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18/11/2016 | FRANCE | N°14PA03626

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 18 novembre 2016, 14PA03626


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) 14 a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public qui lui ont été réclamés pour la période du 22 août 2008 au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1207081 du 5 juin 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le

8 août 2014, la SARL 14, représentée par

Me B... A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) 14 a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public qui lui ont été réclamés pour la période du 22 août 2008 au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1207081 du 5 juin 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2014, la SARL 14, représentée par

Me B... A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207081 du 5 juin 2014 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les vidéogrammes au titre de la période du 22 août 2008 au 31 décembre 2010 et des intérêts de retard y afférant pour un montant total de 119 520 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure est entachée d'irrégularité dès lors que le rappel de taxe sur les vidéogrammes relatif à la période du 1er janvier au 31 décembre 2010 ne résulte pas d'un simple contrôle sur pièces mais de la vérification de comptabilité qui était limitée à la taxe sur la valeur ajoutée et à la période expirant le 30 novembre 2010 ;

- la procédure est entachée d'irrégularité dés lors que c'est à tort que l'administration fiscale a refusé de faire droit à sa demande de saisine de la commission départementale des impôts alors que la question de l'assujettissement à la taxe reposait sur une analyse des faits qui relève de sa compétence ;

- les avis de mise en recouvrement sont entachés d'une irrégularité substantielle dès lors qu'ils font référence à une lettre d'information du 15 novembre 2011 qui ne correspond à aucune pièce de procédure et ne répondent pas ainsi aux exigences de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;

- la modification du régime de l'aide à la production cinématographique résultant de l'article 55 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 aurait dû être notifiée à la Commission européenne en application du paragraphe 3 de l'article 88 du traité CE devenu l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dès lors que la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes constitue une aide d'Etat au sens de l'article 107 paragraphe 1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et qu'ainsi l'ampleur des modifications induites par la loi de finances pour 2009 au régime d'aide au cinéma imposait cette notification ;

- elle ne pouvait être assujettie à la taxe sur les vidéogrammes compte tenu du schéma de ses ventes et de la doctrine BOI-TCA-VLV n° 30 du 16 juillet 2014 ;

- le mode de calcul des rappels de taxe est erroné ;

- le taux majoré de 10 % ne pouvait pas lui être appliqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL 14 ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la réclamation préalable ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,

- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

1. Considérant, d'une part, qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) 14, qui avait pour activité notamment la fabrication, l'édition et la vente de vidéogrammes, le service vérificateur a, par une proposition de rectification en date du 27 juin 2011, proposé un rappel en matière de taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public pour la période du 22 août 2008 au 31 décembre 2009 selon la procédure de rectification contradictoire ; que, d'autre part, à l'issue d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal de la SARL 14, le service a, par une proposition de rectification en date du 28 juin 2011, proposé un rappel en matière de taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2010, selon la procédure de rectification contradictoire ; que, par deux courriers du 9 septembre 2011, le vérificateur a, dans ses réponses aux observations de la SARL 14 en date du 23 août 2011, maintenu partiellement les rectifications envisagées ; que, par deux courriers du11 octobre 2011, la SARL 14 a notamment sollicité la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'à la suite d'un entretien intervenu le14 octobre 2011 avec le chef de brigade, le service a minoré une partie de la base retenue pour le calcul du rappel de taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public réclamé pour la période du 22 août 2008 au 31 décembre 2009 ; que, par un courrier du20 décembre 2011, l'interlocutrice a, d'une part, confirmé la position du service, et, d'autre part, informé la SARL 14 que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'était pas compétente pour connaître du point restant en litige ; que les rappels de taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public réclamés à laSARL 14 pour la période du 22 août 2008 au 31 décembre 2010 ont été mis en recouvrement le 9 janvier 2012 ; que, le 1er février 2012, la SARL 14 a formé une réclamation tendant à obtenir notamment la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires ; que sa réclamation a fait l'objet d'une décision de rejet en date du 21 juin 2012 ; que la SARL 14 relève appel du jugement en date du 5 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public qui lui ont été réclamés pour la période du

22 août 2008 au 31 décembre 2010 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification (...) " ;

3. Considérant que si, pour assujettir la SARL 14 à la taxe sur les vidéogrammes au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010, l'administration s'est fondée sur les éléments recueillis dans le cadre de la vérification de comptabilité portant sur l'examen de la taxe sur la valeur ajoutée du

