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11/06/2015 | FRANCE | N°14PA02420

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 11 juin 2015, 14PA02420


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et

5 août 2014, présentés pour la Chambre de commerce et d'industrie de la région Paris

Île-de-France (CCIP), dont le siège est 27 avenue de Friedland à Paris Cedex 08 (75382), par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano; la Chambre de commerce et d'industrie de la région Paris

Île-de-France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205704/5-2 du 10 avril 2014 du Tribunal administratif de Paris en tant que, à la demande de M.B..., il a annulé la délibération de l'assem

blée générale de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris du 17 février 2011 mettant ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et

5 août 2014, présentés pour la Chambre de commerce et d'industrie de la région Paris

Île-de-France (CCIP), dont le siège est 27 avenue de Friedland à Paris Cedex 08 (75382), par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano; la Chambre de commerce et d'industrie de la région Paris

Île-de-France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205704/5-2 du 10 avril 2014 du Tribunal administratif de Paris en tant que, à la demande de M.B..., il a annulé la délibération de l'assemblée générale de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris du 17 février 2011 mettant en oeuvre le projet de réorganisation de ses services ;

2°) de rejeter la demande de M.B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B...le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière, tous les mémoires adverses ne lui ayant pas été communiqués ;

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas relevé le moyen tiré de l'absence d'intérêt à agir de M. B...contre une mesure d'organisation du service, qui a le caractère de moyen d'ordre public ;

- l'assemblée générale, organe délibératif de l'établissement, est seule compétente en matière de suppression d'emploi ;

- aux termes de l'article 35-I du statut des personnels la commission paritaire locale n'avait pas à être consultée préalablement à la délibération du 17 février 2011 ;

- elle ne doit l'être, aux termes de l'article 30 du règlement intérieur, que des mesures subséquentes de licenciement et n'a pas vocation à donner un avis sur les délibérations de l'assemblée générale définissant des orientations générales ;

- la consultation seulement ultérieure de la commission paritaire locale n'a privé l'intéressé d'aucune garantie dès lors qu'il s'agit de recueillir un simple avis ;

- il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier l'opportunité des mesures d'économies ayant motivé la suppression des postes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er septembre 2014, présenté pour la CCIP par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2014, présenté pour M. B... par la SCP Claisse et associés, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la CCIP le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il fait valoir que :

- il est recevable à agir contre la délibération litigieuse dès lors qu'elle implique nécessairement des effets sur le volume et la structure des emplois, dont le sien ;

- l'absence de consultation préalable de la commission paritaire locale (CPL) est contraire au principe constitutionnel de participation des travailleurs à la détermination des conditions de travail contenu dans l'article 8 du préambule de la Constitution de 1946 ;

- l'article 30 du règlement intérieur prévoit la consultation de la CPL avant toute décision systémique d'ordre règlementaire de la CCIP de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ou les conditions d'emploi de personnel de la même manière que le sont les comités techniques paritaires dans la fonction publique ;

- la consultation d'un comité technique paritaire constitue une formalité substantielle avant une réorganisation des services ;

- l'article 11 du statut donne compétence à la CPL pour donner un avis sur toutes les questions concernant le personnel ;

- le moyen de légalité interne tiré de ce que la suppression de l'emploi de M. B...n'était pas justifiée était recevable dès lors qu'était invoqué par la voie de l'exception un vice de légalité externe de la délibération du 24 juin 2010 sur laquelle se fonde la délibération attaquée du 17 février 2011 ;

- le maintien du poste était justifié par ses résultats et parce qu'il pouvait être reconfiguré ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 janvier 2015, présenté pour la Chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Île-de-France qui persiste dans ses conclusions en faisant en outre valoir que :

- M. B... pris individuellement n'a pas intérêt à agir contre la décision réglementaire dès lors que la décision individuelle le concernant est devenue définitive ;

- le Conseil constitutionnel a jugé qu'il appartenait au seul législateur de déterminer les conditions et garanties de mise en oeuvre du 8ème alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ;

- les commissions paritaires n'ont compétence que pour les décisions individuelles ;

- même en cas de regroupement de plusieurs compagnies consulaires, les CPL ne sont consultées qu'après les décisions des assemblées générales ;

- la CPL n'a pas les compétences d'un comité technique paritaire dans la fonction publique ;

- le juge n'est pas compétent pour apprécier les mesures de suppression d'emploi ;

- la restructuration ne concernait pas que le service auquel appartenait l'intéressé et les résultats présentés par lui concernant le nombre de connections est en tout état de cause sans incidence ;

Vu l'ordonnance du 10 avril 2015 fixant la clôture d'instruction au 4 mai 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 avril 2015, présenté pour M. B... qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et en faisant en outre valoir que la juridiction administrative exerce un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation sur les décisions de suppression d'emploi ;

Vu le mémoire de production, enregistré le 21 mai 2015, présenté pour la Chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Île-de-France ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 mai 2015, présenté pour M. B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution et son préambule ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie, des chambres de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;

Vu le règlement intérieur du personnel de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2015 :

- le rapport de Mme Terrasse, président assesseur,

- les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public,

- les observations de MeD..., pour la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Île-de-France ;

- et les observations de MeA..., pour M.B... ;

1. Considérant que l'assemblée générale de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP), a arrêté le 24 juin 2010 de nouvelles orientations stratégiques qui ont donné lieu à l'élaboration d'un projet de réorganisation dénommé CAP 2015 ; que le 17 février 2011, une seconde assemblée générale a approuvé le projet de réorganisation qui se traduisait notamment par la suppression de 314 emplois permanents, la non reconduction de 67 contrats à durée déterminée et la création de 187 nouveaux emplois ; qu'à la demande de M.B..., qui occupait l'un des emplois supprimés et a été licencié, le Tribunal administratif de Paris a, par un jugement du 10 avril 2014, annulé la délibération de l'assemblée générale de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris du 17 février 2011 et rejeté le surplus des conclusions de

