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21/10/2014 | FRANCE | N°14PA00176

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 21 octobre 2014, 14PA00176


Vu le recours, enregistré le 16 janvier 2014, présenté pour le ministre de l'intérieur par la SCP Saidji-Moreau ; le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1316982/8 du 2 décembre 2013 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 27 novembre 2013 rejetant la demande d'admission au séjour au titre de l'asile de M. B...A...et a mis à la charge de l'État le versement à celui-ci de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de re

jeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Pari...

Vu le recours, enregistré le 16 janvier 2014, présenté pour le ministre de l'intérieur par la SCP Saidji-Moreau ; le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1316982/8 du 2 décembre 2013 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 27 novembre 2013 rejetant la demande d'admission au séjour au titre de l'asile de M. B...A...et a mis à la charge de l'État le versement à celui-ci de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

Vu la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts ;

Vu la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ;

Vu la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 2014 :

- le rapport de M. Cantié, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- les observations de Me Floret, avocat du ministre de l'intérieur, et les observations de Me Berdugo, avocat de M.A... ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant sri-lankais se déclarant né le 26 septembre 1992, a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire lors de son arrivée en France à l'aéroport de Roissy le 26 novembre 2013 dès lors qu'il était dépourvu de tout document de voyage valable ; qu'ayant refusé d'être rapatrié avant l'expiration du délai d'un jour franc en application de l'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a été maintenu en zone d'attente ; que par décision du 27 novembre 2013, prise après avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le ministre de l'intérieur a rejeté comme manifestement infondée la demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée par M. A...et a prescrit son réacheminement vers tout pays où il sera légalement admissible ; que le ministre de l'intérieur relève régulièrement appel du jugement du 2 décembre 2013 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et a mis à la charge de l'État le versement à M. A... de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui arrive en France par la voie (...) aérienne et qui, soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente située dans (...) un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 213-2 du même code : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande. / La décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui procède à l'audition de l'étranger. / Lorsque l'audition du demandeur d'asile nécessite l'assistance d'un interprète, sa rétribution est prise en charge par l'Etat. / Cette audition fait l'objet d'un rapport écrit (...) " ; que selon l'article R. 213-3 dudit code : " L'autorité administrative compétente pour prendre la décision mentionnée à l'article R. 213-2 de refuser l'entrée en France à un étranger demandant à bénéficier du droit d'asile est le ministre chargé de l'immigration (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 susvisée : " 1. En ce qui concerne les procédures prévues au chapitre III, les États membres veillent à ce que tous les demandeurs d'asile bénéficient des garanties suivantes : / a) ils sont informés, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de la procédure ainsi que des conséquences que pourrait avoir le non-respect de leurs obligations ou le refus de coopérer avec les autorités. Ils sont informés du calendrier, ainsi que des moyens dont ils disposent pour remplir leur obligation de présenter les éléments visés à l'article 4 de la directive 2004/83/CE. Ces informations leur sont communiquées à temps pour leur permettre d'exercer les droits garantis par la présente directive et de se conformer aux obligations décrites à l'article 11 ; / b) ils bénéficient, en tant que de besoin, des services d'un interprète pour présenter leurs arguments aux autorités compétentes (...) c) la possibilité de communiquer avec le HCR ou toute autre organisation agissant au nom du HCR sur le territoire de l'État membre en vertu d'un accord conclu avec ce dernier ne leur est pas refusée " ; qu'aux termes de l'article 15 de la même directive : " 1. Les États membres accordent aux demandeurs d'asile la possibilité effective de consulter, à leurs frais, un conseil juridique ou un autre conseiller reconnu comme tel ou autorisé à cette fin en vertu du droit national sur des questions touchant à leur demande d'asile (...) " ; qu'aux termes de l'article 35 de la directive précitée : " 1. Les États membres peuvent prévoir des procédures conformément aux principes de base et aux garanties fondamentales visés au chapitre II afin de se prononcer, à leur frontière ou dans leurs zones de transit, sur une demande d'asile déposée en un tel lieu (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, interprétées à la lumière des dispositions précitées de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 dont elles assurent la transposition en droit interne, que l'étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile doit être informé du déroulement de la procédure dont il fait l'objet et des moyens dont il dispose pour satisfaire à son obligation de justifier du bien-fondé de sa demande ; que ces dispositions impliquent que l'étranger soit mis à même de solliciter l'assistance d'un conseil avant son audition par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'elles impliquent également que l'étranger ne se voit pas refuser la possibilité de communiquer avec un représentant du Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR) ;