1er janvier 2010 au 30 novembre 2010 au cours de laquelle il est apparu que " la SARL 14 avait pour principal objet la vente de vidéogrammes, distribués sur l'ensemble du territoire national par la société Presstalis, et vendus aux particuliers en kiosque ", il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 28 juin 2011, que l'administration s'est également fondée sur l'examen de la liasse fiscale déposée par la société au titre de l'exercice clos en 2010 ; qu'ainsi, l'administration s'est bornée à se livrer, dans les locaux de la société requérante, à un contrôle sur pièces des déclarations du contribuable ; que dès lors, contrairement à ce que soutient la société requérante, les rappels de taxe contestés ne procèdent pas d'une vérification de comptabilité mais d'un contrôle sur pièces ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la taxe sur les vidéogrammes n'était pas visée par l'avis de vérification de comptabilité et portait sur une période différente de celle mentionnée sur cet avis en date du 28 février 2011, qui ne mentionnait effectivement qu'un contrôle en matière de taxe sur la valeur ajoutée et uniquement au titre de la période du 1er janvier au

30 novembre 2010, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition, consécutive à un contrôle sur pièces des déclarations du contribuable, qui a conduit au rappel de taxe sur les vidéogrammes ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 59 A de ce livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " I.-La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition / (...) / II.- Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit / (...) " ; qu'aux termes de l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 302 bis KE du même code : " Il est institué, à compter du 1er juillet 2003, une taxe sur les ventes et locations en France, y compris dans les départements d'outre-mer, de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public / (...) / La taxe est assise sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée du prix acquitté au titre des opérations visées ci-dessus / (...) / Elle est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe / (...) " ;

5. Considérant qu'il ressort des mentions des deux recours hiérarchiques du 11 octobre 2011 que la SARL 14 a sollicité la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires afin d'émettre un avis sur le désaccord portant sur la méthode de calcul et sur l'interprétation de l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts, d'une part, et sur la base d'imposition des rappels de taxe sur les vidéogrammes réclamés au titre de la période du

22 août 2008 au 31 décembre 2009, d'autre part ; qu'à la suite de ces recours hiérarchiques, le service a fait droit, par un courrier du 15 décembre 2011, à la demande de la SARL 14 tendant à exclure de la base d'imposition en litige la vente des magazines sans DVD ; qu'ainsi, à la suite du courrier du 15 décembre 2011, le désaccord entre le service et la société requérante ne portait plus que sur la méthode de calcul et sur l'interprétation de l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts ; qu'un tel désaccord est relatif à une question de droit dont la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne peut connaître ; que, par ailleurs, si la commission départementale des impôts peut, sans trancher une situation de droit se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit, il résulte notamment de la réponse aux observations du contribuable du 9 septembre 2011, que l'administration ne contestait pas le circuit de distribution invoqué par la société requérante ; qu'ainsi, aucune question de fait ne faisait l'objet d'un désaccord persistant ; que, par suite, la SARL 14 n'est pas fondée à soutenir que la question de l'assujettissement reposait sur une analyse des faits qui aurait dû être soumise à l'avis de la commission départementale des impôts, ni par suite, que le service a entaché la procédure d'imposition d'irrégularité en ne saisissant pas, à sa demande, cette commission ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 48 du libre des procédures fiscales alors en vigueur : " (...) lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 256-1 de ce livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis / (...) / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications / (...) " ;

