LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 30 juin 2015), rendu sur contredit, que par un acte notarié du 10 octobre 2011, la société Languedocienne de panification (la société LP) a vendu un ensemble immobilier à la société Sogefimur que cette dernière, par un acte notarié du même jour, lui a donné en crédit-bail ; que la société LP a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 6 février et 23 avril 2012 ; qu'un jugement du 29 mars 2013 ayant reporté la date de cessation des paiements au 30 septembre 2011, le liquidateur a assigné la société Sogefimur devant le tribunal de la procédure collective aux fins de voir prononcer, sur le fondement des articles 1591 du code civil et L. 632-1, I, 2°, du code de commerce, la nullité de la vente immobilière consentie le 10 octobre 2011 ; que la société Sogefimur a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie au profit du tribunal de grande instance en application de l'article R. 211-4, 5°, du code de l'organisation judiciaire ;
Attendu que la société Sogéfimur fait grief à l'arrêt de rejeter cette exception d'incompétence alors, selon le moyen, que le tribunal de grande instance, qui est exclusivement compétent en matière immobilière pétitoire, peut seul connaître de l'action en nullité d'une vente immobilière, y compris lorsque le vendeur fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et que l'action est exercée par le mandataire-liquidateur sur le fondement des nullités de la période suspecte ; qu'en jugeant que la prorogation légale de compétence du tribunal de la procédure collective, pour les contestations nées de la procédure ou soumises à son influence juridique, devait prévaloir sur cette compétence exclusive du tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé les articles R. 211-4, 5°, du code de l'organisation judiciaire et R. 662-3 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt énonce exactement que l'action en nullité du contrat de vente immobilière du 10 octobre 2011, fondée sur l'article L. 632-1, I, 2°, du code de commerce selon lequel est nul tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie, est née de la procédure collective et soumise à son influence juridique et qu'elle relève, par conséquent, de la compétence spéciale et d'ordre public du tribunal de la procédure collective édictée à l'article R. 662-3 du code de commerce, qui déroge aux règles de compétence de droit commun ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sogéfimur aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Sogefimur.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, débouté la société Sogefimur de son exception d'incompétence matérielle du tribunal de commerce ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il est de principe que le tribunal saisi d'une procédure collective est compétent pour connaître des contestations nées de cette procédure ou sur lesquelles celle-ci exerce une influence juridique ; que l'article R. 662-3 du code de commerce édicte une règle de compétence spéciale d'ordre public, qui vise à regrouper devant le tribunal saisi de la procédure collective, à l'exception des actions en responsabilité civile contre les mandataires, l'ensemble des contentieux soumis à l'influence juridique de la procédure collective ; que tel est bien le cas en l'espèce de l'action en nullité de l'acte notarié du 10 octobre 2001 portant sur la vente par la société Languedocienne de panification à la société Sogefimur, dans le cadre d'une opération de crédit-bail, d'un ensemble immobilier de bâtiments industriels et de stockage avec bureaux et terrain attenant, dès lors que ladite vente par la société Languedocienne de panification, aujourd'hui en liquidation judiciaire, est intervenue depuis la date de cessation des paiements et que la nullité invoquée tient à la passation de l'acte en période suspecte, qui tomberait sous le coup de l'article L. 632-1 I (3°), selon lequel est nul tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ; qu'il est, en effet, soutenu qu'en vertu de ce texte, spécifique au droit des procédures collectives, combiné avec l'article 1591 du code civil, les obligations respectives des parties se trouvent déséquilibrées au détriment du débiteur, en raison du caractère dérisoire du prix, de deux fois inférieur à la valeur réelle de l'ensemble immobilier ; que l'action de M. Y... ès qualités trouve sa source dans le droit des procédures collectives et relève de la compétence spéciale du tribunal de commerce en vertu de l'article R. 662-3 du code de commerce, qui déroge donc, dans ce cas particulier, à la compétence exclusive du tribunal de grande instance en matière d'actions immobilières pétitoires, règle de droit commun ; que le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé du chef de la compétence ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE l'article R. 662-3 du code de commerce édicte une compétence exclusive alors que l'action en nullité initiée résulte bien, cela n'est pas contestable, d'un texte dérogatoire du droit commun ; qu'il s'ensuit que le tribunal de commerce, qui a ouvert la procédure collective à l'égard de la société Languedocienne de panification, est bien compétent pour connaître de la demande ;
ALORS QUE le tribunal de grande instance, qui est exclusivement compétent en matière immobilière pétitoire, peut seul connaître de l'action en nullité d'une vente immobilière, y compris lorsque le vendeur fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et que l'action est exercée par le mandataire-liquidateur sur le fondement des nullités de la période suspecte ; qu'en jugeant que la prorogation légale de compétence du tribunal de la procédure collective, pour les contestations nées de la procédure ou soumises à son influence juridique, devait prévaloir sur cette compétence exclusive du tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé les articles R. 211-4 5° du code de l'organisation judiciaire et R. 662-3 du code de commerce.