La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2015 | FRANCE | N°14NT01745

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 11 décembre 2015, 14NT01745


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Chêne Vert a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2011 par lequel le maire de la commune de Pleslin-Trigavou a refusé de lui délivrer un permis d'aménager en vue de la création d'un lotissement de 45 lots sur un terrain sis au lieu-dit Le Chêne Vert.

Par un jugement n° 1200437 du 14 mars 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juin 2014, la

société Le Chêne Vert, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Chêne Vert a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2011 par lequel le maire de la commune de Pleslin-Trigavou a refusé de lui délivrer un permis d'aménager en vue de la création d'un lotissement de 45 lots sur un terrain sis au lieu-dit Le Chêne Vert.

Par un jugement n° 1200437 du 14 mars 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juin 2014, la société Le Chêne Vert, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 mars 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre à la commune de Pleslin-Trigavou de lui délivrer une attestation justifiant d'un permis de lotir tacite à la date du 11 novembre 2011 ou, à titre subsidiaire, de statuer à nouveau sur sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Pleslin-Trigavou une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, correspondant aux dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il a été pris en méconnaissance de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme et de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 dès lors que, suite à l'arrêt de la cour du 1er juillet 2011, le délai d'instruction expirait le 11 novembre 2011 en l'absence de prorogation, au demeurant impossible, de ce délai, qu'un permis tacite est donc intervenu le 11 novembre 2011, et qu'en conséquence, la décision de refus du 2 décembre 2011 est une décision de retrait qui devait être soumise à la procédure prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- il est entaché d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation puisque le projet ne méconnait pas l'article NAr3 du plan local d'urbanisme dès lors qu'il prévoit une aire de manoeuvre circulaire à l'extrémité de toutes les voies en impasse, et qu'une aire de 39 m² permet aux gros véhicules de faire demi-tour, et alors que le service départemental d'incendie et de secours n'a émis aucune réserve sur l'usage des voies et espaces communs du lotissement ;

- il est entaché d'erreur d'appréciation dès lors que la desserte du lotissement ne comporte pas de risque spécifique, qu'elle s'effectue sur une rue destinée au trafic local, et que la commune pouvait accorder l'autorisation en l'assortissant de prescriptions si nécessaire ;

- le tribunal administratif a porté atteinte aux droits et garanties du pétitionnaire en procédant à une substitution de base légale entre les articles L. 421-5, applicable à la date de l'arrêté contesté, et L. 111-4 nouveau du code de l'urbanisme ;

- la commune affirme la nécessité d'une extension du réseau électrique et son intention de ne pas y procéder sans justifier de ce que la collectivité responsable de l'aménagement ne serait pas en mesure d'effectuer les travaux à terme et alors qu'ERDF justifie de ce que le raccordement est suffisant et qu'une extension n'est pas nécessaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2014, la commune de Pleslin-Trigavou, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Le Chêne Vert une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 15 octobre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 30 octobre 2015 à 12 h.

Un mémoire, présenté pour la société Le Chêne Vert, a été enregistré le 29 octobre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2000-312 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Piltant,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la société Le Chêne Vert, et de Me Doniassubstituant MeB..., représentant la commune de Pleslin-Trigavou.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Pleslin-Trigavou a été enregistrée le 23 novembre 2015.

1. Considérant que, par arrêté du 19 octobre 2006, le maire de la commune de Pleslin-Trigavou (Côtes d'Armor) a opposé une décision de sursis à statuer sur la demande de permis de lotir déposée par la société Le Chêne Vert en vue de créer un lotissement de 45 lots à construire sur les parcelles cadastrées AL 58, 59, 60 et 155 sises au lieu-dit Le Chêne Vert ; que, par un arrêt du 1er juillet 2011, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé cette décision ; que, la société Le Chêne Vert ayant confirmé sa demande, le maire de la commune de Pleslin-Trigavou a, par arrêté du 2 décembre 2011, refusé de délivrer le permis de lotir sollicité ; que la société Le Chêne Vert relève appel du jugement du 14 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 24 de la loi n° 2000-312 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les décisions qui retirent une décision créatrice de droits doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et les personnes intéressées doivent avoir au préalable été invitées à présenter leurs observations ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 4 du décret n° 2007-817 du 11/5/2007 : " (...) Les demandes de permis de construire et d'autorisations prévues par le code de l'urbanisme déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt" ; qu'aux termes de l'article R. 315-21 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur au 9 juin 2006, date de dépôt de la demande de lotir en cause : " Lorsque la décision n'a pas été notifiée à l'issue du délai réglementaire d'instruction de la demande, le demandeur peut saisir l'autorité compétente par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, et adresse copie de cette lettre au préfet, s'il n'est pas l'autorité compétente. / La décision de l'autorité compétente doit être notifiée dans le délai d'un mois à compter de la réception de la lettre visée à l'alinéa ci-dessus. Si la décision n'est pas notifiée dans ce délai, à l'exception des cas prévus à l'article R. 315-21-1, la lettre mentionnée à l'article R. 315-15 ou, le cas échéant, la lettre prévue à l'article R. 315-17, accompagnée de son avis de réception postal, vaut autorisation de lotir et le projet pourra être entrepris conformément au dossier déposé, sous réserve du retrait, dans le délai du recours contentieux, de l'autorisation tacite au cas où elle serait entachée d'illégalité. " ; qu'il résulte de ces dispositions que les autorisations tacites de lotissement résultant du silence gardé par l'administration dans les conditions prévues à l'article R. 315-21 peuvent, lorsqu'elles sont entachées d'illégalité, être rapportées par leur auteur tant que le délai de recours contentieux n'est pas expiré ;

