Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le fonds LUCENT TECHNOLOGIES INC. DEFINED CONTRIBUTION PLAN MASTER TRUST a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, au titre des années 2006 à 2009, soit 23 857,18 euros et de lui accorder le bénéfice du versement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, à titre subsidiaire, de demander l'avis du Conseil d'Etat sur l'éventuelle contrariété de la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française au titre des années 2006 à 2009 à l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, et de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'avis soit rendu et, à titre plus subsidiaire, de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle sur l'éventuelle contrariété de la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française au titre des années 2006 à 2009 à l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, et de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision soit rendue.
Par un jugement n° 1300801 du 14 octobre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil, faisant partiellement droit à sa demande, a décidé de la restitution des retenues à la source prélevées au titre de l'année 2009 à hauteur de 1 904,97 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 12 décembre 2014,
28 septembre 2015 et 18 février 2016, le fonds LUCENT TECHNOLOGIES Inc. DEFINED CONTRIBUTION PLAN MASTER TRUST, représenté par Me de Waal, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, qui tendaient à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;
2° de prononcer la restitution des montants correspondant à ces retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, au titre des années 2006, 2007 et 2008 pour un montant total de 21 949,22 euros ;
3° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a retenu la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de sa réclamation au titre des années 2006, 2007 et 2008, dont a fait état le rapporteur public, pour la première fois à l'audience et sans que l'administration fiscale n'en ait fait état dans ses écritures, violant ainsi le principe du contradictoire ; pour le même motif, il a également été privé de son droit à un procès équitable ;
- sa réclamation au titre des années 2006, 2007 et 2008 était recevable puisqu'elle a été introduite avant la date du 31 décembre 2011 qui correspond à l'expiration du délai nouveau ouvert par la décision Société Stichting Unilever Pensioenfonds Progress rendue par le Conseil d'État le 13 février 2009 sous le n° 298108, qui constitue un évènement de nature à motiver la réclamation au sens des dispositions de l'article de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et du c) de l'article R. 196-1 du même livre, dans leur rédaction applicable aux décisions de justice intervenues avant le 1er janvier 2013 ; les premiers juges ont estimé, à tort, que l'application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ne pouvait pas se fonder sur la décision Stichting Unilever précitée, car il n'aurait pas constaté la non-conformité du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts au principe de libre circulation des capitaux ; au contraire, dans cette décision le Conseil d'État établit que la discrimination entre les fonds néerlandais et les organismes français méconnaît l'article 56 du traité instituant la communauté européenne et par là-même, méconnaît le principe de libre circulation des capitaux ;
- dans l'affaire Stichting Unilever, le Conseil d'État, qui, certes, était saisi en excès de pouvoir aux fins d'annuler les deux instructions des 28 février et 28 avril 2005, procède en deux temps : il relève, dans un premier temps, l'incompatibilité de la norme interne avec la norme communautaire et, ensuite, en déduit que l'administration fiscale aurait du proposer, dans le cadre de l'instruction administrative litigieuse, un mécanisme de neutralisation ; si le Conseil d'État a fait droit à cette requête, c'est parce que ces instructions faisaient une application directe du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, et ainsi réitéraient un texte de loi incompatible avec le droit communautaire sans proposer ce mécanisme de neutralisation ; la censure trouve ainsi sa source, non pas dans une interprétation à caractère réglementaire contraire au droit communautaire comme dans la décision Société Rallye du 30 décembre 2013, mais au contraire dans l'absence d'une position à caractère réglementaire venant pallier les lacunes de la norme interne ; c'est d'ailleurs la même interprétation que retient l'administration fiscale dans son instruction administrative référencée 4-H-2-10 du 29 décembre 2009 ;
- sur le bien-fondé : les retenues à la source en litige, sont discriminatoires et violent le principe général de la libre circulation des capitaux entre les Etats membres de l'Union européenne et les pays tiers, posé par l'actuel article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; elles doivent lui être restituées dès lors qu'il respecte les exigences de l'article 401(a) du code général des impôts américain et que sa situation est objectivement comparable à celle d'une caisse de retraite française dès lors qu'il est un plan de retraite qualifié au sens de la loi américaine " Employee Retirement Income Security Act " (ERISA) qui fixe des conditions de fonctionnement en terme de désintéressement, de gestion et de transparence ; en effet, sa gestion est désintéressée, il est géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation, les membres de l'organisme ou leurs ayants droit ne peuvent pas être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports et il n'entretient pas de relation privilégiée avec des entreprises et pas davantage de relations de concurrence ; le Conseil d'Etat a posé le critère relatif à la gestion désintéressée avec sa décision du 30 décembre 2014, Versorgungswerk des Zahnärtzekammer aus Berlin sous le n° 361842 et en a précisé les contours avec la décision n° 369819 du 22 mai 2015 Wellcome Trust : il en ressort que le juge dispose d'une marge d'appréciation et ainsi, si un fonds ne répond pas stricto sensu aux critères définis par le code général des impôts mais que sa situation est objectivement comparable à celle d'un organisme sans but lucratif et que sa gestion doit être regardée comme revêtant un caractère désintéressé, alors l'exonération doit être accordée ; dans cette optique, le fonds doit établir que les rémunérations des dirigeants sont encadrées et qu'elles sont justifiées au regard des tâches qu'ils accomplissent ; or le fonds a versé des rémunérations pour 11 millions de dollars en 2006, 2007 et 2008, ce qui représente 0,15% de la valeur des actifs gérés par le fonds et de plus, ces sommes ont été versées à un trustee qui ne peut pas être regardé comme un dirigeant puisqu'il s'agit d'un prestataire externe au fonds, qui gère de façon externalisée ses intérêts.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité instituant la Communauté européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Moulin-Zys, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
Une note en délibéré présentée par le fonds LUCENT TECHNOLOGIES INC. DEFINED CONTRIBUTION PLAN MASTER TRUST a été enregistrée le 5 juillet 2016.
