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15/10/2015 | FRANCE | N°14NT01757

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 octobre 2015, 14NT01757


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J...E...et Mme A...D...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier universitaire de Rennes à réparer les conséquences dommageables de l'accident dont M. B...E..., leur frère, a été victime le 6 octobre 2007, alors qu'il était admis dans cet établissement, et d'appeler à la cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de la solidarité nationale.

Par un jugement n° 100498

2 du 28 mai 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande des cons...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J...E...et Mme A...D...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier universitaire de Rennes à réparer les conséquences dommageables de l'accident dont M. B...E..., leur frère, a été victime le 6 octobre 2007, alors qu'il était admis dans cet établissement, et d'appeler à la cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de la solidarité nationale.

Par un jugement n° 1004982 du 28 mai 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande des consortsE....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2014, les consortsE..., représentés par MeL..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 mai 2014 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Rennes ou, à titre subsidiaire, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser :

- à M. B...E..., pris en la personne de son tuteur DidierE..., la somme de 1 345 025,98 euros, provisions non déduites, au titre de l'ensemble de ses préjudices, outre la rente trimestrielle de 16 500 euros au titre des arrérages à échoir pour les frais d'aide par une tierce personne à compter du 21 avril 2014 ;

- à Jean-PaulE..., Cécile D...et ElodieE..., fille mineure de M. B...E...prise en la personne de son représentant légal, la somme de 40 000 euros chacun au titre de leur préjudice par ricochet ;

3°) de mettre à la charge des personnes succombant dans la présente instance la somme de 10 000 euros à verser à M. B...E...et celle de 1000 euros à verser chacun à Jean-PaulE..., Cécile D...et Elodie E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- à titre principal, la responsabilité pour faute du centre hospitalier universitaire de Rennes est engagée car les deux experts ont indiqué que c'est la crise comitiale qui a causé la chute de la victime de son brancard ; or le patient présentait un risque de récidive de 49% et il aurait dû être instauré immédiatement un traitement ;

- à titre subsidiaire, la réparation des préjudices subis doit être prise en charge au titre de la solidarité nationale car le fait de chuter d'un brancard au service des urgences suite à une admission pour une crise épileptique dans le cadre d'un sevrage alcoolique constitue un accident médical non fautif ouvrant droit à réparation selon les dispositions de l'article L.1142-1 du code de la santé publique ;

- l'ensemble des préjudices subis par M. B...E...doit être indemnisé ; les frais liés au handicap s'élèvent à la somme totale de 435 248,03 euros qui correspond à des frais d'hébergement d'un montant de 143 516,43 euros, à des frais d'aménagement du domicile pour un montant de 56 714,40 euros, à l'intervention d'une tierce personne sous la forme d'un capital de 198 000 euros pour les arrérages échus et à des frais d'aménagement de véhicule et des frais de séjour estival estimés à la somme de 37 017,20 euros ; doit s'ajouter au montant précité de 435 248,03 euros le versement d'une rente trimestrielle viagère de 16 500 euros à compter du 21 avril 2014 au titre des arrérages à échoir des frais de tierce personne ; le préjudice lié à la perte de revenus et l'incidence professionnelle s'élève à la somme de 470 541,49 euros ; les autres dépenses liées au dommage corporel sont arrêtées à la somme de 686,46 euros ; enfin les préjudices personnels doivent être indemnisés pour un montant total de 431 550 euros qui correspond aux sommes de 30 000 et 20 000 euros au titre des souffrances physiques et morales et au préjudice esthétique respectivement évalués à 4 et 5 sur une échelle de 1 à 7, à la somme de 351 550 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence et à la somme de 30 000 euros au titre des préjudices sexuel et d'établissement ;

- les préjudices par ricochet doivent également être indemnisés ; le préjudice d'affection s'élève à la somme de 20 000 euros à allouer à chacun des proches de la victime et une somme de 20 000 euros doit leur être également allouée au titre des troubles dans les conditions d'existence ;

Par des mémoires enregistrés les 6 octobre 2014 et 7 juillet 2015, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, représentée par Me Duroux-Couery, conclut à l'annulation du jugement du 28 mai 2014, à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Rennes à lui verser la somme de 1 058 489,80 euros au titre des débours définitifs exposés pour son assuré, cette somme portant intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir, la somme de 1028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, enfin à ce que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens soient mis à la charge du CHRU de Rennes.

Elle fait valoir que :

- la responsabilité du centre hospitalier est engagée pour faute dans l'organisation du service; compte tenu de son état antérieur, M. B...E...présentait un risque de récidive de crise de 49% rendant nécessaires des précautions plus rigoureuses, même au sein du service des urgences, que pour un autre patient ;

- elle a assuré le paiement de frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage, de transport et d'hospitalisation ainsi que de prestations journalières dont elle est en droit d'obtenir le remboursement ;

Par un mémoire enregistré le 25 mai 2015, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeF..., conclut au rejet de la requête et à sa mise hors de cause.

Il soutient que les conditions de mise en jeu d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.

Par deux mémoires enregistrés les 28 mai et 21 juillet 2015, le centre hospitalier universitaire de Rennes, représenté par MeI..., conclut au rejet de la requête et des conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine.

Il soutient que les moyens invoqués par les consorts E...et par la CPAM d'Ille-et-Vilaine ne sont pas fondés.

