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23/03/2015 | FRANCE | N°14PA02429

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 23 mars 2015, 14PA02429


Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 3 juin 2014 et 3 juillet 2014, présentés pour M. A...Salvador, demeurant..., par Me Pécheul ; M. Salvador demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1221782/5-1 du 3 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 30 novembre 2012 du président du Sénat rejetant sa demande tendant à l'organisation d'élections professionnelles permettant d'assurer la représentativité syndicale au Sénat et d'autre part, à déclarer illégal, pa

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Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 3 juin 2014 et 3 juillet 2014, présentés pour M. A...Salvador, demeurant..., par Me Pécheul ; M. Salvador demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1221782/5-1 du 3 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 30 novembre 2012 du président du Sénat rejetant sa demande tendant à l'organisation d'élections professionnelles permettant d'assurer la représentativité syndicale au Sénat et d'autre part, à déclarer illégal, par voie d'exception, le règlement du Sénat en tant qu'il n'autorise pas l'organisation d'élections professionnelles pour les fonctionnaires du Sénat ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 30 novembre 2012 du président du Sénat ;

3°) de déclarer illégal, par voie d'exception, le règlement du Sénat en tant qu'il n'autorise pas l'organisation d'élections professionnelles pour les fonctionnaires du Sénat ;

4°) de mettre à la charge du Sénat le versement de la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché de contradictions dès lors qu'il ressort de ses motifs que le tribunal a estimé qu'il avait engagé une action directe contre un acte statutaire pris par les instances d'une assemblée parlementaire alors qu'il avait seulement soulevé l'exception d'illégalité du règlement en tant qu'il n'autorise pas l'organisation d'élections professionnelles pour les fonctionnaires du Sénat comme cela est mentionné au demeurant dans ses visas ;

- la réponse du président du Sénat du 30 novembre 2012, habilement dilatatoire et formellement rédigée pour tenter d'éviter de nouer le contentieux devant le juge administratif, ne saurait être qualifiée de provisoire ou de déclaration d'intention et constitue en réalité une décision de refus lui faisant grief ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le refus d'organiser des élections professionnelles au Sénat ne faisait pas naître un litige relatif à la situation individuelle d'un agent du Sénat ;

- les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 ne peuvent pas être interprétées comme excluant la possibilité à l'initiative d'un agent du Sénat de contester une décision refusant l'organisation d'élections professionnelles au Sénat ;

- l'application de ces dispositions doit être écartée puisqu'elle est contraire aux stipulations des articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les agents seraient privés de toute possibilité de discuter au contentieux de la question de l'organisation des élections professionnelles au Sénat ;

- le système d'élection adopté au Sénat, contraire aux principes d'indépendance et de représentativité syndicale, méconnaît le droit syndical et le droit à des élections professionnelles effectives ;

- la décision contestée méconnaît le principe constitutionnel de participation prévu par l'article 8 du préambule de la Constitution de 1946 ;

- elle méconnaît les articles 8 et 9 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 5 et 6 de la Charte sociale européenne ;

- elle méconnait les articles 12 et 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention n° 87 de l'Organisation Internationale du Travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical ratifiée par la France le 28 juin 1951 ;

- par voie d'exception, le règlement du Sénat est illégal en tant qu'il ne permet pas d'organiser des élections professionnelles au sein du Sénat en méconnaissance de l'ensemble des dispositions et stipulations précitées ;

Vu le jugement et l'acte attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2014, présenté pour le Sénat, représenté par son président, par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. Salvador sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- les premiers juges n'ont pas dénaturé les écritures du requérant ;

- c'est à bon droit que le tribunal a relevé que les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 font obstacle à la recevabilité de la demande de M. Salvador ;

- le requérant ne peut critiquer la décision contestée qui, refusant de modifier les dispositions du règlement intérieur du Sénat et les arrêtés du président et des questeurs pris pour son application, revêt un caractère réglementaire ;

- aucun litige d'ordre individuel n'est susceptible de naître de la décision contestée ;

- le contrôle par voie d'exception des dispositions du règlement intérieur du Sénat qui n'est pas soulevé à l'occasion d'un litige individuel est insusceptible de prospérer ;

- en tout état de cause, la requête n'est pas dirigée contre une décision faisant grief ;

- en tout état de cause, sur le fond, les moyens soulevés par M. Salvador ne sont pas fondés ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 janvier 2015, présenté pour M. Salvador qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 17 décembre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 12 janvier 2015, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 2015 :