1. Considérant que le fonds LUCENT TECHNOLOGIES INC. DEFINED CONTRIBUTION PLAN MASTER TRUST, fonds de droit américain dont le siège est situé 600-700 Mountain avenue, NJ 07974 à Murray Hill (Etats-Unis), a été, en application des dispositions combinées du 2 de l'article 119 bis et de l'article 187 du code général des impôts ainsi que de la convention fiscale franco-américaine, soumis, au titre des années 2006 à 2009, à la retenue à la source sur les dividendes perçus de sociétés françaises, au taux de 15% ; qu'il relève régulièrement appel du jugement rendu le 14 octobre 2014 par le Tribunal administratif de Montreuil, en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, qui tendaient à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué " ; qu'il résulte de l'instruction que, s'agissant des conclusions aux fins de restitution des retenues à la source des années 2006, 2007 et 2008, la question de la recevabilité de la demande de première instance, au regard de l'expiration du délai de réclamation, en ce que ce délai était expiré du fait que la décision du Conseil d'Etat du 13 février 2009 " Société Stichting Unilever Pensioenfonds Progress et autres " ne constituait pas un " évènement " au sens des dispositions du c) de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, a été soulevée, pour la première fois dans le débat contentieux de première instance, par le rapporteur public pendant l'audience, avant d'être retenue par les premiers juges ; qu'eu égard aux exigences de la procédure contradictoire, le Tribunal administratif, en se fondant, pour cette partie du litige qui lui était soumis, sur une question sur laquelle les parties n'avaient pas été mises à même de débattre avant la clôture de l'instruction, a entaché son jugement d'irrégularité ; qu'il doit donc être annulé, dans cette mesure ; qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur ce litige ;
Sur la tardiveté de la réclamation au titre des retenues à la source effectuées au titre des années 2006 à 2008 :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) c) de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) " ; qu'aux termes de la seconde partie du même article : " Toutefois, dans les cas suivants, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : / (...) b) Au cours de laquelle les retenues à la source et les prélèvements ont été opérés s'il s'agit de contestations relatives à l'application de ces retenues (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une réclamation est recevable dès lors qu'elle est formée dans le délai prévu dans l'une des hypothèses mentionnées dans la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que la seconde partie de cet article ouvre, en outre, dans les hypothèses qu'elle prévoit, un autre délai pendant lequel une réclamation est également recevable ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu (...) / Pour l'application du quatrième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux les décisions du Conseil d'Etat (...) se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle. " ;
5. Considérant que, s'agissant des décisions et avis rendus au contentieux, notamment, par le Conseil d'État (...) seuls ceux qui révèlent directement l'incompatibilité avec une règle de droit supérieure de la règle de droit dont il a été fait application pour fonder l'imposition en litige sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ainsi que de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ; qu'une décision ou un avis qui se borne à retenir une interprétation des dispositions du droit de l'Union ou du droit national dont il a été fait application pour fonder l'imposition contestée différente de celle jusqu'alors formellement admise par l'administration dans ses instructions, ne peut constituer le point de départ de ce délai et de cette période, dès lors que l'imposition ne saurait être fondée sur l'interprétation de la loi fiscale que l'administration exprime dans ses instructions ; que, par suite, la décision rendue par le Conseil d'État le 13 février 2009 dans l'affaire " Société Stichting Unilever Pensionenfonds Progress et autres " ne saurait constituer la réalisation d'un " évènement " au sens du c) de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, précité, dès lors que celle-ci n'a fait que révéler la non-conformité d'une instruction, en l'espèce applicable aux seuls fonds néerlandais, à une règle de droit supérieure ; que, dès lors, le délai de réclamation le plus long à l'encontre des retenues à la source litigieuses versées au titre des années 2006, 2007 et 2008, après computation selon le b) de la première partie de l'article R. 196-1 et le b) de la seconde partie du même article, expirait au 31 décembre des années 2008, 2009 et 2010 respectivement ; que par suite, la réclamation du fonds requérant, introduite le 26 décembre 2011, est tardive pour ces années ; qu'ainsi, les conclusions du fonds
LUCENT TECHNOLOGIES INC. DEFINED CONTRIBUTION PLAN MASTER TRUST tendant à la décharge des retenues à la source versées au titre des années 2006, 2007 et 2008 sont irrecevables ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le fonds LUCENT TECHNOLOGIES INC. DEFINED CONTRIBUTION PLAN MASTER TRUST n'est pas fondé à demander la restitution assortie des intérêts moratoires des retenues à la source versées au titre des années 2006 à 2008 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 14 octobre 2014 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions présentées par le fonds LUCENT TECHNOLOGIES INC. DEFINED CONTRIBUTION PLAN MASTER TRUST aux fins de restitution des retenues à la source afférentes aux années 2006 à 2008.
Article 2 : La demande du fonds LUCENT TECHNOLOGIES INC. DEFINED CONTRIBUTION PLAN MASTER TRUST présentée devant le Tribunal administratif de Montreuil, aux fins de restitution des retenues à la source afférentes aux années 2006 à 2008, et les conclusions qu'il présente devant la Cour sont rejetées.
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N°14VE03341 3