7. Considérant que les avis de mise en recouvrement émis à l'encontre de la SARL 14 le 9 janvier 2012 font référence à une lettre du 15 novembre 2011 ; qu'il résulte de l'instruction que le dernier acte de procédure, précédant l'envoi de ces avis de mise en recouvrement, a été adressé à la SARL 14 le 15 novembre 2011, soit avant l'envoi des avis de mise en recouvrement ; qu'elle ne conteste pas avoir réceptionné cet acte le 18 novembre 2011, soit également avant la mise en recouvrement des impositions en litige ; que la date portée sur ce courrier, soit le 15 décembre 2011, au lieu du 15 novembre 2011, constituait donc nécessairement une erreur de plume qui ne pouvait induire en erreur la SARL 14 compte tenu de la date à laquelle elle a réceptionné le courrier, soit antérieurement au 15 décembre 2011 ; que, par suite, la référence à la lettre du 15 novembre 2011 contenue dans les avis de mise en recouvrement renvoyait nécessairement au courrier portant la date du 15 décembre 2011 mais réceptionné le 18 novembre 2011, qui avait pour objet de notifier à la société requérante la modification des rectifications envisagées par le service ainsi que les conséquences financières en résultant ; que, par ailleurs, les montants des droits et pénalités figurant sur le courrier daté, par une erreur de plume, du 15 décembre 2011, correspondent à ceux figurant sur les avis de mise en recouvrement émis à l'encontre de la SARL 14 le 9 janvier 2012 ; que, par suite, la SARL 14 n'est pas fondée à soutenir que les avis de mise en recouvrement émis à son encontre le 9 janvier 2012 seraient entachés d'une irrégularité substantielle au motif qu'ils font référence à une lettre d'information du 15 novembre 2011 alors qu'aucune pièce de procédure ne correspondrait à cette date, ni par suite, à invoquer une méconnaissance des dispositions citées au point 6 ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 87, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (...) " ; qu'aux termes de l'article 88, devenu l'article 108, du même traité : " 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun (...) 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale " ; qu'enfin, aux termes de l'article 1er du règlement n° 659/1999 du Conseil de l'Union européenne portant modalités d'application de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne : " Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) c) "aide nouvelle" : toute aide, c'est à dire tout régime d'aides ou toute aide individuelle, qui n'est pas une aide existante, y compris toute modification d'une aide existante " ; qu'aux termes de l'article 4 du règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en oeuvre du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil de l'Union européenne portant modalités d'application de l'article 93 du TCE : " 1. Aux fins de l'article 1er, point c), du règlement (CE) n° 659/1999, on entend par modification d'une aide existante tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l'évaluation de la compatibilité de la mesure d'aide avec le marché commun. Toutefois, une augmentation du budget initial d'un régime d'aides existant n'excédant pas 20 % n'est pas considérée comme une modification de l'aide existante. /2. Les modifications suivantes apportées à des aides existantes sont notifiées au moyen du formulaire de notification simplifiée figurant à l'annexe II :/ a) augmentations de plus de 20 % du budget d'un régime d'aides autorisé ;/ (...) " ;

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles visées par l'article 87 du traité, devenu l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne, est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ledit traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation qu'impose aux Etats membres la dernière phrase du 3, paragraphe précité, de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par courrier en date du 24 mai 2004, les autorités françaises ont notifié à la Commission européenne l'ensemble des régimes d'aides au cinéma et à l'audiovisuel ; que par décision C (2006) 832 du 22 mars 2006, valable jusqu'à la fin de l'année 2011, la Commission européenne a déclaré que les mesures d'aides d'Etat notifiées par les autorités françaises, notamment la taxe sur la vente et la location de vidéogrammes visée aux points 27 et 28 de cette décision, étaient compatibles avec le marché intérieur ; que par une nouvelle décision du 20 décembre 2011, la Commission européenne a approuvé la prolongation du régime d'aide jusqu'au 31 décembre 2017 ; que la société requérante soutient que des modifications substantielles, apportées au financement de l'aide accordée au cinéma et à l'audiovisuel, postérieurement à la décision de la Commission européenne, n'ont pas été notifiées à cette dernière ; que selon elle ces modifications portent, d'une part, sur l'affectation directe de la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes au Conseil national du cinéma résultant de l'article 55 de la loi 2008-1425 du 27 décembre 2008, codifié à l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts, et, d'autre part, résultent de l'augmentation significative des ressources de cet organisme finançant le régime d'aide au cinéma et à l'audiovisuel ; que la société soutient encore que ces modifications ont conduit à une suppression du pouvoir de décision de l'Etat sur l'emploi des ressources fiscales au profit de l'industrie cinématographique et à un affaiblissement du pouvoir de contrôle du Parlement français sur l'affectation de ces aides ;

11. Considérant, toutefois, d'une part, que la suppression du compte spécial du Trésor, par lequel transitait l'aide au cinéma et à l'audiovisuel versée au Centre national de la cinématographie, et l'affectation directe du produit de la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes à ce centre, devenu depuis le 1er janvier 2010 Centre national du cinéma et de l'image animée, n'emporte pas par elle-même de modification des éléments structurels du système de financement de l'aide et n'a d'effet ni sur le contenu, ni sur le volume des aides, nonobstant les réformes de structure qui ont affecté le centre national du cinéma ; qu'au surplus, le Parlement ne saurait être regardé comme ayant perdu tout contrôle sur ce régime dès lors qu'il est destinataire d'un rapport annuel établi par le Centre au vu duquel il pourrait remettre en cause cette affectation ; qu'il en résulte que le moyen invoqué par la société requérante tiré de ce que l'affectation directe de la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes ont conduit à la suppression du pouvoir de décision de l'Etat sur l'emploi des ressources fiscales au profit de l'industrie cinématographique et de contrôle du Parlement français sur les aides accordées au cinéma et à l'audiovisuel doit, en tout état de cause, être écarté ;

