octobre 2014.
Article 3 : Le jugement du 25 juin 2015 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Me D...C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Jetstream Aero, est condamnée à payer une amende de 1 500 euros sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.
Article 5 : Me D...C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Jetstream Aero, versera à la société Edeis Concessions, venant aux droits de la SEAR, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Me D...C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Jetstream Aero, à la société Edeis Concessions, venant aux droits de la SEAR, au syndicat mixte de gestion de l'aéroport Rouen Vallée de la Seine et au directeur départemental des finances publiques du Nord.
N°15DA01502 9