Vu

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance du 8 novembre 2013, par laquelle le président du tribunal administratif de Rennes a liquidé et taxé les frais de l'expertise réalisée par M. M...à 900 euros.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Guyon, avocat des consorts E...etD..., et de Me Duroux-Couery, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...E..., qui était en cure de sevrage alcoolique, a été victime à son domicile le 6 octobre 2007 d'une crise d'épilepsie ; qu'il a été admis à 18h44 au service des urgences du centre hospitalier régional et universitaire de Rennes ; qu'entre 19h30 et 20h30 il a chuté du brancard sur lequel il avait été installé ; qu'il présente depuis de graves séquelles correspondant à une incapacité permanente partielle de 75% ; que M. J...E..., agissant tant en son nom qu'en sa qualité de tuteur de son frère M. B...E..., et Mme A...D..., sa soeur, ont saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) de Bretagne qui a désigné M.G..., neurologue, en qualité d'expert ; que sur la base du rapport d'expertise établi par ce dernier le 2 février 2010, la commission a, dans un avis du 21 avril 2010, estimé que la responsabilité du centre hospitalier était engagée en raison " d'insuffisantes mesures de sécurité et de précaution destinées à éviter la chute du patient du brancard sur lequel il se trouvait " mais qu'eu égard aux circonstances, en particulier " la brutalité de la crise d'épilepsie, particulièrement soudaine et violente ", ce défaut de surveillance n'avait entraîné qu'une perte de chance de 50% d'éviter la chute et le dommage qui en a résulté ; que M. J...E...et Mme A...D...ont alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes d'une nouvelle demande d'expertise ; que M. K..., expert judiciaire désigné, a remis son rapport le 18 mai 2011 ; qu'également saisi au fond le tribunal administratif de Rennes a, par un jugement du 28 mai 2014, rejeté les conclusions indemnitaires des consortsE... ; que ces derniers relèvent appel de ce jugement ; que la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine sollicite la condamnation du centre hospitalier à lui verser les sommes de 1 058 489,80 euros au titre des débours définitifs exposés par elle et de 1028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier :

2. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'il n'existe pas de protocole particulier en centre hospitalier pour la prise en charge aux urgences des patients venant de présenter une crise d'épilepsie, un protocole n'existant que pour le bilan étiologique de la crise ; que, s'agissant des traitements médicamenteux et selon les rapports d'expertise des docteurs K...etG..., il n'y a pas de recommandation particulière pour un patient admis pour une crise convulsive et il n'y a pas lieu, en l'état des connaissances actuelles, d'administrer un traitement spécifique au décours d'une première crise d'épilepsie ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, même s'il n'est pas sérieusement contesté que, dans le cas d'un patient en cours de sevrage alcoolique ayant présenté une première crise convulsive, la survenance d'une seconde crise est fréquente, aucune faute ne saurait être retenue à l'encontre du centre hospitalier pour n'avoir pas administré à M. B...E...un traitement médical lors de son arrivée au service des urgences ;

3. Considérant, d'autre part, qu'il est constant que M. B...E...a, dès sa prise en charge au service des urgences, été installé sur un brancard placé en position basse dont les barrières latérales avaient été remontées à une hauteur de 30 à 39 cms, ainsi que l'énoncent d'ailleurs les règles de bonne pratique concernant la prise en charge d'un patient épileptique ; que si le docteurK..., second expert désigné, a estimé que l'accident de M. B...E...relevait d'un défaut d'organisation du service, il a cependant relevé dans son rapport que " pour empêcher que le patient ne chute de son brancard, il eût fallu qu'un membre du personnel ait pour unique fonction de le surveiller dans l'éventualité d'une crise " ajoutant " que pour qu'un membre du personnel intervienne efficacement pour prévenir la chute, son intervention aurait dû se faire dès la première seconde où le patient s'est relevé du brancard " et " qu'il n'est pas certain que ce membre du personnel aurait eu la force de maintenir le patient sur le brancard ", enfin " qu'il est difficile d'exiger ou d'obtenir qu'un membre du personnel reste les yeux rivés sur tout patient épileptique admis aux urgences dans l'éventualité d'une crise entrainant une chute " ; qu'ainsi, c'est par une juste appréciation des circonstances que les premiers juges ont estimé qu'en l'absence d'une mesure de contention ou de médication spécifique, qui n'étaient pas prescrites, en raison de l'impossibilité matérielle de placer en permanence devant le patient un ou plusieurs agents et enfin compte tenu de l'existence des contraintes particulières d'un service d'urgence, aucune faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à engager sa responsabilité ne pouvait être retenue à l'encontre du centre hospitalier régional universitaire de Rennes ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leur demande en tant qu'elle était dirigée contre le CHRU de Rennes ;

Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :

5. Considérant qu'aux termes du II de l 'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire " ; que l'article D. 1142-1 du même code définit le seuil de gravité prévu par ces dispositions législatives ; qu'il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages graves et anormaux résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins en l'absence de faute de l'établissement hospitalier ;

6. Considérant cependant que la chute dont a été victime M. B... E...alors qu'il se trouvait sur un brancard dans les locaux du service des urgences du centre hospitalier régional universitaire de Rennes ne peut être regardée comme un accident directement imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins pratiqué dans cet établissement au sens des dispositions précitées du II de l 'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; que, dès lors, M. J... E...et Mme A...D...ne sont pas fondés à demander la condamnation de l'ONIAM à réparer, au titre de la solidarité nationale, les dommages résultant de cet accident ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de maintenir les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 2 295,35 euros par l'ordonnance susvisée du 8 juin 2011 à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Rennes ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise, que M. J...E...et Mme A...D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes indemnitaires ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine tendant au remboursement des débours exposés pour le compte de M. B...E..., à l'allocation d'une somme de 1028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. J...E...et de Mme A...D...et les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine sont rejetées.

Article 2 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 295,35 euros, sont maintenus à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Rennes.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. J...E..., à M. B...E..., à Mme A...D..., à Mme C...E..., au centre hospitalier régional universitaire de Rennes, à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2015.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

I. PERROT

Le greffier,

M. H...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01757


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01757
Date de la décision : 15/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CABINET REMY LE BONNOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-10-15;14nt01757 ?
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