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15/06/2017 | FRANCE | N°14VE03659

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 15 juin 2017, 14VE03659


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIETE ESTIENNE D'ORVES a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer, à titre principal, la décharge des retenues à la source et pénalités correspondantes prélevées au titre des années 2006 et 2007, soit la somme de 26 503 263 euros et, à titre subsidiaire, la réduction des retenues et pénalités litigieuses, résultant de l'application du taux de retenue à la source de 5%.

Par un jugement n° 1201949 du 4 novembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à l

a SOCIETE ESTIENNE D'ORVES la réduction des retenues à la source et des pénalités corr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIETE ESTIENNE D'ORVES a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer, à titre principal, la décharge des retenues à la source et pénalités correspondantes prélevées au titre des années 2006 et 2007, soit la somme de 26 503 263 euros et, à titre subsidiaire, la réduction des retenues et pénalités litigieuses, résultant de l'application du taux de retenue à la source de 5%.

Par un jugement n° 1201949 du 4 novembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES la réduction des retenues à la source et des pénalités correspondantes résultant de l'application du taux de retenue à la source de 5% et a rejeté le surplus des conclusions de la société.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 décembre 2014, le 24 juillet 2015 et le 8 février 2016, la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES, représentée par Me A...et MeD..., avocats, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° à titre principal, de prononcer la décharge des impositions litigieuses, à hauteur, pour l'année 2006, de 21 331 251 euros en droits et 5 119 500 euros en majorations et, pour l'année 2007, de 44 054 euros en droits et 8 458 euros en majorations ;

3° à titre subsidiaire, de réduire le montant du rappel de retenue à la source pour l'année 2006 à 6 031 329 euros ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur réponse au moyen tiré, à titre subsidiaire, de ce qu'elle ne pouvait être imposée qu'à hauteur du résultat réalisé par son établissement stable en France ;

- en l'absence d'établissement stable en France, le produit de la cession de l'immeuble situé à Colombes n'y est pas imposable, conformément à l'article 4 de la convention franco-luxembourgeoise ; les articles 7, 18 et 19 de cette convention font obstacle au prélèvement d'une retenue à la source en France sur la distribution du résultat de cette activité ;

- le résultat de cette cession n'est pas imposable en France, en vertu du I. de l'article 209 du code général des impôts ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que le service ne lui a pas communiqué les pièces saisies dans le cadre des procédures de visite domiciliaire sur lesquelles les impositions sont fondées, en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles L. 16 B et L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- l'avis de mise en recouvrement a été signé par un comptable public incompétent territorialement en méconnaissance de l'article R. 256-8 du livre des procédures fiscales ;

- elle peut se prévaloir du 3 de l'article 115 quinquies du code général des impôts qui prévoit des exceptions à la présomption de distribution à des actionnaires étrangers des résultats réalisés par des sociétés étrangères en France ; la doctrine opposable à l'administration est en ce sens ;

- conformément aux 2. et 3. de l'article 4 de la convention franco-luxembourgeoise, seul le résultat réalisé par l'établissement stable de la société situé en France est imposable à l'impôt sur les sociétés ;

- à titre subsidiaire, elle est fondée, en vertu de l'article 115 quinquies du code général des impôts, à demander la déduction de la retenue à la source assise sur les distributions versées en 2006 de l'impôt sur les sociétés acquitté en France ;

- la pénalité infligée sur le fondement de l'article 1728 du code général des impôts doit être déchargée par voie de conséquence de la décharge des impositions litigieuses.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre la France et le Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions, signée le 1er avril 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n°2010-1651 du 28 décembre 2010 relatif à la direction des résidents à l'étranger et des services généraux ;

- l'arrêté du 28 décembre 2010 relatif aux attributions de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chayvialle, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Belle, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES.

Une note en délibéré présentée pour la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES a été enregistrée le 2 juin 2017.

1. Considérant que la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES, de droit luxembourgeois, a été créée le 11 février 2005 avec pour objet la prise de participations financières et toutes formes de placement et a été immatriculée au registre du commerce du Luxembourg, lieu de son siège social ; qu'elle a acquis le 13 avril 2005 un ensemble immobilier à usage de bureaux situé à Colombes (Hauts-de-Seine) ; qu'après avoir démoli les bâtiments existants et commencé à édifier un nouvel ensemble immobilier à usage de bureaux, elle a revendu cet ensemble, encore inachevé, le 14 décembre 2006, avant d'engager le 15 décembre 2006 une procédure de liquidation, clôturée le 20 mars 2008 ; qu'à l'issue d'une procédure de visite et de saisie, diligentée dans des locaux situés à Paris sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a estimé que la société y disposait d'un établissement stable ; que, dans le cadre de la vérification de comptabilité dont cette société a fait l'objet, l'administration a regardé l'activité de son établissement stable en France comme occulte ; que le service a assujetti la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES à l'impôt sur les sociétés à raison des résultats de cette activité au titre des exercices clos en 2006 et 2007 ; qu'en outre, il a assujetti la société à des rappels de retenue à la source sur le fondement de l'article 119 bis du code général des impôts à raison, pour l'année 2006, des profits distribués à des sociétés établies aux

