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17/12/2015 | FRANCE | N°14VE01551

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 17 décembre 2015, 14VE01551


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles :

1° d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le maire de la commune de Saint-Martin-la-Garenne après la réception de sa réclamation indemnitaire préalable le 12 avril 2010 ;

2° de condamner la commune de Saint-Martin-la-Garenne à lui verser la somme de 17 249,25 euros au titre des frais qu'elle a engagés pour la réparation du mur séparant sa propriété du chemin du Coudray ;

3° de condamner la commune

de Saint-Martin-la-Garenne à lui verser la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice moral...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles :

1° d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le maire de la commune de Saint-Martin-la-Garenne après la réception de sa réclamation indemnitaire préalable le 12 avril 2010 ;

2° de condamner la commune de Saint-Martin-la-Garenne à lui verser la somme de 17 249,25 euros au titre des frais qu'elle a engagés pour la réparation du mur séparant sa propriété du chemin du Coudray ;

3° de condamner la commune de Saint-Martin-la-Garenne à lui verser la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi ;

4° d'enjoindre à la commune de Saint-Martin-la-Garenne de prendre en charge l'entretien de la voirie (chemin du Coudray), la réparation du mur de soutènement et l'interdiction de passage de gros tonnage sauf livraison de fioul aux riverains ;

5° de mettre à la charge de la commune de Saint-Martin-la-Garenne le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1005351 du 25 mars 2014, le Tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Saint-Martin-La-Garenne à verser à Mme C...A...la somme de 17 249,25 euros au titre des frais de réfection du mur, la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2014 devant la Cour administrative d'appel de Nantes, et des mémoires, enregistrés le 26 mai 2015 et le 19 novembre 2015, la COMMUNE DE SAINT-MARTIN-LA-GARENNE, représentée par la SELARL Casadei-Jung, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Versailles ; subsidiairement d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente du jugement à intervenir du Tribunal d'instance de Mantes-la-Jolie saisi d'une demande de bornage entre les fonds privés de la commune et de MmeA... ; très subsidiairement, de réduire la condamnation de la commune à la somme de 15 086,50 euros ;

3° de mettre à la charge de Mme A...le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- la note en délibéré du 5 février 2014 enregistrée au Tribunal le 10 février 2014 n'est pas visée par le jugement attaqué qui doit donc être annulé ;

- le tribunal a soulevé d'office en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative le moyen qui ne se soulève pas d'office tiré de l'enrichissement sans cause de la commune ; Mme A... ne peut fonder pour la première fois en cause d'appel sa demande sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;

- en l'absence de tout titre de propriété, le mur litigieux qui est sur le fond de Mme A... qui s'est comportée comme le propriétaire de l'ouvrage n'est pas la propriété de la commune ; de surcroit les ouvrages publics qui relèvent du domaine privé communal ne constituent pas des dépendances du domaine public ;

- le maire n'a commis aucune faute à l'origine d'un préjudice moral en s'abstenant de prendre des mesures propres à assurer la conservation d'un bien appartenant à un administré ;

- les travaux réalisés qui au surplus ne correspondent pas à ceux de la déclaration préalable de travaux n'ont pas pu enrichir la commune dès lors qu'il ne s'agit pas d'un ouvrage public mais d'un ouvrage réalisé pour les besoins d'un propriétaire privé souhaitant une surface plane pour la bâtisse adossée au mur et une clôture d'1,60 mètre de haut au dessus du chemin et dès lors que le maire ne saurait être regardé comme ayant consenti à ce que ces travaux soient réalisés en vue de préserver la solidité ou la stabilité du chemin rural ; les travaux effectués l'ont été aux risques et périls de MmeA....

Par une ordonnance en date du 19 juin 2014, enregistrée le 25 juin 2014, le président de la Cour administrative d'appel de Nantes a transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles le dossier de la requête de la COMMUNE DE SAINT-MARTIN-LA-GARENNE ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Geffroy, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la COMMUNE DE SAINT-MARTIN-LA-GARENNE, de Me D...pour MmeA...,

Connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 10 décembre 2015, présentée pour MmeA....

