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23/01/2015 | FRANCE | N°14PA01311

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 23 janvier 2015, 14PA01311


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mars et 24 avril 2014, présentés par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1315224/3-3 du 18 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 juillet 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A...et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il sout

ient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'intéressée remplit...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mars et 24 avril 2014, présentés par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1315224/3-3 du 18 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 juillet 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A...et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'intéressée remplit les conditions fixées par la circulaire du 28 novembre 2012 qui a pas de portée réglementaire ;

- l'intéressée ne produit pas à l'appui de sa demande un formulaire CERFA visé par le service de la main d'oeuvre étrangère ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2014, présenté pour Mme A..., par Me Maugin qui conclut à la confirmation du jugement attaqué ainsi qu'à ce que soit mis à la charge de l'État le versement à Me Maugin d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 19 juillet 1991 ;

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la méconnaissance par le préfet de la circulaire du 28 novembre 2012 dès lors qu'elle justifie remplir les conditions de séjour et d'activité professionnelles fixées par cette circulaire, qui comporte des lignes directrices invocables par les administrés ;

- elle reprend ses écritures de première instance quant aux moyens non retenus par le Tribunal administratif de Paris et tenant, en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour, à l'insuffisance de motivation, l'absence d'examen de sa situation personnelle, l'erreur de fait, la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'erreur manifeste d'appréciation, la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-10 7° du code précité, ainsi qu'en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, l'incompétence de l'auteur de l'acte, l'erreur manifeste d'appréciation, et la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention susvisée ;

Vu la décision n° 14/023242 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, du 19 juin 2014, accordant à Mme A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires ;

Vu la circulaire NOR INTK1229185C du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 sur les conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2015 le rapport de Mme Terrasse, rapporteur ;

1. Considérant que Mme A..., ressortissante ukrainienne née le 10 juillet 1951, entrée sur le territoire en 2005, selon ses déclarations, a sollicité en 2013 auprès des services de la préfecture de police la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par arrêté du 3 juillet 2013, le préfet de police a opposé un refus à sa demande et l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que le préfet de police relève appel du jugement du

18 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour mention " salarié " ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. / La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention "travailleur temporaire" lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois. Si la rupture du contrat de travail du fait de l'employeur intervient dans les trois mois précédant le renouvellement de la carte portant la mention "salarié", une nouvelle carte lui est délivrée pour une durée d'un an (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

3. Considérant que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition de ce code ; qu'il peut, en outre, exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu d'éléments de sa situation personnelle dont il justifierait ;

4. Considérant qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de la circulaire du 28 novembre 2012 susvisée du ministre de l'intérieur, adressée aux préfets et publiée, conformément aux prescriptions du décret du 8 décembre 2008 susvisé, sur le site internet Légifrance : " (...) les demandes des étrangers en situation irrégulière qui sollicitent une admission exceptionnelle au séjour doivent faire l'objet d'un examen approfondi, objectif et individualisé sur la base des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du CESEDA en tenant compte notamment de leur intégration dans la société française, de leur connaissance des valeurs de la République et de la maîtrise de la langue française. / A cet effet, la présente circulaire (...) précise les critères d'admission au séjour sur la base desquels vous pourrez fonder vos décisions. Elle est destinée à vous éclairer dans l'application de la loi et dans l'exercice du pouvoir d'appréciation qui vous est reconnu par la législation (...) " ;

5. Considérant qu'au sein du paragraphe 2 de cette circulaire, intitulé " Les critères d'admission exceptionnelle au séjour ", le point 2.2, intitulé " L'admission au séjour au titre du travail ", comporte un point 2.2.1, intitulé " Principes d'éligibilité ", qui indique : " En application de l'article L. 313-14 du CESEDA, vous pourrez apprécier favorablement les demandes d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, dès lors que l'étranger

justifie : / - d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche (formulaire CERFA

n° 13653*03) et de l'engagement de versement de la taxe versée au profit de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (formulaire CERFA n° 13662*05) ; / - d'une ancienneté de travail de 8 mois, consécutifs ou non, sur les 24 derniers mois ou de 30 mois, consécutifs ou non, sur les 5 dernières années ; - d'une ancienneté de séjour significative, qui ne pourra qu'exceptionnellement être inférieure à cinq années de présence effective en France. / Néanmoins, vous pourrez prendre en compte une ancienneté de séjour de trois ans en France dès lors que l'intéressé pourra attester d'une activité professionnelle de vingt-quatre mois dont huit, consécutifs ou non, dans les douze derniers mois (...) / Dans ces conditions, après visa du formulaire CERFA par le service de la main d'oeuvre étrangère, l'un des deux titres de séjour suivants mentionnés à l'article L. 313-10 du CESEDA sera délivré : / - une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" pour les contrats de travail d'une durée supérieure ou égale à douze mois / - une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " pour les contrats de travail d'une durée inférieure à douze mois " ;

