LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 10 septembre 2015), rendu en matière de contredit, que la société Air Liquide Argentina a confié à un commissionnaire de transport, la société Yusen Logistics Argentina, l'organisation du transport de résidus d'hélium à destination de la France ; que la phase maritime du déplacement, entre les ports de Buenos Aires (Argentine) et du Havre, a été exécutée par la société Hamburg Sudamerikanische Dampschiffahrts Gesellschaft Kg (la société Hamburg Sud) suivant connaissement émis le 30 août 2012 pour embarquement à bord du navire Santa Catarina mentionnant la société Perform Air International en qualité de destinataire et la société Air Liquide France en qualité de "notify" ; que des avaries ayant été constatées à la livraison, la société Hélium services, se présentant comme le destinataire réel de la cargaison, a saisi le tribunal de commerce du Havre d'une demande de réparation de son préjudice dirigée notamment contre la société Hamburg Sud, laquelle a décliné la compétence de la juridiction saisie en opposant une clause de son connaissement attribuant compétence aux juridictions de Hambourg ;
Attendu que la société Hamburg Sud fait grief à l'arrêt d'écarter cette clause alors, selon le moyen :
1°/ qu'une clause attributive de juridiction convenue entre un transporteur et un chargeur insérée dans un connaissement, produit ses effets à l'égard du tiers porteur du connaissement pour autant que, en l'acquérant, il ait succédé aux droits et obligations du chargeur en vertu du droit national applicable; que dans le cas contraire, il convient de vérifier son consentement à la clause, au regard des exigences de l'article 23 du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; qu'en considérant que la clause attributive de juridiction était inopposable à la société Hélium Services "en sa qualité de tiers destinataire réel de la marchandise", ne figurant pas au connaissement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si selon le droit allemand applicable au contrat de transport, elle n'avait pas succédé aux droits et obligations du chargeur découlant du connaissement, et, à défaut, si son consentement à la clause attributive de juridiction n'était pas acquis au regard des exigences de l'article 23 du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000, la cour d'appel a violé l'article 23 du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000 ;
2°/ que l'article 5 du règlement Rome I du 17 juin 2008 concerne la loi applicable aux contrats de transport ; qu'en faisant application de ce texte pour considérer comme compétent le tribunal du Havre en tant que tribunal du lieu de livraison de la marchandise, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;
3°/ que devant la cour d'appel, la société Hamburg Sud faisait valoir que la société Hélium « ne prouve en rien sa prétendue qualité de destinataire réel, ni par ailleurs de destinataire qui ne peuvent donc qu'être contestées » ; qu'en énonçant, par motifs adoptés, que la qualité de destinataire réel de la société Hélium n'était pas contestée par la société Hamburg Sud, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Hamburg Sud, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4°/ qu'une clause attributive de juridiction convenue entre un transporteur et un chargeur insérée dans un connaissement, produit ses effets à l'égard du destinataire réel, dès lors qu'en vertu du droit national applicable, il a succédé aux droits et obligations du chargeur ; que dans le cas contraire, il convient de vérifier son consentement à la clause, au regard des exigences de l'article 23 du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; qu'en l'espèce, en retenant, par motifs adoptés, pour considérer que la clause attributive de juridiction n'était pas opposable à la société Hélium Services, qu'il n'aurait pas été prouvé qu'elle aurait personnellement acquis le connaissement, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, en violation de l'article 23 du Règlement 44/2001 du 22 décembre 2000 ;
5°/ qu'il appartient à celui qui prétend avoir légitimement reçu la marchandise de prouver qu'il n'aurait pas acquis le connaissement la représentant ; qu'en l'espèce, en retenant, par motifs adoptés, pour considérer que la clause attributive de compétence figurant au connaissement n'était pas opposable à la société Hélium, qu'il n'était pas prouvé que la société Hélium Services aurait acquis le connaissement, cependant qu'il appartenait à la société Hélium, laquelle prétendait avoir légitimement reçu la marchandise de prouver qu'elle n'aurait jamais détenu le connaissement, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil ;
6°/ qu'en énonçant, par motifs adoptés, qu'il n'était pas prouvé que la société Hélium Services aurait eu la qualité de porteur du connaissement, sans procéder à un examen du connaissement dans son intégralité, et sans vérifier ainsi à tout le moins qu'il n'aurait pas été endossé au profit de la société Hélium Services, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 23 du règlement 44/2001 du 22 décembre 2000 ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté, par motifs propres, que le connaissement avait été émis à personne dénommée et que la société Hélium services n'y figurait en aucune qualité, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche invoquée par la sixième branche qui ne lui était pas demandée, a retenu, par motifs adoptés, qu'elle ne pouvait être considérée comme tiers porteur du connaissement ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que la société Hélium services n'avait pas acquis le connaissement et ne pouvait être considérée comme un tiers porteur, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche invoquée par la première branche, et qui ne s'est pas fondée sur les dispositions visées par la deuxième branche, en a exactement déduit, par des motifs exempts de dénaturation, que la clause attributive de juridiction insérée au connaissement ne lui était pas opposable en qualité de destinataire réel de la marchandise ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Hamburg Sudamerikanische Dampschiffahrts Gesellschaft Kg aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Hélium services ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la société Hamburg Sudamerikanische Dampschiffahrts Gesellschaft Kg.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du 24 octobre 2014 du tribunal de commerce du Havre en ce qu'il a déclaré mal fondée la société Hamburg Sud en son exception d'incompétence et s'est déclaré compétent pour connaître du litige ;