Etats-Unis et aux Îles Vierges britanniques et, pour l'année 2007, des résultats de cette activité réputés distribués à des associés non résidents, en vertu de l'article 115 quinquies du code général des impôts ; que, par jugement du 4 novembre 2014, dont la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé une réduction correspondant à la liquidation de l'ensemble des retenues à la source en litige au taux de 5% stipulé par l'article 7 de la convention franco-luxembourgeoise ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, devant les premiers juges, la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES soutenait qu'à supposer qu'elle dispose d'un établissement stable en France, elle ne pouvait être imposée qu'à hauteur des résultats réalisés par cet établissement stable lui-même ; que le Tribunal administratif a répondu à ce moyen en indiquant que la société requérante exerçait la totalité de ses activités dans le cadre de son établissement stable situé en France ; que, ce faisant, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de la société requérante, ont suffisamment motivé leur jugement et n'ont pas omis de répondre à un moyen dont ils étaient saisis ;

Sur les retenues à la source et pénalités restant en litige :

En ce qui concerne le principe de l'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts, dans la rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45 (...) et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de la convention signée entre la France et le Luxembourg :"(...) 4) Un représentant (...) agissant dans un des territoires pour le compte d'une entreprise de l'autre territoire, autre qu'une personne visée à l'alinéa 6 ci-après, n'est considéré comme " établissement stable " dans le premier territoire que s'il (...) Dispose de pouvoirs généraux qu'il exerce habituellement lui permettant de négocier et de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que son activité soit limitée à l'achat de matériel et de marchandises (...) 6. On ne considérera pas qu'une entreprise de l'un des territoires a un établissement stable dans l'autre territoire du seul fait qu'elle effectue des opérations commerciales dans cet autre territoire par l'entremise d'un courtier, d'un commissionnaire général ou de tout autre intermédiaire jouissant d'un statut vraiment indépendant (...)" ; qu'aux termes du 1. de l'article 4 de cette convention : " Les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable. (...) " ; qu'en vertu des stipulations des articles 2 et 4 de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg, les revenus des entreprises commerciales ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable, un représentant ou un employé agissant dans un des territoires pour le compte d'une entreprise de l'autre territoire n'étant considéré comme tel que s'il dispose de pouvoirs généraux qu'il exerce habituellement lui permettant de négocier et de conclure des contrats au nom de l'entreprise ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES a été créée au Luxembourg, à l'initiative notamment de M. C...E..., fondateur du groupe HRO, pour mener une activité de promotion immobilière qui a consisté en l'acquisition, la démolition, la reconstruction partielle et la revente d'un ensemble immobilier situé rue Estienne d'Orves à Colombes ; que, pour réaliser cette opération immobilière, la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES a conclu avec la société HRO France, dont M. E...était l'actionnaire indirect, un contrat d'assistance à la maîtrise d'ouvrage ; que l'opération immobilière en cause a été entièrement réalisée par les dirigeants et salariés de la société HRO France, alors que les salariés de la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES, travaillant à Luxembourg, n'y étaient que formellement associés ; qu'en particulier, la signature par M.B..., alors gérant de la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES, des actes engageant cette dernière mais conçus et négociés par la société HRO France était exclusivement formelle ; que, dans ces conditions, sans que puissent utilement être opposés les termes du contrat d'assistance à maîtrise d'ouvrage conclu avec la société

HRO France, cette dernière société doit être regardée comme ayant eu la capacité de conclure des contrats au nom de la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES ; qu'en outre, la société