4. Considérant que, la décision du 19 décembre 2006 par laquelle le maire de la commune de Pleslin-Trigavou a sursis à statuer sur la demande d'autorisation de lotir déposée par la société Le Chêne Vert ayant été annulée par le jugement du 4 février 2010 du tribunal administratif de Rennes, il appartenait à la commune de Pleslin-Trigavou de procéder à une nouvelle instruction afin de statuer sur cette demande ; qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la commune de Pleslin-Trigavou a de nouveau statué sur la demande de la société Le Chêne Vert à l'échéance du délai d'instruction de trois mois alors applicable ; qu'en conséquence, la société Le Chêne Vert pouvait, en application du 1er alinéa des dispositions précitées de l'article R. 315-21 du code de l'urbanisme, saisir l'autorité compétente, sans qu'aucun délai puisse lui être opposé à défaut de notification d'une décision expresse ; que, dès lors, le courrier du 11 août 2011 par lequel la société Le Chêne Vert a confirmé sa demande d'autorisation de lotir doit être regardé comme la saisine de l'autorité compétente prévue par ces mêmes dispositions ; qu'aucune décision n'ayant été notifiée à la société requérante dans le délai d'un mois à compter de la réception de ce courrier, une autorisation de lotir tacite est née le 12 septembre 2011 ; que, par suite, l'arrêté contesté du 2 décembre 2011 refusant à la société Le Chêne Vert l'autorisation de lotir sollicitée constitue un retrait du permis tacite qui ne pouvait intervenir que dans le respect des dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, dont il n'est pas contesté qu'elles n'ont pas été respectées ; que, par suite, la société Le Chêne Vert est fondée à soutenir que l'arrêté contesté a été pris aux termes d'une procédure irrégulière ;

5. Considérant, toutefois, qu'un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, constitue une garantie pour le titulaire du permis que le maire envisage de retirer ; que, dans les circonstances de l'espèce, la société Le Chêne Vert a été effectivement privée de cette garantie ; que, par suite, la décision contestée a été prise au terme d'une procédure illégale et doit être annulée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Le Chêne Vert est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme : " En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants-droit. / En cas de permis tacite, ce certificat indique la date à laquelle le dossier a été transmis au préfet ou à son délégué dans les conditions définies aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales. " ;

8. Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre à la commune de Pleslin-Trigavou de délivrer à la société Le Chêne Vert le certificat de permis de lotir tacite prévu par les dispositions précitées de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Le Chêne Vert, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par la commune de Pleslin-Trigavou ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Pleslin-Trigavou la somme de 2 000 euros demandée par la société Le Chêne Vert au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 mars 2014 et l'arrêté du 2 décembre 2011 par lequel le maire de la commune de Pleslin-Trigavou a refusé de délivrer un permis de lotir à la société Le Chêne Vert sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Pleslin-Trigavou de délivrer à la société Le Chêne Vert un certificat de permis de lotir tacite dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 (cent) euros par jour de retard.

Article 3 : La commune de Pleslin-Trigavou versera à la société Le Chêne Vert une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Le Chêne Vert est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Chêne Vert et à la commune de Pleslin-Trigavou.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Piltant, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 décembre 2015.

Le rapporteur,

Ch. PILTANTLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

Ch. GOY

''

''

''

''

6

2

N° 14NT01745


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01745
Date de la décision : 11/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Christine PILTANT
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : CABINET BASCOULERGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-12-11;14nt01745 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award