AUX MOTIFS QUE « au soutien de son contredit la société Hamburg Sud expose en substance qu'en application de la clause attributive de compétence numéro 20 du connaissement, les juridictions françaises sont incompétentes au profit de la juridiction allemande ; que cette clause est applicable au titre de l'article 23 I c du règlement CE n°44/2001 qui prévoit que la convention attributive est conclue dans le commerce international sous une forme qui est conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance, et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée ; que ce texte est confirmé par l'interprétation de la Cour de justice des Communautés Européennes elle-même suivie par la Cour de cassation dans ses arrêts des 12 mars et 19 mars 2013, et qu'il est un usage largement connu et régulièrement observé qu'en transport maritime, une branche spécifique du commerce international, les transporteurs incluent dans les connaissements une clause attributive de compétence au profit des tribunaux dans le ressort duquel se trouve leur siège social ; que la clause attributive de compétence est opposable au destinataire réel, tiers porteur du connaissement Hélium Services ; que cette clause convenue entre un transporteur maritime et un chargeur produit ses effets à l'égard du destinataire tiers porteur du connaissement autant qu'il a succédé aux droits et obligations du chargeur en vertu du droit national applicable ; qu'en application de la clause 20 du connaissement le droit national applicable est le seul droit allemand ; qu'en vertu de l'article 656 alinéa 1 du code de commerce allemand dans son ancienne version applicable en l'espèce, le connaissement fait autorité en ce qui concerne le rapport de droit entre le transporteur et le destinataire des biens ; que la clause attributive de compétence est donc reconnue comme valable à l'encontre du destinataire et tiers porteur qui jouit en effet des droits originaires découlant directement du connaissement ; que par conséquent, la clause attributive de compétence est opposable à la société Hélium ; que la société Hélium ne prouve d'ailleurs pas sa qualité prétendue de destinataire réel; que subsidiairement cette même clause est opposable au destinataire compte tenu de son consentement à celle-ci au regard des dispositions de l'article 23 alinéa 1c) du règlement CE 44/2001; qu'il suffit pour le consentement des parties que la clause attributive de compétence en matière de commerce international soit conclue en une forme admise par les usages commerciaux dans la branche concernée; que la société Hélium Services réplique que la clause attributive de compétence dont se prévaut la société Hamburg Sud ne lui est manifestement pas opposable; qu'il résulte d'un arrêt de la Cour de cassation en date du 9 juillet 2013 que la clause attributive de compétence dont le transporteur maritime missionné par un commissionnaire se prévaut à l'égard du commettant n'a aucune force obligatoire, dès lors que le commettant n'a pu consentir avec le transporteur au sens de l'article 23 du règlement 44/2001; que cette clause n'est donc pas opposable à une société qui n'a pas contracté avec le transporteur maritime; qu'en l'espèce elle n'était pas partie au contrat et ne figure pas en qualité de destinataire sur le connaissement de sorte qu'elle n'est pas tiers porteur; que ce connaissement a été émis à personne dénommée en l'occurrence la société Perform Air international; que l'article 23-1 du règlement CEE 44/2001 qui autorise la stipulation d'une convention attributive de juridiction vise expressément les parties au contrat de transport; qu'en réalité la loi applicable est la loi française conformément à l'article 5 du règlement communautaire 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles dit Rome I; qu'en droit français le destinataire n'est pas considéré comme succédant aux droits et actions du chargeur; que la clause attributive de juridiction ne lui est donc pas opposable, son consentement ne se présumant pas; que la solution demeure identique sous l'empire de la loi allemande puisque le destinataire qui ne figure pas au connaissement n'est pas partie au contrat de transport et ne peut pas succéder au chargeur; que par conséquent l'exception de compétence doit être rejetée; qu'il résulte des dispositions de l'article 1165 du code civil que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes; elles ne nuisent point au tiers et elles ne lui profitent que dans les cas prévus par l'article 1121; qu'il est constant que la clause 20 du connaissement maritime liant les parties au contrat de transport prévoit une attribution de compétence à la juridiction allemande; que par ailleurs la société Hélium Services n'est pas mentionnée audit connaissement qui fait figurer comme destinataire la société Perform Air International; qu'il en résulte qu'elle est tiers au contrat de transport et que la clause attributive de compétence lui est donc inopposable en sa qualité de tiers destinataire réel de la marchandise; que dès lors seul l'article 5 du règlement européen du 17 juin 2008 Rome I relatif aux règles de compétence territoriale a vocation à s'appliquer, lequel stipule la compétence du lieu de livraison au cas où le lieu de livraison diffère du lieu de chargement; que le lieu de livraison se situant au Havre seul le tribunal de commerce du Havre est compétent pour connaître du présent litige de sorte qu'il convient de confirmer le jugement entrepris » (arrêt p. 4-6) ;
