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02/02/2015 | FRANCE | N°14PA00618

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 02 février 2015, 14PA00618


Vu, la requête, enregistrée le 10 février 2014 sous le n° 14PA00618, présentée pour la commune de Bonneuil-sur-Marne, représentée par son maire en exercice, par Me C...A...; la commune de Bonneuil-sur-Marne demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102101/9 et 1104200/9 du 18 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant, à titre principal, à l'annulation de l'arrêté interministériel du 13 décembre 2010 portant constatation de l'état de catastrophe naturelle en tant qu'il refuse de reconnaître la commune de Bonneui

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Vu, la requête, enregistrée le 10 février 2014 sous le n° 14PA00618, présentée pour la commune de Bonneuil-sur-Marne, représentée par son maire en exercice, par Me C...A...; la commune de Bonneuil-sur-Marne demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102101/9 et 1104200/9 du 18 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant, à titre principal, à l'annulation de l'arrêté interministériel du 13 décembre 2010 portant constatation de l'état de catastrophe naturelle en tant qu'il refuse de reconnaître la commune de Bonneuil-sur-Marne en état de catastrophe naturelle au titre des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols pendant la période du 1er juin au 31 décembre 2009, et, à titre subsidiaire, de désigner un expert chargé de rechercher si les phénomènes qu'elle a invoqués relèvent des critères de l'état de catastrophe naturelle définis par la loi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté interministériel ;

3°) subsidiairement, d'ordonner une expertise aux fins de rechercher si les phénomènes invoqués relèvent de l'état de catastrophe naturelle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier faute d'avoir répondu au moyen tiré de ce que les critères retenus par l'autorité ministérielle pour apprécier l'état de catastrophe naturelle ne sont pas conformes à la loi, en l'espèce l'article L. 125-1 du code des assurances et faute d'avoir fait droit à sa demande de désigner un expert dès lors qu'elle apportait des éléments précis et concordants concernant l'apparition simultanée de dommages sur des bâtiments situés sur une partie de son territoire ;

- les décisions attaquées sont entachées d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation et méconnaissent le principe d'égalité de traitement dès lors que, pour des phénomènes similaires, des communes voisines ont été reconnues victimes d'un état de catastrophe naturelle ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2014 par voie dématérialisée, présenté pour 1e ministre de l'intérieur, par MeB..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que la Cour mette à la charge de la commune de Bonneuil-sur-Marne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable pour avoir été signée par une personne dont l'identité et la qualité ne sont pas précisées ;

- les décisions contestées, loin d'être entachées d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation, ont au contraire été prises sur la base de données scientifiques objectives en adéquation avec les objectifs de l'article L. 125-5 du code des assurances qui retient le double critère de l'intensité et de l'anormalité de l'agent naturel ;

- le moyen tiré de la violation du principe d'égalité, outre qu'il est inopérant, manque en

fait ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 août 2014, présenté pour la commune de Bonneuil-sur-Marne, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 13 octobre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 5 janvier 2015, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 janvier 2015 :

- le rapport de M. Auvray, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la commune de Bonneuil-sur-Marne ;

Sur la régularité du jugement, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances : " (...) Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pas pu empêcher leur survenance ou n'ont pas pu être prises./ L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation (...) " ;

2. Considérant que la commune de Bonneuil-sur-Marne a saisi le préfet du Val-de-Marne d'une demande, datée du 9 mars 2010, tendant à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle en raison des dommages causés à 93 bâtiments sis sur son territoire imputés à des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols pendant la période du

1er juin au 31 décembre 2009 ; que cette demande a été transmise le 28 avril suivant au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ; que la commune de Bonneuil-sur-Marne ne figure pas au nombre des communes reconnues en état de catastrophe naturelle énumérées à l'annexe II de l'arrêté interministériel contesté du 13 décembre 2010, ce dont le préfet du Val-de-Marne a informé l'appelante par courrier du 20 janvier 2011 ;

3. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la commune de Bonneuil-sur-Marne, il ressort du jugement attaqué et, notamment, de son point 6 éclairé par le point précédent, que les premiers juges n'ont pas omis de statuer sur le moyen tiré de ce que les ministres, signataires de l'arrêté contesté, n'auraient pas été compétents pour déterminer les critères permettant de définir l'état de catastrophe naturelle ;

4. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des motifs du jugement attaqué que les premiers juges, après avoir notamment relevé que les ministres concernés avaient versé aux débats le procès-verbal de la commission interministérielle du 21 septembre 2010, chargée d'émettre un avis sur le caractère de catastrophe naturelle, le rapport météorologique établi par Météo France relatif à la sécheresse géotechnique de 2009 ainsi que la fiche individuelle mentionnant les données propres à la commune de Bonneuil-sur-Marne, ont estimé être suffisamment informés pour statuer sur la demande dont ils étaient saisis ; que, par suite, en ne prescrivant pas l'expertise que la commune requérante avait sollicitée, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Bonneuil-sur-Marne n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances, qui subordonnent la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à l'existence d'un agent naturel d'une intensité anormale à l'origine des dommages constatés, ne font nullement obstacle à ce que l'autorité ministérielle compétente détermine une méthodologie et des critères lui permettant d'apprécier de façon objective la situation de chaque commune, dès lors que ces critères, qui peuvent évoluer compte tenu de l'état des connaissances scientifiques, sont en adéquation avec les objectifs fixés par ces dispositions ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour instruire les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à raison des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols constatés au cours de l'année 2009, les ministres se sont fondés sur une méthode développée par Météo France, dite " SIM ", qui utilise l'ensemble des données pluviométriques et permet de réaliser une modélisation du bilan hydrique des sols argileux sur l'ensemble du territoire français, divisé en mailles carrées de 8 kilomètres de côté, pour chacune desquelles est évalué le seuil à partir duquel le phénomène de retrait-gonflement issu de la sécheresse est considéré comme intense et anormal; qu'ainsi, en période hivernale, le phénomène de sécheresse est reconnu comme intense et anormal si l'indice d'humidité du sol est inférieur à 80% de la normale durant une décade du trimestre de recharge (janvier à mars) et, en période estivale, la sécheresse géotechnique peut être classée en état de catastrophe naturelle si l'indice moyen d'humidité du sol mesuré sur la base d'un index dit SWI " Soil Wetness Index " au cours du 3ème trimestre de l'année 2009 est inférieur à 70% de la normale et si le nombre de décades pendant lesquelles cet indice est inférieur à 0,27 est l'une des trois périodes les plus longues constatées depuis les 20 dernières années (1989-2009) ou si cet indice d'humidité des 9 décades composant la période allant du mois de juillet au mois de septembre est si faible que le temps de retour à la normale de la moyenne représente au moins 25 années ; que ces deux critères, d'ailleurs alternatifs, destinés à mesurer les sécheresses estivales, sont de nature à identifier une sécheresse d'une intensité anormale et, par suite, répondent aux objectifs posés à l'article L. 125-1 du code des assurances ; que, dès lors, en s'appuyant sur les résultats issus de cette méthodologie, l'autorité ministérielle n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ;

8. Considérant, en second lieu, que le territoire de la commune de Bonneuil-sur-Marne est compris, pour l'essentiel, sur la maille 1681 et, à titre résiduel, sur la maille 1585 ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, de la fiche technique établie par Météo France que, s'agissant de la sécheresse hivernale, l'indice d'humidité représentait 87% de la normale bien supérieur à l'indice de 80% en deçà duquel le phénomène de sécheresse pourrait être reconnu comme intense et anormal; que, s'agissant de la sécheresse estivale, concernant le premier critère, le rapport de la moyenne de l'indice d'humidité du sol superficiel du 3ème trimestre 2009 à la moyenne de cet indice s'établit à 79%, soit supérieur à l'indice de 70% mentionné au point 7, le nombre de décades durant lesquelles l'indice d'humidité du sol superficiel a été inférieur à 0,27 étant égal à 0 et que, concernant le second critère, la durée de retour à la moyenne des indices d'humidité du sol s'établit à 4,64 années au lieu de plus de 25 ans, étant précisé que ces deux derniers critères sont alternatifs ;

10. Considérant que si la commune de Bonneuil-sur-Marne conteste ces résultats en relevant que les 93 bâtiments ayant subi des dommages en 2009 à l'origine de sa demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sont concentrés dans le quartier du Haut-Bonneuil, sur une zone d'aléa argileux fort qui correspond, à peu de chose près, à la zone pour laquelle l'état de catastrophe naturelle avait été constaté à plusieurs reprises et, en dernier lieu, en 2005, il ressort des pièces du dossier et, notamment, des éléments mentionnés au point précédent, qui en outre sont strictement identiques pour chacune des deux mailles sur lesquelles s'étend le territoire de la commune, que les valeurs relevées sont sensiblement éloignées de celles retenues pour que soit reconnu l'état de catastrophe naturelle ; qu'il suit de là que doit être écarté le moyen tiré de ce que l'arrêté interministériel contesté du 13 décembre 2010, qui ne retient pas la commune de Bonneuil-sur-Marne au nombre de celles pour lesquelles il constate l'état de catastrophe naturelle, serait entaché d'erreur d'appréciation ;

11. Considérant, en dernier lieu, que si la commune de Bonneuil-sur-Marne soutient que l'autorité ministérielle a méconnu le principe d'égalité au motif qu'elle a reconnu pour d'autres communes, pourtant voisines, l'état de catastrophe naturelle, il n'est pas contesté que l'évaluation des phénomènes en cause et de leur caractère exceptionnel a été appréciée dans ces communes, à l'aide des mêmes critères que ceux appliqués à la commune requérante ; que dans ces conditions, le moyen ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par la commune de Bonneuil-sur-Marne, laquelle ne serait pas utile à la résolution du litige, que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour mette à la charge de l'Etat qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que réclame la commune de Bonneuil-sur-Marne au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; qu'il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette commune une somme de 500 euros au titre des frais exposés par l'Etat et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Bonneuil-sur-Marne est rejetée.

Article 2 : La commune de Bonneuil-sur-Marne versera à l'Etat (ministère de l'intérieur) une somme de 500 (cinq cents) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bonneuil-sur-Marne et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

M. Auvray, président assesseur,

Mme Petit, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 février 2015.

Le rapporteur,

B. AUVRAYLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAULe greffier,

S. LAVABRELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00618
Date de la décision : 02/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

12-03 Assurance et prévoyance. Contentieux.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : FERGON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-02-02;14pa00618 ?
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