5. Considérant en l'espèce, qu'il ressort du procès-verbal dressé par l'agent de la police aux frontières ayant notifié à M.A... ses droits et obligations que ce dernier, bénéficiant du concours d'un interprète par voie téléphonique, a été informé, le 27 novembre 2013 à compter de 9 h 41, de ce qu'il avait la possibilité de se faire assister au cours de la procédure d'asile par un avocat ou par une association humanitaire habilitée à assister juridiquement les étrangers en zone d'attente et qu'un agent de l'OFPRA rendrait un avis sous la forme d'un rapport écrit portant sur le caractère manifestement fondé ou non de sa demande d'asile, après examen des motifs de celle-ci ; que l'intéressé a été ainsi mis à même de comprendre qu'il allait rencontrer un agent pour présenter les motifs de sa demande et qu'il disposait du droit de se faire assister à cette occasion ; que l'audition de l'intéressé par un agent de l'OFPRA a, selon le compte rendu de celle-ci, commencé à 10 h 57, soit une heure et seize minutes après le début de l'entretien avec l'agent de la police aux frontières; que si M. A...soutient qu'il n'a pas disposé de la possibilité effective de bénéficier de l'assistance d'un conseil, il n'allègue aucunement qu'il aurait vainement tenté de contacter un conseil avant le début de son audition et, au demeurant, n'a pas fait état, lors de cette audition, de ce qu'il n'avait pu matériellement obtenir l'assistance d'un conseil ; que M. A...n'établit pas, ainsi qu'il le soutient par ailleurs, que son conseil aurait transmis à l'administration, le 25 novembre 2013, une télécopie afin de pouvoir préparer son audition ; qu'enfin, l'intéressé, qui ne démontre pas que la possibilité de communiquer avec un représentant du HCR lui aurait été refusée, ne peut utilement soutenir que l'administration n'a pas établi qu'il pouvait bénéficier du concours du HCR ; que, dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées relatives aux garanties accordées aux demandeurs d'asile placés en zone d'attente doivent être écartés ; qu'il suit de là que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué du Tribunal administratif de Paris a estimé que ces moyens étaient de nature à établir l'ineffectivité des droits garantis par la directive précitée, pour procéder à l'annulation de la décision du 27 novembre 2013 rejetant comme manifestement infondée la demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée par M. A...et prescrivant son réacheminement vers tout pays où il sera légalement admissible ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie par de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.A... ;

7. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant dans ses écritures, il ne résulte pas de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la justification de la nécessité du recours à un interprète par voie téléphonique doive être formalisée dans un document, tel que le procès-verbal faisant état de la teneur de l'audition de l'étranger par le représentant de l'OFPRA ; que le moyen invoqué ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...ne peut utilement invoquer les dispositions des articles 12 et 16 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, relatives au contenu de l'entretien personnel, dont le délai de transposition expire, en vertu du 1 de son article 51, le 20 juillet 2015, soit postérieurement à l'arrêté contesté ;

9. Considérant, en troisième lieu, que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que ce droit implique que l'étranger qui sollicite en France la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire français jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ; que c'est seulement dans le cas où celle-ci est manifestement infondée que le ministre chargé de l'immigration peut, après consultation de l'OFPRA, lui refuser l'accès à ce territoire ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre chargé de l'immigration peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque ses déclarations et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er A. (2) de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ; qu'il suit de là que M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'en appréciant la crédibilité de ses déclarations faisant état de persécutions dans son pays d'origine et de risques en cas de retour dans ce pays et en se prononçant sur le bien-fondé de sa demande, le ministre a excédé sa compétence et a entaché sa décision d'un détournement de procédure ;

10. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que les déclarations de M. A..., telles qu'elles ont été consignées dans le compte-rendu d'entretien avec le représentant de l'OFPRA, selon lesquelles il craindrait pour sa vie en cas de retour au Sri Lanka en raison du soutien apporté à Jaffna à un candidat aux élections municipales au cours du mois de septembre 2013, sont imprécises et dénuées d'éléments circonstanciés et entachées d'invraisemblances, dès lors qu'il indique qu'il aurait par la suite quitté Jaffna pour Colombo et que ledit candidat aurait remporté l'élection; qu'elles sont ainsi manifestement dépourvues de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé ; que, par suite, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation, ni méconnaître les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le ministre a rejeté la demande d'asile de M. A...comme manifestement infondée et a prescrit son réacheminement vers tout pays où il serait légalement admissible ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Paris a prononcé l'annulation de son arrêté du 27 novembre 2013 et a mis à la charge de l'État le versement à M. A...de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées devant la Cour par M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1316982/8 du 2 décembre 2013 du magistrat délégué du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

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N° 14PA00176


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00176
Date de la décision : 21/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-01-01


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Christophe CANTIE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-10-21;14pa00176 ?
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