M. B...; que la Chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France (CCIP) venant aux droits de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a annulé cette délibération ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que si la Chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Île-de-France soutient que tous les mémoires produits par M. B...devant le Tribunal administratif ne lui auraient pas été communiqués, elle n'assortit pas ce moyen de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

3. Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

Sur la recevabilité de la demande de M. B...devant le tribunal administratif :

4. Considérant que eu égard à ses effets sur l'emploi de M.B..., qui fait partie de ceux dont la suppression est prévue, la délibération attaquée ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur mais une décision faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges n'ont pas opposé d'irrecevabilité tirée de l'absence d'intérêt à agir de M.B... ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 712-1 du code de commerce : " Dans chaque établissement public du réseau, l'assemblée générale des membres élus détermine les orientations et le programme d'action de l'établissement. A cette fin, elle délibère sur toutes les affaires relatives à l'objet de celui-ci, notamment le budget, les comptes et le règlement intérieur. (...) " ; que l'ensemble des agents ayant la qualité d'agent de droit public occupant un emploi permanent à temps complet dans une compagnie consulaire de commerce et d'industrie sont soumis à un statut approuvé par un arrêté du 25 juillet 1997 ; que l'article 11 de ce statut précise que la commission paritaire locale propre à chaque compagnie " est chargée d'établir le règlement intérieur pour l'application des dispositions du présent statut et d'apporter éventuellement à ce règlement les modifications qui seraient jugées nécessaires. Informée des recrutements effectués par la compagnie consulaire, elle a compétence pour donner son avis sur toute question concernant le personnel à l 'exclusion du Directeur général (...) " ; que l'article 35-1 du statut dispose : " Procédure de licenciement pour suppression d'emploi : Lorsqu'une Compagnie Consulaire décide de prendre des mesures pouvant entraîner un ou plusieurs licenciements par suppression d'emploi, le Président, au vu de la délibération prise en Assemblée Générale, convoque la Commission Paritaire Locale aux fins de l'informer.(...) Un dossier est communiqué, aux plus tard 15 jours avant la date de la réunion aux membres de la commission paritaire locale et aux délégués syndicaux..... Ce dossier comprend : / - une information sur les raisons économiques, financières et techniques qui sont à l'origine de la suppression d'un ou plusieurs postes de travail ; / - une information sur les moyens examinés par la Compagnie consulaire pour éviter les suppressions d'emplois (...) ; / - la liste des emplois susceptibles d'être supprimés (...) ; / - les aides et mesures d'accompagnement apportées aux agents licenciés pour faciliter leur réemploi sur des emplois équivalents (...).Dans le délai d'un mois et au plus tôt dans un délai de huit jours francs qui suit le ou les entretiens individuels, la commission paritaire locale est convoquée de nouveau pour émettre un avis d'une part sur les démarches, propositions et actions entreprises pour éviter les licenciements et d'autre part sur les mesures individuelles de licenciements envisagées. " ;

6. Considérant, en second lieu, que le règlement intérieur de la compagnie, dans sa rédaction applicable à l'espèce, précise dans le premier alinéa de son article 30 : " La garantie de l'emploi est assurée à tout agent titulaire selon les modalités suivantes : 1) Avant toute décision de la chambre de commerce et d'industrie de Paris, la commission paritaire locale doit être obligatoirement informée et consultée sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d'emploi et de travail du personnel. Elle formule des avis sur ces divers points (...). " ;

7. Considérant qu'il ressort de la combinaison des dispositions précitées que l'article 35-1 du statut régit la procédure devant être suivie après adoption de la délibération décidant de prendre des mesures pouvant entraîner des licenciements par suppression d'emploi, ainsi que l'indiquent ses termes " au vu de la délibération prise en Assemblée Générale " ; qu'il n'est pas contradictoire avec le premier alinéa de l'article 30 du règlement intérieur qui impose une consultation de la commission paritaire locale (CPL) avant toute mesure pouvant affecter l'emploi ou les conditions de travail et donc avant qu'intervienne la délibération de l'assemblée générale arrêtant des décisions de cette nature ; que cette mesure d'information et le recueil de l'avis, non contraignant, de la CPL n'affecte en rien la compétence de l'assemblée générale qui seule a le pouvoir de décider de supprimer des emplois ; que cette consultation préalable constitue une garantie découlant du principe énoncé à l'alinéa 8 du préambule de la Constitution de 1946 qui énonce : " Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises " lequel est applicable au secteur public aux termes de la décision du Conseil Constitutionnel QPC n° 2011-134. du 17 juin 2011 Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT et autres ; que l'absence de cette consultation préalable de la CPL, qui a privé les représentants du personnel d'une garantie, a constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité de la délibération du 17 février 2011 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Île-de-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la délibération de l'assemblée générale de la Chambre du 17 février 2011 ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Île-de-France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de celle-ci une somme de 1 500 euros à verser à M.B... sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Chambre de commerce et d'industrie de la région Paris

Île-de-France est rejetée.

Article 2 : La Chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Île-de-France versera à

M. B...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Île-de-France et à M. C... B....

Délibéré après l'audience du 28 mai 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Vettraino, président de chambre,

Mme Terrasse, président assesseur,

M. Romnicianu, premier conseiller,

Lu en audience publique le 11 juin 2015.

Le rapporteur,

M. TERRASSELe président,

M. VETTRAINO

Le greffier,

E. CLEMENT

La République mande et ordonne au ministre de la décentralisation et de la fonction publique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N° 14PA02420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02420
Date de la décision : 11/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Marianne TERRASSE
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU ET UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-11;14pa02420 ?
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