- le rapport de Mme Larsonnier, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,

- et les observations de Me Pécheul, avocat de M. Salvador, et de Me Laffargue, avocat du Sénat ;

1. Considérant que M. Salvador, secrétaire administratif principal du Sénat et président du syndicat des fonctionnaires du Sénat, a demandé au président du Sénat, par un courrier du 10 octobre 2012, l'organisation d'élections professionnelles selon les modalités en vigueur dans les autres fonctions publiques ; que par courrier du 30 novembre 2012, le président du Sénat a informé M. Salvador qu'il souhaitait que sa demande fasse l'objet d'un examen attentif et que cette question serait inscrite à l'ordre du jour de la prochaine réunion de la commission de concertation ; que M. Salvador fait appel du jugement du 3 avril 2014 du Tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à l'annulation de ce courrier ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il doit, par suite, être écarté ;

3. Considérant que le tribunal, en qualifiant la demande de M. Salvador d' " action directe, à l'initiative d'un agent du Sénat, à l'encontre d'une décision relative à l'organisation d'élections professionnelles, et ayant dès lors la nature d'un acte statutaire pris par les instances d'une assemblée parlementaire ", en estimant que ses conclusions dirigées contre le courrier du président du Sénat du 30 novembre 2012 étaient irrecevables et en n'examinant pas, par voie de conséquence, l'exception d'illégalité du règlement du Sénat soulevée par l'intéressé, ne s'est pas mépris sur le sens et la portée des conclusions de M. Salvador ; que, contrairement à ce que le requérant soutient, le jugement n'est pas entaché de contradiction entre ses motifs et ses visas ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 susvisée : " (...) Les agents titulaires des services des assemblées parlementaires sont des fonctionnaires de l'Etat dont le statut et le régime de retraite sont déterminés par le bureau de l'assemblée intéressée, après avis des organisations syndicales représentatives du personnel. Ils sont recrutés par concours selon des modalités déterminées par les organes compétents des assemblées. La juridiction administrative est appelée à connaître de tous litiges d'ordre individuel concernant ces agents, et se prononce au regard des principes généraux du droit et des garanties fondamentales reconnues à l'ensemble des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat visées à l'article 34 de la Constitution. La juridiction administrative est également compétente pour se prononcer sur les litiges individuels en matière de marchés publics. / Dans les instances ci-dessus visées, qui sont les seules susceptibles d'être engagées contre une assemblée parlementaire, l'Etat est représenté par le président de l'assemblée intéressée qui peut déléguer cette compétence aux questeurs (...) " ;

5. Considérant que les dispositions précitées de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, qui énumèrent, de manière limitative, les litiges pouvant être portés devant la juridiction administrative à l'encontre du Sénat, excluent toute possibilité d'action directe à l'encontre d'un acte statutaire pris par cette assemblée ; que la contestation du refus du Président du Sénat de faire droit à la demande d'un agent de ses services tendant à l'organisation d'élections professionnelles conformément à la réglementation en vigueur dans les autres fonctions publiques, présente ce caractère et ne constitue pas un " litige d'ordre individuel " au sens des ces dispositions[C1] ;

6. Considérant que, si les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du

17 novembre 1958 citées ci-dessus n'ouvrent pas de voie d'action directe aux agents des services du Sénat à l'encontre des décisions du président du Sénat en matière statutaire, ceux-ci peuvent contester ces décisions et les dispositions du règlement intérieur dont il leur est fait application, par voie d'exception, à l'occasion des litiges relatifs à leur situation individuelle qu'ils portent devant la juridiction administrative ; que dès lors, ces dispositions ne méconnaissent pas les stipulations tant de l'article 6-1 que de l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Salvador n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Sénat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. Salvador demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. Salvador une somme de 1 000 euros à verser au Sénat sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Salvador est rejetée.

Article 2 : M. Salvador versera au Sénat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...Salvador et au président du Sénat.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Auvray, président-assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 23 mars 2015.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAULe greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au président du Sénat en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

[C1]Présentent ce caractère les REP contre des décisions individuelles (par opposition aux décisions réglementaires) mais aussi les recours de plein contentieux à l'occasion des élections.

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N° 14PA02429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02429
Date de la décision : 23/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Statuts spéciaux.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation - Introduction de l'instance - Décisions susceptibles de recours.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : PECHEUL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-23;14pa02429 ?
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