Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des rappels de cotisation minimale de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2009.
Par un jugement n° 1312358 du 6 octobre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 8 décembre 2014, 9 février et 19 octobre 2015, la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU, représentée par la
SCP Waquet, Farge, Hazan, avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge de l'imposition supplémentaire en litige.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier faute d'avoir répondu aux moyens tirés de ce que, d'une part, les dépenses de mécénat, en tant qu'elles n'étaient pas dépourvues de contreparties, ne pouvaient constituer une libéralité et, d'autre part, le principe du parallélisme entre les produits et les charges s'opposait à l'incorporation à la valeur ajoutée des reprises sur provisions pour dépréciation de créances douteuses, les dotations n'ayant pu être déduites ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a refusé de prendre en compte, pour le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la détermination de la cotisation minimale de taxe professionnelle, ses dépenses de mécénat ; celles-ci constituent en effet des consommations de biens et services en provenance de tiers au sens de l'article 1647 B sexies qui ne les excluent pas expressément alors qu'en leur qualité de dépenses de parrainage d'opérations auxquelles l'entreprise associe son nom, elle justifie que ses actions de mécénat ne sont pas dénuées de contreparties proportionnées, notamment en termes de valorisation d'image, ainsi qu'en attestent les conventions de mécénat portées à la connaissance de l'administration, que le prévoit l'article 238 bis, 1, a. du code général des impôts et que le reconnaît la doctrine référencée BOI 4 C-5-04, n° 112 du 13 juillet 2004, § 51 applicable en matière d'impôt sur les sociétés, dont elle n'avait pas entendu se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, comme l'a cru à tort le tribunal, mais dont elle avait seulement entendu évoquer la reconnaissance, par cette doctrine, de l'existence de contreparties à l'activité de mécénat ; encouragée par le législateur, cette activité relève d'autant plus de son activité ordinaire que ces dépenses ont été régulièrement comptabilisées en tant que services extérieurs ;
- indépendamment de leurs modalités de comptabilisation - l'article 13 du règlement du CRC n° 2002-03 du 12 septembre 2002 lui faisant obligation de passer en compte des provisions en valeur actualisée pour faire face aux pertes prévisionnelles sur ses créances douteuses - le principe du réalisme fiscal fait obstacle à l'inclusion, dans le calcul de la valeur ajoutée, des reprises ultérieures y afférentes, dès lors que de telles opérations, purement comptables, ne créent aucun accroissement de richesse et, par suite, aucune valeur ajoutée économique, laquelle diffère fiscalement de la valeur ajoutée comptable, ce qui résulte des articles 1448 et
1647 B sexies qui prévoient que la taxe professionnelle est établie en fonction de la capacité contributive des entreprises ; le principe de parallélisme entre les produits et les charges s'opposait également à la prise en compte des reprises sur provisions pour dépréciation de ses créances douteuses, dès lors que l'article 1647 B sexies ne permettait pas de déduire leur symétrique, les dotations ressortissant aux comptes de classe 67, et non 60, seuls admis en déduction de la valeur ajoutée ;
- lorsque le tribunal affirme qu'elle ne justifie pas que les produits en litige se rapportent à des diminutions de dépréciation de créances douteuses, alors même que l'administration n'a jamais remis en cause la régularité de ses écritures comptables, il méconnaît la dévolution de la charge de la preuve.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code monétaire et financier ;
- le règlement n° 91-01 du 16 janvier 1991 du comité de la réglementation bancaire relatif à l'établissement et à la publication des comptes individuels annuels des établissements de crédit, modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,
- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,
- et les observations orales de MeA..., pour la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU.