12. Considérant, d'autre part, que la société requérante soutient que les ressources du Centre national du cinéma ont fortement augmenté entre 2007 et 2011 ; que la société requérante se prévaut d'un rapport de la Cour des comptes de 2012 qui retient une augmentation de 23 % au titre du soutien automatique ou du soutien sélectif au cinéma et à l'audiovisuel ; que toutefois, il ne résulte pas des pièces du dossier que l'augmentation globale des ressources du Centre national du cinéma qui comprennent trois taxes, la taxe sur les billets de cinéma, la taxe sur les services de télévision et la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes résulterait de la seule augmentation de plus de 20 % prévu par l'article 4 précité du règlement (CE) n° 784/2004 du montant des sommes collectées au titre de la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes ; qu'il résulte d'ailleurs du tableau produit par la société requérante sur l'évolution du produit des principales taxes affectées au Centre national du cinéma entre 2001 et 2011, en milliers d'euros, que la " taxe vidéo ", qui était de 33 296 en 2007, était en 2011 seulement de 31 964 ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que la société requérante soutient que l'affectation directe de la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes au Centre national du cinéma résultant de l'article 55 de la loi 2008-1425 du 27 décembre 2008 et l'augmentation significative des ressources de cet organisme, voire la conjonction de ces deux faits et la baisse du pouvoir de décision et de contrôle qui en résulterait pour le Parlement, impliquaient une nouvelle notification du régime d'aides à la Commission européenne, laquelle a, au demeurant, par décision du 20 décembre 2011 approuvé la prolongation du régime d'aide au cinéma et à l'audiovisuel au-delà du 31 décembre 2011 soit postérieurement aux années en litige ;

14. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 302 bis KE du même code : " (...) / [La taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public] est due par les redevables qui vendent ou louent des vidéogrammes à toute personne qui elle-même n'a pas pour activité la vente ou la location de vidéogrammes / (...) " ;

15. Considérant que si la SARL 14 soutient qu'elle ne peut être assujettie à la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public dès lors qu'elle ne procède pas à la vente directe à un consommateur final, que son circuit de distribution est complexe et nécessite l'intervention de nombreux intermédiaires et que son objet social consiste en " des activités d'études, de médiation en publicité et en communication " et en " la prestation de communications (...) quel qu'en soit le support ", ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations faites par le service, qui a exclu des bases redressées les ventes effectuées auprès de grossistes, et desquelles il résulte que la société requérante a une activité de vente de vidéogrammes à caractère pornographique distribués sur l'ensemble du territoire national par la société Presstalis - anciennement les Nouvelles messageries de la presse parisienne - et vendus aux particuliers en kiosques ; que les dispositions précitées au point 14 n'apportent aucune restriction quant aux modalités de la vente qui peut être soit directe soit réalisée par des sociétés intermédiaires ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, les dispositions précitées ne prévoient pas que la taxe est uniquement due lorsque la vente ou la location des vidéogrammes est faite directement au consommateur final ; que dès lors, la société requérante, qui ne conteste pas vendre des vidéogrammes à des personnes qui elles-mêmes n'ont pas pour activité la vente de vidéogrammes, et alors même que ces ventes sont réalisées par le truchement d'un circuit de distribution, est redevable, au titre de la période du 22 août 2008 au 31 décembre 2010, de la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public prévue à

l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts ; qu'en tout état de cause, la SARL 14 ne peut pas utilement se prévaloir de la doctrine publiée au bulletin officiel des finances publics le

16 juillet 2014 qui est postérieure à la date des rappels contestés ;

16. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 302 bis KE du même code : " (...) / La taxe est assise sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée du prix acquitté au titre des opérations visées ci-dessus (...)Elle est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée (...) " ; qu'aux termes de l'article 267-I du code des impôts : " Sont à comprendre dans la base d'imposition :/1° Les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même (...) " ;

