La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2016 | FRANCE | N°14NT01384

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 octobre 2016, 14NT01384


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Thenay a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner solidairement les sociétés Astec et Eurovia Centre Loire à lui verser la somme de 11 960 euros TTC en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait des dysfonctionnements de l'écoulement des eaux pluviales constatés au niveau des numéros 13 de la rue Maxime Samson et 8 et 10 de la rue Pierre Girault, ainsi que la somme de 186 352,05 euros TTC en réparation des désordres affectant les bordures de trottoir en pierre calcai

re naturelle du centre bourg, et demandé que ces sommes soient assorties d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Thenay a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner solidairement les sociétés Astec et Eurovia Centre Loire à lui verser la somme de 11 960 euros TTC en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait des dysfonctionnements de l'écoulement des eaux pluviales constatés au niveau des numéros 13 de la rue Maxime Samson et 8 et 10 de la rue Pierre Girault, ainsi que la somme de 186 352,05 euros TTC en réparation des désordres affectant les bordures de trottoir en pierre calcaire naturelle du centre bourg, et demandé que ces sommes soient assorties des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête, et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1301544 du 20 mars 2014, le tribunal administratif d'Orléans, d'une part, a condamné la société Astec à verser à la commune de Thenay une somme de 6 000 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2013, en réparation des désordres affectant le réseau d'évacuation des eaux pluviales au niveau du numéro 13 de la rue Maxime Samson, d'autre part a mis les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 558,24 euros HT, à la charge de la société Astec, et, enfin, a rejeté le surplus des demandes de la commune de Thenay.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2014, la commune de Thenay, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 mars 2014 du tribunal administratif d'Orléans, en tant qu'il rejette ses demandes tendant à la réparation des autres désordres ayant affecté l'opération de remise en valeur de son centre bourg ;

2°) de condamner in solidum les sociétés Astec et Eurovia Centre Loire, d'une part, à lui verser une somme de 6 000 euros TTC en réparation des dysfonctionnements de l'écoulement des eaux pluviales constatés au niveau des numéros 8 et 10 de la rue Pierre Girault, ou, subsidiairement, d'ordonner un complément d'expertise sur ce point, d'autre part, à lui verser une somme de 186 352,05 euros TTC en réparation des désordres affectant les bordures de trottoirs en pierres naturelles calcaires ;

3°) de mettre à la charge solidaire des sociétés Astec et Eurovia Centre Loire le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges, bien que reconnaissant que l'expert n'avait pas correctement mené à bien sa mission s'agissant des dysfonctionnements de l'écoulement des eaux pluviales constatés au niveau des numéros 8 et 10 de la rue Pierre Girault, a, sans ordonner un complément d'expertise, rejeté sa demande de mise en oeuvre de la garantie décennale des constructeurs sur ce point ; il s'agit pourtant de désordres de même nature et provenant du même vice de conception que ceux rencontrés au niveau du 13 de la rue Maxime Samson pour lesquels il a prononcé la condamnation de la société Astec ;

- les désordres affectant les bordures de trottoir en pierres naturelles calcaires, si l'expert admet leur dangerosité pour les piétons et donc leur caractère décennal, sont présumés imputés aux constructeurs qui ne peuvent s'exonérer de leur responsabilité décennale que par la force majeure ou la faute du maître de l'ouvrage ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ces désordres étaient provoqués par une mauvaise utilisation de l'ouvrage par les usagers, au demeurant, non avérée dès lors que ce désordre est constaté y compris dans des voies à sens unique de circulation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2014, la société Eurovia Centre Loire, représentée par MeC..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête de la commune de Thenay, à titre subsidiaire à ce la société Astec soit condamnée à la garantir de toute condamnation, et en tout état de cause, à ce que soit mis à la charge de la commune de Thenay le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert impute les défauts d'évacuation des eaux pluviales au niveau du 13 de la rue Samson exclusivement à un défaut de conception par la société Astec ; elle ne saurait dès lors faire l'objet d'une condamnation solidaire avec cette société ; faute de produire des éléments sur un désordre similaire au niveau des numéros 8 et 10 de la rue Pierre Girault, la commune n'est pas fondée à demander un complément d'expertise ;

- les désordres affectant les bordures de trottoir ont selon l'expert une cause étrangère tant à la conception (le choix de la pierre naturelle correspondait à une réglementation de la vitesse maximale à 30Km/h et le fournisseur, la carrière Luget, a établi avoir livré une pierre non gélive), qu'à la réalisation des travaux : l'abandon par la commune de son projet de zone 30Km/h et le mauvais usage par les usagers de la route et en particulier les poids lourds ; l'expert ne fait état d'aucun défaut dans l'exécution des travaux ; en tout état de cause ces désordres, purement esthétiques, ne présentent pas un caractère décennal ; en toute hypothèse, la commune appuie ses demandes sur un devis établi de manière non contradictoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2014, la société Astec, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête ou, subsidiairement, à un partage de responsabilité avec la société Eurovia Centre Loire, et à ce que soit mis à la charge de la commune de Thenay le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert n'a pas constaté de désordre s'agissant des écoulements d'eaux pluviales aux 8 et 10 rue Girault ; la commune n'a pas apporté d'éléments suffisants pour ordonner un complément d'expertise sur ce point ;

- s'agissant des bordures de trottoirs, l'expert ne leur attribue pas un caractère décennal et la commune de Thenay ne conteste pas sérieusement que la cause est l'abandon par la commune de son projet de zone 30Km/h et le mauvais usage par les usagers de la route et en particulier les poids lourds ; il appartenait au maître d'ouvrage, qui a pris possession de l'ouvrage et en a la garde, de réglementer la vitesse maximale de circulation des véhicules dans le centre bourg

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant la commune de Thenay.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Thenay a été enregistrée le 4 octobre 2016.