1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU qui, en sa qualité de caisse de crédit agricole mutuel mentionnée à l'article L. 512-20 du code monétaire et financier est un établissement de crédit au sens de l'article L. 511-1 de ce code, a été assujettie à des suppléments de cotisation minimale de taxe professionnelle au titre de l'année 2009 sur le fondement des dispositions de l'article 1647 E du code général des impôts ; qu'elle relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 6 octobre 2014 rejetant sa demande en décharge de ces suppléments d'impôt après le rejet de sa réclamation par l'administration ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'en qualifiant les dépenses de mécénat, de libéralités, le tribunal a nécessairement jugé que ces dépenses étaient dépourvues de contreparties pour la société ; qu'en l'espèce, les premiers juges n'étaient en outre pas tenus de répondre à l'argument tiré de cette absence de contrepartie, en réalité surabondant, dès lors qu'ils avaient, par un second motif se suffisant à lui-même, également estimé que le mécénat ne participait pas de l'activité ordinaire de l'entreprise et que, par suite, il y avait lieu d'exclure les dépenses exposées à cette fin des charges d'exploitation bancaire à prendre en compte pour le calcul de la valeur ajoutée ;
3. Considérant, en second lieu, qu'en jugeant que, dans la mesure où la réglementation comptable applicable en matière bancaire prévoyait la comptabilisation des reprises litigieuses parmi les produits d'exploitation bancaire à prendre en compte dans la valeur ajoutée, la banque requérante n'était pas fondée à invoquer les modalités selon lesquelles les dotations avaient été passées en compte, le tribunal a nécessairement considéré qu'il n'y avait pas lieu de corriger l'asymétrie entre les dotations et reprises contenue dans le règlement n° 91-01 du
16 janvier 1991 et, par suite, de s'écarter de la norme comptable bancaire applicable en faisant application du principe de parallélisme entre les produits et les charges ; qu'en précisant, de surcroît, qu'eu égard à ses conditions réelles d'exploitation, la demanderesse ne justifiait pas de ce que les produits enregistrés en tant que reprises de provisions correspondaient à des diminutions de dépréciation de ses créances douteuses, les premiers juges ont, implicitement, également jugé que la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU n'établissait pas la méconnaissance alléguée de ce principe ; que, dès lors, et nonobstant la pertinence des arguments avancés, le Tribunal administratif de Montreuil ne peut être regardé comme ayant omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance, par la règlementation comptable applicable, du principe de parallélisme entre les charges et les produits, qu'il y aurait eu lieu de rétablir soit en admettant d'inclure au calcul de la valeur ajoutée les dotations en cause, soit, si ces dernières devaient demeurer exclues de ce calcul, en y excluant les reprises en litige qui y avaient été incorporées ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est entaché d'aucune des deux omissions à statuer dont il lui est fait grief ;
Sur le bien-fondé des suppléments d'imposition en litige :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1647 E du code général des impôts, alors en vigueur : " I. - La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies (...) " ; que, selon l'article
1647 B sexies, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) II. 1. La valeur ajoutée (...) est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers (...) / 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : / d'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; / et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douanes compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice (...) / 3. La production des établissements de crédit (...) est égale à la différence entre : D'une part, les produits d'exploitation bancaires et produits accessoires ; Et, d'autre part, les charges d'exploitation bancaires (...) " ; que ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation minimale de taxe professionnelle ; qu'il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour les entreprises dont il s'agit ; que la norme applicable en l'espèce est le règlement du comité de la réglementation bancaire du 16 janvier 1991 relatif à l'établissement et à la publication des comptes individuels annuels des établissements de crédit ;
6. Considérant, en premier lieu, que la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU soutient que, dès lors qu'elle établit que ses dépenses de mécénat, qui ont été comptabilisées au compte " autres services extérieurs ", ne sont pas demeurées sans contrepartie, notamment en termes d'image de marque pour l'entreprise, ainsi qu'en attestent les conventions de mécénat portées à la connaissance du service vérificateur, ces dépenses présentent le caractère de consommations de services en provenance de tiers au sens du 2 du II de l'article 1647 B sexies et sont à prendre en compte dans le calcul de la valeur ajoutée ; que, toutefois, à défaut pour elle de justifier, sinon de l'existence, du moins de la proportionnalité de la contrepartie alléguée, et notamment de ce que l'exposition des dépenses de mécénat pouvait, en l'espèce, être assimilée, par ses effets, à des frais de publicité ou de parrainage lui ayant permis de maintenir ses conditions de vente ou encore de vendre ses produits à des prix plus élevés que ceux pratiqués par ses concurrents, c'est à bon droit que l'administration a estimé qu'elles ne correspondaient à l'acquisition d'aucun bien ou d'aucun service auprès d'un tiers, mais étaient constitutives de libéralités et a, par suite, refusé de les admettre parmi les frais de gestion ayant le caractère de consommations de biens et services en provenance de tiers, par suite déductibles de la valeur ajoutée servant de base de calcul à la cotisation minimale de taxe professionnelle ;
7. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU a comptabilisé, parmi ses produits d'exploitation bancaire, des sommes correspondant à l'actualisation de ses créances douteuses par application du règlement n° 2002-03 du 12 décembre 2002 du comité de la règlementation comptable relatif au traitement comptable du risque de crédit, modifié par les règlements n° 2005-03 et n° 2007-06 des 3 novembre 2005 et 14 décembre 2007 ; qu'elle soutient que c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que ces sommes constituaient des produits d'exploitation bancaire entrant dans le calcul de la valeur ajoutée dès lors que, nonobstant les règles comptables applicables, les produits en cause présentent le caractère de reprises sur provisions pour dépréciation de créances douteuses qui demeurent... ;
8. Considérant, toutefois, qu'en vertu du règlement du comité de la réglementation bancaire du 16 janvier 1991 relatif à l'établissement et à la publication des comptes individuels annuels des établissements de crédit, si le poste 18 " Coût du risque ", qui n'entre pas dans le calcul du produit net bancaire, comprend les dotations et reprises de provisions pour dépréciation des créances sur la clientèle, ce règlement précise cependant que : " Par exception, sont classés aux postes [intitulé " Intérêts et produits assimilés "] (...) du compte de résultat les dotations et reprises sur dépréciations, (...) les intérêts recalculés au taux d'intérêt effectif d'origine sur les créances restructurées inscrites en encours sains (...). Sur option, les intérêts recalculés au taux d'intérêt effectif d'origine des créances restructurées ayant un caractère douteux et la reprise liée au passage du temps de la dépréciation des créances douteuses et douteuses compromises, restructurées ou non (...) " ;
9. Considérant qu'il est constant que la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU a, conformément à l'option comptable susdécrite, porté les intérêts d'actualisation courant sur les flux futurs des créances douteuses en compte de produits d'exploitation numéroté " 70266x ", à inclure dans le calcul de la valeur ajoutée au titre des intérêts mentionnés au poste 1 à comprendre dans la production bancaire ; qu'ainsi, c'est à bon droit que l'administration, constatant que les produits en litige figuraient au nombre des éléments comptables à prendre en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation minimale de taxe professionnelle, a retenu ces produits d'exploitation bancaire pour le calcul de la valeur ajoutée produite par la banque requérante ; que, si la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU fait valoir que les dépréciations des créances douteuses ont été dotées, en valeur actuelle, au compte de charges exceptionnelles, numéroté " 671xxx ", dont les éléments n'ont pas été retenus pour la détermination de la valeur ajoutée ayant servi à la détermination du montant de la cotisation minimale de taxe professionnelle en litige, elle n'établit pas, en tout état de cause, que le taux d'intérêt effectif d'origine des créances restructurées ayant un caractère douteux à partir duquel le montant des intérêts sur solvabilité actualisée a été recalculé, correspondait, en l'espèce, au taux d'érosion monétaire desdites créances et qu'ainsi, les produits litigieux seraient la stricte contrepartie des dotations pour dépréciations liées au passage du temps qui, devenues sans objet, la perte constatée étant définitive, devaient être reprises ; que, faute de démontrer que la reprise d'une dotation pour actualisation de créances douteuses calculée en fonction du dernier taux d'intérêt contractuel de ces créances consistait exclusivement en la prise en compte du passage du temps, la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU n'est pas fondée à soutenir qu'il y avait lieu d'écarter l'application de la règle comptable qui prévoit la possibilité d'inclure ces produits à la valeur ajoutée, en tant que produits d'exploitation bancaire comptabilisés au poste 1 du règlement du 16 janvier 1991, mais en exclut les dotations, en ce qu'elles participent des charges exceptionnelles ; que doivent dès lors être écartés les moyens tirés de ce que les écritures comptables enregistrant les intérêts en litige ne correspondraient à aucun accroissement de richesse économique et que le calcul de sa valeur ajoutée ne tenait pas compte de sa capacité contributive réelle ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU est rejetée.
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N° 14VE03353 2