Sur la fin de non-recevoir opposée par MmeA... :

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 351-3 du même code : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence d'une juridiction administrative autre que le Conseil d'Etat, son président, ou le magistrat qu'il délègue, transmet sans délai le dossier à la juridiction qu'il estime compétente. " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié à la commune de Saint-Martin-la-Garenne le 26 mars 2014 ; que le délai de deux mois dont la commune disposait à compter de cette notification pour faire appel dudit jugement n'était pas expiré le 23 mai 2014, date à laquelle son appel a été enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Nantes ; que, par suite, la fin de non-recevoir soulevée par Mme A... et tirée de la tardiveté de l'appel de la commune ne peut qu'être écartée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'en vertu de l'article R. 731-3 du code de justice administrative, toute partie à l'instance peut, à l'issue de l'audience, adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré ; que l'article R. 741-2 du même code prévoit que cette production est mentionnée dans la décision ;

4. Considérant qu'après l'audience publique, qui s'est tenue le 28 janvier 2014, la commune de Saint-Martin-la-Garenne a adressé au tribunal administratif le 5 février 2014, par courrier, une note en délibéré signée, enregistrée au greffe du tribunal le 10 février suivant, soit avant la lecture du jugement intervenue le 25 mars 2014 ; que, par suite, le jugement dont les visas ne font pas état de cette note en délibéré, laquelle, contrairement à ce que soutient Mme A..., ne peut être regardée comme ayant été visée par " les autres pièces du dossier ", est entaché d'irrégularité ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen tenant à la régularité du jugement, la commune de Saint-Martin-la-Garenne est fondée à en demander l'annulation ;

5. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme A...présentée devant le Tribunal administratif de Versailles, telle que complétée en appel ;

6. Considérant que Mme A...est propriétaire depuis le 27 décembre 2000 d'une habitation, sise à Saint-Martin-la-Garenne, lieu-dit " au Coudray " (Yvelines) ; que cette propriété est située en contrebas du chemin rural du Coudray dont elle est séparée par un mur sur lequel des désordres ont été constatés par Mme A...au cours de l'année 2009 ; que par une décision tacite, acquise le 2 novembre 2009, le maire de Saint-Martin-la-Garenne ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par MmeA..., le 2 octobre 2009, portant sur une reconstruction du mur à l'identique " sur 3 mètres de long et 2 mètres de haut " ; que Mme A... estimant notamment que la facture de maçonnerie émise le 6 décembre 2009 pour un montant de 17 249,25 euros par l'entreprise de maçonnerie générale qui avait réalisé les travaux faisant l'objet de la déclaration préalable devait être acquittée par la commune, a présenté à cette dernière une demande indemnitaire d'un montant de 32 000 euros sur les fondements du défaut d'entretien de l'ouvrage public, du risque que fait courir l'ouvrage pour les usagers de la voie et de l'absence d'interdiction des poids-lourds sur cette voie, laquelle a été rejetée par un courrier du 1er juin 2010 adressé au conseil de Mme A...par l'assureur de la commune de Saint-Martin-la-Garenne ; qu'à la suite de ce refus Mme A... a demandé le 9 août 2010 au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Saint-Martin-la-Garenne à lui payer la somme de 17 249,25 euros au titre des frais qu'elle a engagés pour la réparation du mur ainsi qu'une somme de 2 500 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estimait avoir subi et d'enjoindre à la commune de prendre en charge l'entretien du chemin du Coudray, " à commencer par la réparation du mur de soutènement et l'interdiction de passage de gros tonnage sauf livraison de fioul aux riverains " ;

7. Considérant, d'une part que la juridiction administrative est compétente pour réparer les dommages subis par les tiers causés par le défaut d'entretien normal du chemin du Coudray même s'il s'agit d'un chemin rural appartenant au domaine privé de la commune dès lors qu'il s'agit d'un ouvrage public en ce qu'il est affecté à la circulation publique ainsi qu'en dispose l'article L. 161-1 et l'article L. 161-2 du code rural ;

8. Considérant, d'autre part, que la circonstance que le rapport du 1er septembre 2014 demandé par la commune de Saint-Martin-la-Garenne à un cabinet de géomètre-experts n'a pas été élaboré en présence de MmeA..., ne fait toutefois pas obstacle à ce que ce rapport soit retenu à titre d'information par le juge administratif, dès lors que ce rapport a été versé au dossier et soumis, de ce fait, au débat contradictoire des parties ;

Sur la propriété du mur :

9. Considérant que Mme A...soutient à titre principal que le mur en cause est une dépendance nécessaire ou accessoire indispensable de l'ouvrage public constitué par le chemin du Coudray ; qu'en l'absence de titre en attribuant la propriété à MmeA..., propriétaire de la parcelle en bordure de laquelle il est édifié, ou à des tiers, il résulte de l'instruction, notamment des photographies et du schéma intitulé " vision longitudinale de l'ensemble du mur " produits par Mme A...et du rapport du cabinet de géomètre-experts précité, que le mur litigieux d'aspect très ancien, présente du côté du chemin rural une hauteur uniforme d'environ