HRO France ne peut être regardée au sens et pour l'application du 6. de l'article 2 de la convention franco-luxembourgeoise précitée, ni comme ayant agi comme un courtier ou un commissionnaire, eu égard à sa faculté d'engager la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES, ni comme un intermédiaire jouissant d'un statut vraiment indépendant, eu égard au caractère insuffisant de la rémunération de 8,8 millions d'euros reçue au titre des ses prestations, lesquelles correspondent à la réalisation d'une opération de promotion immobilière ayant abouti à la cession d'un immeuble pour le prix toutes taxes comprises de 384 139 543 euros ; qu'ainsi, la société requérante disposait par l'intermédiaire de la société HRO France, occupant des locaux situés à Paris, d'un représentant agissant pour son compte et devant être regardé comme un établissement stable en application du 4) de l'article 2 de la convention franco-luxembourgeoise ; que, par suite, la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES, qui disposait d'un établissement stable en France au sens des stipulations précitées de l'article 4 de la convention franco-luxembourgeoise, ne saurait contester son assujettissement à l'impôt sur les sociétés en France au titre des résultats de cet établissement stable ni au regard de ces stipulations de la convention

franco-luxembourgeoise, ni au regard des dispositions précitées du I. de l'article 209 du code général des impôts ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la convention susvisée : " 1. Une société qui a son domicile fiscal au Luxembourg et qui a en France un établissement stable au sens de l'article 2, paragraphe 3 est soumise en France à la retenue à la source dans les conditions prévues par la législation interne française, étant toutefois entendu que le taux applicable est de 5 %. " ; qu'aux termes de l'article 18 de cette convention : " Les revenus non mentionnés aux articles précédents ne sont imposables que dans l'Etat du domicile fiscal du bénéficiaire. " ; qu'aux termes de l'article 19 de ladite convention : " 1. Les revenus qui, d'après les dispositions de la présente convention, ne sont imposables que dans l'un des deux Etats, ne peuvent pas être imposés dans l'autre Etat, même par voie de retenue à la source. " ; que dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la société requérante disposait d'un établissement stable en France, les stipulations de l'article 7 de la convention franco-luxembourgeoise ne font pas obstacle à l'application d'une retenue à la source de 5% sur les revenus distribués au titre des résultats réalisés en France ; que ces revenus étant imposables en France sur le fondement de l'article 7 de cette convention, la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES ne saurait utilement invoquer les stipulations des articles 18 et 19 de cette convention ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

6. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en oeuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47. "; qu'aux termes de l'article L. 76 B du même livre :" L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 (...). Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ;

7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que les pièces saisies dans les locaux de la société HRO France, au siège social d'autres sociétés ou au domicile de particuliers dans le cadre de visites domiciliaires prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ont été restituées aux intéressés avant l'engagement de la vérification de comptabilité de la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES ; que, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que cette dernière aurait demandé avant la mise en recouvrement, comme l'y autorisaient les dispositions précitées de l'article L. 76 B, communication des renseignements et documents obtenus des tiers dans le cadre de ces visites et ayant servi à établir les retenues à la source contestées ; que, dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la société requérante, la circonstance que les pièces saisies dans le cadre des procédures de visites prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et utilisées pour établir les impositions litigieuses ne lui ont pas été communiquées n'est contraire ni aux dispositions précitées des articles L. 16 B et L. 76 B du livre des procédures fiscales ni au principe du caractère contradictoire de la procédure et du respect des droits de la défense, garantis notamment par le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'avis de mise en recouvrement du 15 juin 2011 :

8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 256-8 du livre des procédures fiscales : " (...) Le comptable public compétent pour établir l'avis de mise en recouvrement est (...) celui du lieu de déclaration ou d'imposition du redevable (....)" ; que la direction des résidents à l'étranger et des services généraux, créée par décret n°2010-1651 du 28 décembre 2010 est, en vertu de l'article 1 de ce décret un service à compétence nationale ; qu'aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 28 décembre relatif aux attributions de cette direction : " La direction des résidents à l'étranger et des services généraux assure, sans préjudice des compétences dévolues à d'autres services de la direction générale des finances publiques:/.../2° Le contrôle des déclarations souscrites et des retenues et perceptions à la source dues par les établissements payeurs et débiteurs divers à raison des rémunérations, revenus et gains de toute nature versés à des personnes physiques ou morales, groupements ou entités domiciliés ou établis en France ou hors de France, et le recouvrement des sommes de toute nature afférentes ; (...)" ; qu'aux termes de l'article 5 de l'arrêté précité :" La recette des non-résidents et le service des impôts des entreprises étrangères sont des services comptables de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux " ;

S'agissant de l'année 2006 :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 381 A de l'annexe III au code général des impôts : " I.-La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts prélevée par un établissement payeur dans les conditions du 2 de l'article 1672 du même code fait l'objet, dans les quinze premiers jours du mois suivant celui au titre duquel elle est due, d'un versement au service des impôts désigné par le ministre chargé du budget./ II. Chaque versement est accompagné du dépôt d'une déclaration établie sur une formule délivrée par l'administration. (...) " ; qu'aux termes de l'article 188-0 H de l'annexe IV à ce même code : " La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts est versée à la recette des impôts de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux. " ;