Une note en délibéré présentée pour la société Eurovia Centre Loire a été enregistrée le 5 octobre 2016.

1. Considérant que la commune de Thenay a, au cours de l'année 2001, mis en oeuvre une opération de revalorisation de son centre bourg dans le cadre d'un programme dénommé " coeur de village " subventionné par la région Centre ; qu'elle a confié la maîtrise d'oeuvre de cette opération à la société Astec et la réalisation des travaux de voirie et réseaux divers à la société Eurovia Centre Loire ; que la réception des travaux a été prononcée sans réserve le 14 mars 2003 ; que des désordres relatifs aux dysfonctionnements de l'écoulement des eaux pluviales et une atteinte à la solidité des bordures de trottoirs ont été ultérieurement constatés ; que, par la présente requête, la commune de Thenay relève appel du jugement du 20 mars 2014 en tant que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes tendant à la condamnation in solidum des sociétés Astec et Eurovia Centre Loire à lui verser, d'une part, une somme de 6 000 euros TTC en réparation des défauts d'évacuation des eaux pluviales au niveau des numéros 8 et 10 de la rue Pierre Girault et, d'autre part, une somme de 186 352,05 euros TTC en réparation des désordres affectant les bordures de trottoir en pierres naturelles calcaires ;

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

2. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité des constructeurs, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ; que les constructeurs ne peuvent être exonérés de leur responsabilité décennale qu'en cas de force majeure ou de faute du maître de l'ouvrage, à l'exclusion de toute faute commise par des tiers ;

S'agissant du désordre affectant l'évacuation des eaux pluviales au droit des numéros 8 et 10 de la rue Pierre Girault :

3. Considérant que la commune de Thenay demande réparation des désordres affectant les ouvrages d'évacuation des eaux pluviales au droit des numéros 8 et 10 de la rue Pierre Girault ; que la commune produit deux photographies montrant les ouvrages insérés à cet endroit dans les trottoirs et destinés à l'écoulement des eaux de pluie en indiquant qu'" à cet endroit, l'eau coule sur la route " ; que ces documents, à supposer même qu'ils puissent être regardés comme rendant plausible l'existence de désordres, ne sont en tout état de cause de nature à établir ni leur importance ni leur identité de cause alléguée avec le désordre constaté sur les ouvrages situés au niveau du numéro 13 de la rue Samson et indemnisé par le jugement du tribunal administratif d'Orléans ; que dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le dysfonctionnement de l'évacuation des eaux pluviales au droit des n° 8 et 10 de la rue Pierre Giraud constituerait un désordre de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs ; que les conclusions de l'appelante, tendant à la condamnation solidaire des sociétés Astec et Eurovia Centre Loire à lui verser à ce titre une somme de 6 000 euros TTC ne peuvent dès lors qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée ;

S'agissant des désordres affectant les bordures de trottoirs de la première tranche de travaux :

4. Considérant que la commune de Thenay demande réparation des nombreuses dégradations du revêtement et de l'éclatement des bordures de trottoirs en pierre naturelle calcaire ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que le choix de ce matériau par le maître d'oeuvre de l'opération d'aménagement, la société Astec, était cohérent avec le projet du maître d'ouvrage de créer à cet endroit une zone réglementée à la vitesse maximale de 30 kilomètres par heure et que la pose de ces bordures, dont le fournisseur a garanti le caractère non gélif, a été réalisée par la société Eurovia Centre Loire conformément aux prescriptions du fascicule 31 de référence et à celles du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché de travaux ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que ces désordres, plus nombreux dans les courbes que dans les lignes droites, ne sont pas de nature à affecter la solidité de l'ouvrage, ni n'engendrent d'impropriété à leur destination, et sont imputables à la décision du maître d'ouvrage de renoncer, après l'achèvement des travaux, à la création de la zone " 30 " précitée, eu égard aux conséquences de cette décision sur les conditions d'utilisation par les usagers des voies publiques, les véhicules poids-lourds en particulier empiétant régulièrement sur les trottoirs ; que la commune de Thenay est en effet traversée par la route départementale n° 30, qui supporte un trafic journalier moyen de 3 550 véhicules ; que dans ces conditions, le maître d'oeuvre et l'entreprise doivent être regardés comme étrangers aux désordres, dont la réparation ne peut dès lors être mise à leur charge sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Thenay n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 mars 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes tendant à la condamnation solidaire des sociétés Astec et Eurovia Centre Loire à réparer les désordres précités ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Astec et Eurovia Centre Loire, qui ne sont pas les parties perdantes, les sommes que la commune de Thenay demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

7. Considérant, en revanche, qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Thenay le versement à la société Astec et à la société Eurovia Centre Loire de la somme de 1 000 euros chacune au titre de ces mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Thenay est rejetée.

Article 2 : La commune de Thenay versera à la société Astec et à la société Eurovia Centre Loire une somme de 1 000 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Thenay, à la société Astec et à la sociétés Eurovia Centre Loire.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2016.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au préfet du Loir-et-Cher en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 14NT01384


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01384
Date de la décision : 19/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SELARL CASADEI-JUNG et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-10-19;14nt01384 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award