6. Considérant qu'aux termes du point 2.2.2 de la circulaire susvisée, intitulé : " Instruction de la demande d'autorisation de travail " : " Vous privilégierez les situations où l'étranger bénéficie d'un contrat à durée indéterminée. S'agissant toutefois de la prise en considération des contrats à durée déterminée, les services de main d'oeuvre étrangère s'assureront d'un engagement sérieux de l'employeur en ne retenant que les contrats d'une durée égale ou supérieure à six mois. / (...) L'autorisation de travail sera accordée au vu des éléments d'appréciation figurant aux alinéas 2° à 6° de à l'article R. 5221-20 du code du travail. Pour l'application de la procédure d'admission exceptionnelle au séjour prévue par la présente circulaire, la situation de l'emploi ne sera pas opposée aux demandeurs qui remplissent l'ensemble de ces critères. / Le critère d'adéquation entre, d'une part, la qualification et l'expérience professionnelle de l'intéressé et, d'autre part, les caractéristiques de l'emploi qu'il souhaiterait occuper, doit être apprécié avec soin, à la lumière des emplois précédemment occupés (...) " ;

7. Considérant que, par les énonciations précitées, le ministre de l'intérieur a, sans limiter le pouvoir d'appréciation des préfets dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni le pouvoir discrétionnaire de régulariser la situation d'un étranger qui leur appartient, indépendamment de ces dispositions, et sans édicter aucune condition nouvelle de caractère réglementaire, défini des orientations générales applicables à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que les énonciations citées aux points 5 et 6 ci-dessus, de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, constituent des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir ;

8. Considérant que si le préfet soutient que la requérante ne remplit pas les conditions de la circulaire précitée au motif qu'elle ne produit pas à l'appui de sa demande un contrat de travail visé par le service de la main d'oeuvre étrangère, il ne ressort pas de ce texte que l'instruction d'une demande de titre fondée sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour soit conditionnée par la production d'un tel document ; qu'ainsi, il ressort des pièces du dossier que Mme A...justifie d'une ancienneté de séjour de quatre ans, les pièces qu'elle produit avant juillet 2009 n'étant pas suffisamment nombreuses et probantes pour établir la présence continue de l'intéressée en France, d'une activité professionnelle en qualité de nourrice notamment de juillet 2009 à juillet 2013 pendant 33 mois, dont 12 mois consécutifs au cours des douze derniers mois à compter de la date de l'arrêté contesté, et d'une demande d'autorisation de travail remplie par son employeur sur un formulaire CERFA ainsi que de l'engagement de ce dernier de verser la taxe prévue au profit de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; que dans ces circonstances elle remplit les conditions fixées par le point 2.2.1 susvisé de la circulaire ; que de plus, elle justifie d'une activité en qualité de nourrice de plus de quatre ans à la date de la décision attaquée et établit disposer des compétences nécessaires, notamment linguistiques, pour accompagner les enfants de ses employeurs dans leur double scolarité franco-russe ; qu'ainsi elle satisfait également au critère mentionné au point 2.2.2 de la circulaire susvisée, portant sur l'adéquation entre, d'une part, sa qualification et son expérience professionnelle et, d'autre part, les caractéristiques de l'emploi qu'elle souhaite occuper ; qu'ainsi il ressort de ces éléments que la situation de la requérante répond à un motif exceptionnel ouvrant droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par les premiers juges dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 susvisée ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 juillet 2013 refusant à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi susvisées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Maugin avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros à Me Maugin ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me Maugin, avocat de MmeA..., une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Maugin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Vettraino, président de chambre,

Mme Terrasse, président assesseur,

M. Romnicianu, premier conseiller,

Lu en audience publique le 23 janvier 2015.

Le rapporteur,

M. TERRASSELe président,

M. VETTRAINO

Le greffier,

E. CLEMENT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N° 14PA01311


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01311
Date de la décision : 23/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Marianne TERRASSE
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : MAUGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-01-23;14pa01311 ?
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