10. Considérant qu'en application des dispositions précitées, la retenue à la source litigieuse établie au titre de l'année 2006 sur le fondement de l'article 119 bis du code général des impôts à raison des profits distribués à des sociétés établies aux Etats-Unis et aux Îles Vierges britanniques devait être déclarée et acquittée auprès de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux ; que, par suite, le comptable public de la recette des

non-résidents, service comptable de cette direction, était compétent territorialement pour établir l'avis de mise en recouvrement portant sur la retenue à la source litigieuse ;

S'agissant de l'année 2007 :

11. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 379 de l'annexe II au code général des impôts, les sociétés étrangères qui réalisent en France des bénéfices relevant de la présomption de distribution à des non-residents prévue à l'article 115 quinquies du code général des impôts doivent déclarer et acquitter la retenue à la source exigible à raison de ces distributions auprès du service dont dépend leur lieu d'établissement à l'impôt sur les sociétés en France ; que, toutefois, la direction des résidents étrangers et des services généraux est en vertu de l'article 1er du décret du 28 décembre 2010 précité, un service à compétence nationale ; qu'en outre, le recouvrement de la retenue à la source exigible en vertu des dispositions de l'article

119 bis du code général des impôts à raison des bénéfices réalisés en France par une sociétés étrangère et réputés distribués à des non-résidents en vertu de l'article 115 quinquies du code général des impôts relève des opérations assurées par la direction des résidents à l'étranger et des services généraux en vertu des dispositions précitées de l'article 1er de l'arrêté du

28 décembre 2010 précité ; que, par suite, la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES n'est pas fondée à contester la compétence du comptable de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux qui a signé l'avis de mise en recouvrement litigieux ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de l'année 2006 :

12. Considérant , en premier lieu, ainsi qu'il ressort de la proposition de rectification du 25 mai 2010, que la retenue à la source au titre de l'année 2006 a été établie sur les profits distribués par la société requérante à des sociétés établies aux Etats-Unis et aux Îles Vierges britanniques, sans faire application de la présomption prévue à l'article 115 quinquies du code général des impôts ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la présomption de distributions prévue à cet article n'était pas applicable est inopérant ;

13. Considérant, en second lieu, que la société requérante demande , à titre subsidiaire, que la retenue à la source soit réduite au montant de 6 031 329 euros en se prévalant des dispositions de la dernière phrase du 1. de l'article 115 quinquies du code général des impôts, en vertu de laquelle, pour l'assiette de la retenue à la source, les bénéfices réalisés en France par des sociétés étrangères sont diminués de l'impôt sur les sociétés ; que, toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit au point 12, pour l'année 2006, le service n'a pas fait application de la présomption prévue à l'article 115 quinquies du code général des impôts ; que, par suite, la société requérante ne peut utilement, à l'appui de ses conclusions à titre subsidiaire, se fonder sur ces dispositions pour demander que soit déduit de l'assiette de la retenue à la source litigieuse l'impôt sur les sociétés acquitté au titre des résultats de l'établissement stable litigieux ;

S'agissant de l'année 2007 :

14. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 115 quinquies du code général des impôts : " 1. Les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n'ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France. / Les bénéfices visés au premier alinéa s'entendent du montant total des résultats, imposables ou exonérés, après déduction de l'impôt sur les sociétés. (...) 3 Les dispositions du 1 ne s'appliquent pas lorsque la société étrangère remplit les conditions suivantes :/ a) Avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de la Communauté européenne ; / b) Y être passible de l'impôt sur les sociétés, sans possibilité d'option et sans en être exonérée " ; qu'aux termes du 2. de l'article 119 bis du même code, dans la rédaction applicable : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source (...) lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (...)" ; que le siège de direction s'entend du lieu où les personnes exerçant les fonctions les plus élevées prennent les décisions stratégiques qui déterminent la conduite des affaires de cette entreprise dans son ensemble ; qu'à cet égard, si le lieu où se tiennent les réunions des organes de direction d'une société peut constituer un indice pour l'identification d'un siège de direction, ce seul élément ne saurait, confronté aux autres éléments du dossier, suffire à le déterminer ;

15. Considérant que la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES fait valoir que les décisions stratégiques relatives à son activité étaient prises à son siège au Luxembourg où se réunissaient les quatre administrateurs statutaires composant son conseil de gérance ; qu'à supposer même que les copies de procès-verbaux de délibération et les justificatifs de transport produits par la société requérante soient de nature à établir que ses quatre administrateurs statutaires, domiciliés pour trois d'entre eux hors du Luxembourg, à savoir aux Etats-Unis, à Gibraltar et en