1,80 mètre à la limite des accotements du chemin et fait fonction de clôture de parcelle privée bordant exclusivement la propriété de Mme A... ; qu'il se prolonge vers le bas en mur de soutènement d'une hauteur maximale de 2 mètres comportant trois contreforts implantés sur la parcelle de Mme A...lesquels, de même fabrique ancienne que le mur, sont répartis sur une longueur d'environ 30 mètres pour une longueur totale de mur de 54 mètres ; qu'il ressort de cette configuration des lieux, caractérisée par une bâtisse de même facture que le muret dont les poutres de la charpente et la toiture sont retenues ou prennent appui sur ce mur, que les premiers aménageurs de cette parcelle ont fait le choix d'excaver et d'aplanir le terrain en sens opposé de la pente du chemin rural et de substituer à la pente naturelle du terrain un mur de clôture et de soutènement implanté sur la parcelle appartenant à MmeA... ; qu'ainsi alors même que ce mur soutiendrait l'ouvrage public, il n'appartient pas à la personne publique et ne peut donc en constituer un accessoire indispensable, la circonstance qu'une boite aux lettres de la Poste ait été fixée sur ce mur étant sans incidence à cet égard ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à se prévaloir d'une qualité de tiers par rapport à ce mur, ni à solliciter sur le fondement de l'enrichissement sans cause de la commune, la réparation des préjudices résultant des désordres de ce mur ;

Sur la responsabilité de la commune pour dommages causés aux tiers par le chemin rural :

10. Considérant que Mme A...soutient que si le mur n'appartient pas à la commune, alors l'absence de " gouttière " de drainage des eaux pluviales du chemin rural et l'absence d'" imperméabilisation " des accotements de ce chemin ont pour effet d'aggraver la détérioration du mur du fait des infiltrations d'eau ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de visite du 19 octobre 2010 de la commune et des photos l'accompagnant, que la chaussée du chemin rural est équipée de caniveaux bétons en récupération des eaux de précipitations, une légère pente étant profilée à cet effet, et que la chaussée est plane sans effondrement de cette dernière ou des accotements vers le mur ; qu'il ne résulte donc pas de l'instruction, notamment d'autres photos prises par MmeA..., et eu égard à la vétusté du mur en cause que le bombement de la base de ce mur sur la parcelle de Mme A...qui se serait aggravé en 2009 serait la conséquence d'infiltrations d'eaux pluviales provenant du chemin rural du Coudray ; qu'ainsi, et sans qu'il besoin d'ordonner une expertise, dès lors que Mme A...n'apporte aucun élément sur le défaut allégué d'écoulement des eaux de pluie et de ruissellement sur le chemin surplombant sa propriété, le caractère anormal du préjudice invoqué par Mme A..., tiers par rapport au chemin rural du Coudray, n'est pas démontré ;

11. Considérant que Mme A...soutient que l'autorité municipale chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux en vertu de l'article L. 161-5 du code rural, et de la protection de l'environnement en vertu de l'article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales, n'a pas interdit la circulation des camions sur le chemin du Coudray et a ainsi engagé sa responsabilité ; qu'il ne résulte cependant pas de l'instruction, notamment de la photographie du camion de ramassage des déchets et du rapport établi par la société Eurexo à la demande de la protection juridique de Mme A...qui s'est déplacée sur les lieux le 16 décembre 2014 en présence de MmeA..., de son avocat et du maire de Saint-Martin-la-Garenne et qui a constaté des sillons creusés par des roues de camions à " moins d'un mètre du mur de soutènement ", que la carence alléguée serait à l'origine de la dégradation et du bombement invoqué du mur qui serait apparu en 2008 notamment entre deux contreforts, compte tenu de la vétusté évidente du mur et de son absence d'entretien par le propriétaire ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander la condamnation de la commune de Saint-Martin-la-Garenne à lui verser une indemnité de 19 749,25 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la commune ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Martin-la-Garenne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Saint-Martin-la-Garenne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1005351 du 25 mars 2014 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Versailles ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Saint-Martin-la-Garenne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 14VE01551


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE01551
Date de la décision : 17/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Consistance et délimitation - Domaine public artificiel.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Notion de dommages de travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme LEPETIT-COLLIN
Avocat(s) : CASADEI JUNG et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-12-17;14ve01551 ?
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