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés des premiers juges QUE « les parties au contrat de transport sont : le transporteur maritime : Hamburg Sud ; le chargeur : Air Liquide Argentina ; Le destinataire : Perform Air International (commissionnaire de transport à l'arrivée) ; le notify : Air Liquide France ; que la société Helium Services qui a assigné le transporteur maritime en responsabilité dans le litige dit être le destinataire réel du conteneur endommagé : ce qui n'est pas contesté par la société Hamburg Sud ; qu'elle apparaît donc être un tiers au contrat de transport disposant d'un droit d'action à l'encontre de la société Hamburg Sud, en sa qualité de destinataire réel mais pas au titre du connaissement ; qu'il n'est pas prouvé qu'elle ait acquis le connaissement et de ce fait ne peut pas être soumise aux dispositions de l'article 23 alinéa 1 c du règlement CE n°44/2001, qui s'applique au tiers porteur du connaissement ; que la clause attributive de juridiction insérée dans le connaissement n'est pas opposable à la société Hélium Services ; que, dans ces conditions, le droit français est applicable et le tribunal jugera que la société Helium Services est fondée à assigner le transporteur maritime Hamburg Sud au lieu de livraison effective de la chose, c'est-à-dire au Havre ; que le tribunal compétent pour connaître de ce litige est le tribunal de commerce du Havre » (jugement p. 5-6) ;
1°) ALORS QU'une clause attributive de juridiction convenue entre un transporteur et un chargeur insérée dans un connaissement, produit ses effets à l'égard du tiers porteur du connaissement pour autant que, en l'acquérant, il ait succédé aux droits et obligations du chargeur en vertu du droit national applicable; que dans le cas contraire, il convient de vérifier son consentement à la clause, au regard des exigences de l'article 23 du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; qu'en considérant que la clause attributive de juridiction était inopposable à la société Hélium Services « en sa qualité de tiers destinataire réel de la marchandise », ne figurant pas au connaissement, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions de l'exposante, pp. 19 à 24), si selon le droit allemand applicable au contrat de transport, elle n'avait pas succédé aux droits et obligations du chargeur découlant du connaissement, et, à défaut, si son consentement à la clause attributive de juridiction n'était pas acquis au regard des exigences de l'article 23 du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000, la cour d'appel a violé l'article 23 du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000 ;
2°) ALORS QUE l'article 5 du règlement Rome I du 17 juin 2008 concerne la loi applicable aux contrats de transport ; qu'en faisant application de ce texte pour considérer comme compétent le tribunal du Havre en tant que tribunal du lieu de livraison de la marchandise, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;
3°) ALORS, à supposer adoptés les motifs des premiers juges, QUE devant la cour d'appel, la société Hamburg Sud faisait valoir que la société Hélium « ne prouve en rien sa prétendue qualité de destinataire réel, ni par ailleurs de destinataire qui ne peuvent donc qu'être contestées » (p. 25 et p. 29) ; qu'en énonçant que la qualité de destinataire réel de la société Hélium n'était pas contestée par la société Hamburg Sud, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4°) ALORS, à supposer adoptés les motifs des premiers juges, QU'une clause attributive de juridiction convenue entre un transporteur et un chargeur insérée dans un connaissement, produit ses effets à l'égard du destinataire réel, dès lors qu'en vertu du droit national applicable, il a succédé aux droits et obligations du chargeur ; que dans le cas contraire, il convient de vérifier son consentement à la clause, au regard des exigences de l'article 23 du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; qu'en l'espèce, en retenant, pour considérer que la clause attributive de juridiction n'était pas opposable à la société Hélium Services, qu'il n'aurait pas été prouvé qu'elle aurait personnellement acquis le connaissement, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, en violation de l'article 23 du Règlement 44/2001 du 22 décembre 2000 ;
5°) ALORS, à supposer adoptés les motifs des premiers juges et subsidiairement, QU'il appartient à celui qui prétend avoir légitimement reçu la marchandise de prouver qu'il n'aurait pas acquis le connaissement la représentant ; qu'en l'espèce, en retenant, pour considérer que la clause attributive de compétence figurant au connaissement n'était pas opposable à la société Hélium, qu'il n'était pas prouvé que la société Hélium Services aurait acquis le connaissement, cependant qu'il appartenait à la société Hélium, laquelle prétendait avoir légitimement reçu la marchandise de prouver qu'elle n'aurait jamais détenu le connaissement, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil ;
6°) ALORS, également subsidiairement et à supposer adoptés les motifs des premiers juges, QU'en énonçant qu'il n'était pas prouvé que la société Hélium Services aurait eu la qualité de porteur du connaissement, sans procéder à un examen du connaissement dans son intégralité, et sans vérifier ainsi à tout le moins qu'il n'aurait pas été endossé au profit de la société Hélium Services, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 23 du règlement 44/2001 du 22 décembre 2000.