Grande- Bretagne, se sont effectivement réunis à l'adresse du siège de la société, il résulte de ces procès-verbaux que les administrateurs de la société se sont bornés à approuver et à ratifier des actes déjà signés qui leur étaient présentés à cette occasion, sans prendre eux-mêmes aucune décision stratégique ; que les ordres du jour et comptes rendus de conférences téléphoniques entre administrateurs, produits par la société requérante, ne permettent pas davantage d'établir que les décisions stratégiques concernant la société auraient été prises au Luxembourg ; que, dans ces conditions, la société requérante ne peut être regardée comme ayant eu son siège de direction effective au Luxembourg, où l'adresse de son siège correspond d'ailleurs à un local de deux pièces, dont le bail locatif est établi au nom d'une société tierce et qui est utilisé par une dizaine d'autres sociétés ; que la circonstance que la société requérante dispose en France d'un représentant agissant en son nom au sens et pour l'application de l'article 2 de la convention

franco-luxembourgeoise n'est pas de nature à établir qu'elle dispose dans ce pays de son siège de direction effective ; qu'au surplus, il est constant qu'en vertu de l'interprétation par les autorités du Luxembourg, des stipulations de l'article 3 de la convention franco-luxembourgeoise, dans la rédaction antérieure à l'avenant du 24 novembre 2006, les bénéfices réalisés par une entreprise commerciale lors de l'aliénation d'un bien immobilier situé en France n'étaient imposables que dans ce pays et exonérés au Luxembourg ; que, dès lors, la société requérante ne justifiant remplir aucune des conditions prévues au 3. de l'article 115 quinquies du code général des impôts, les bénéfices réalisés en France sont réputés distribués à des associés n'ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France et doivent être soumis à la retenue à la source en application de l'article 119 bis du code général des impôts ; qu'ainsi, et alors que la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES n'apporte pas de précision suffisante sur l'interprétation administrative de la loi fiscale dont elle entend se prévaloir, c'est à bon droit que l'administration a fait application de la présomption de distribution prévue à l'article 115 quinquies du code général des impôts ;

16. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la convention

franco-luxembourgeoise :"(...) 2. Lorsqu'une entreprise possède des établissements stables dans les deux Etats contractants, chacun d'eux ne peut imposer que le revenu provenant de l'activité des établissements stables situés sur son territoire./ 3. Ce revenu imposable ne peut excéder le montant des bénéfices industriels, miniers, commerciaux ou financiers réalisés par l'établissement stable, y compris, s'il y a lieu, les bénéfices ou avantages retirés indirectement de cet établissement ou qui auraient été attribués ou accordés à des tiers, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen. Une

quote-part des frais généraux du siège de l'entreprise est imputée aux résultats des différents établissements stables(...) " ;

17. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment l'opération litigieuse a été entièrement réalisée par l'établissement stable de la société en France, les salariés de la société travaillant au Luxembourg n'y étant associés que formellement et le siège de la requérante au Luxembourg correspondant à un local dont le bail n'est pas au nom de cette dernière et qui est utilisé par une dizaine d'autres sociétés ; que, dans ces conditions, la société requérante n'établit pas qu'une partie de l'activité litigieuse, laquelle correspond à la réalisation d'une opération de promotion immobilière et non d'un investissement financier, proviendrait de son siège au Luxembourg ; que, par suite, sans que la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES puisse utilement se prévaloir des dispositions du code général des impôts relatives aux transferts indirects de bénéfice et des principes dégagés par l'Organisation de coopération et de développement économiques en matière de prix de transfert, le service pouvait, sans méconnaître les stipulations précitées de l'article 4 de la convention franco-luxembourgeoise, valablement imposer le résultat de l'opération immobilière réalisée en France par l'établissement stable de la société ;

En ce qui concerne la pénalité de l'article 1728 du code général des impôts :

18. Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 1728 du code général des impôts : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de :/ a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai " ;

19. Considérant que, pour demander la décharge de la majoration de 10% à laquelle elle a été assujettie sur le fondement des dispositions précitées, la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES se borne à faire référence aux moyens dirigés contre le bien-fondé des retenues à la source auxquelles cette majoration a été appliquée ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que ce moyen ne peut qu'être écarté ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité totale ou partielle de la requête, que la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE ESTIENNE D'ORVES est rejetée.

2

N° 14VE03659


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