17. Considérant que la société 14 soutient, qu'à l'instar de la taxe sur la valeur ajoutée, le calcul des rappels de taxe sur les vidéogrammes ne doit pas aboutir à un prix du produit supérieur à celui qui a été convenu entre les parties et que l'assiette de la taxe sur les vidéogrammes ne doit comprendre ni la taxe sur la valeur ajoutée ni la taxe sur les vidéogrammes ; que toutefois, il résulte des termes mêmes de l'article 1609 sexdecies B précité, que l'assiette de la taxe sur les vidéogrammes est le prix acquitté au titre des opérations visées par le texte, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée uniquement ; qu'ainsi, c'est à bon droit que, par application des dispositions précitées de

l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts, l'administration a retenu comme assiette, pour le calcul des rappels de taxe en litige, le montant des ventes de vidéogrammes réalisées par la société requérante sur la période en litige, après avoir déduit le seul montant de la taxe sur la valeur ajoutée ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 267-I précité relatif à l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée est inopérant s'agissant de la taxe sur les vidéogrammes ;

18. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 302 bis KE du même code : " (...) / Le taux est fixé à 2 %. Le taux de la taxe est porté à 10 % lorsque les opérations visées au présent article concernent des oeuvres et documents cinématographiques ou audiovisuels à caractère pornographique ou d'incitation à la violence. Les conditions dans lesquelles les redevables procèdent à l'identification de ces oeuvres et documents sont fixées par décret / (...) " ; qu'aux termes de l'article 331 M bis de l'annexe III à ce code, dans sa rédaction applicable aux périodes d'imposition en litige : " La taxe prévue à l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts est due au taux de 10 % lorsque les opérations portent sur : / a ) Des oeuvres et documents cinématographiques qui figurent sur la liste prévue au quatrième alinéa de l'article L. 311-2 du code du cinéma et de l'image animée / b ) Des oeuvres et documents audiovisuels dont la diffusion à un public mineur constitue une infraction au sens de l'article 227-24 du code pénal " ;

19. Considérant qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ;

20. Considérant que la société 14 soutient que, pour appliquer le taux majoré de 10 % prévu à l'article 1609 sexdecies B précité du code général des impôts, l'administration ne pouvait se fonder sur les seuls titres des vidéogrammes vendus pour les faire regarder comme des oeuvres à caractère pornographique et n'établit pas que ces titres figureraient sur la liste prévue au quatrième alinéa de l'article L. 311-2 du code du cinéma et de l'image animée ; qu'il ressort des mentions de la proposition de rectification en date du 27 juin 2011, résultant de la vérification de comptabilité, que la société 14 n'a produit aucun exemplaire des DVD en litige malgré plusieurs demandes orales et une demande écrite du vérificateur en date du 26 mai 2011 et que, compte tenu des titres évocateurs de ces DVD, le service a, dès lors, retenu leur caractère pornographique qui, du reste, n'a pas été contesté par la société requérante lors du débat oral et contradictoire ; que la société requérante qui, en sa qualité de redevable de la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public, est seule à même d'apporter au juge de l'impôt les éléments matériels lui permettant de justifier que les vidéogrammes en litige ne revêtent pas un caractère pornographique ne combat pas utilement les éléments dont se prévaut l'administration pour apporter la preuve du caractère pornographique des DVD vendus, et particulièrement le caractère évocateur des titres des DVD en litige, y compris de ceux dont la société affirme qu'ils appartiennent à la catégorie " charme " ; que, ni la production de ses statuts, ni le document contractuel du 16 décembre 2008, ni les comptes-rendus de distribution faisant apparaître que certains des DVD en litige, dont la distribution a été confiée aux Nouvelles messageries de la presse parisienne, ont été commercialisés dans la catégorie " charme ", ni le compte-rendu du chiffre d'affaires ne suffisent à apporter la preuve contraire aux éléments retenus par l'administration fiscale ; qu'en outre, la société requérante admet également que certains des titres relevés par le service peuvent également entrer dans la catégorie " films X " ; que, par suite, la SARL 14 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a appliqué à ces vidéogrammes le taux majoré de 10 % prévue à l'article 1609 sexdecies B précité du code général des impôts ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL 14 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Société 14 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Société 14 et au ministre de l'économie et des finances

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal

d'Ile-de-France Est.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Driencourt, président de chambre,

- Mme Mosser, président assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 novembre 2016.

Le rapporteur,

G. MOSSERLe président,

L. DRIENCOURT Le greffier,

F. DUBUY La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 14PA03626


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03626
Date de la décision : 18/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxes sur le chiffre d`affaires et taxes assimilées autres que la TVA.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: Mme Geneviève MOSSER
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : VILLENEUVE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-11-18;14pa03626 ?
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