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20/03/2015 | FRANCE | N°14NT00840

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 20 mars 2015, 14NT00840


Vu la décision n° 358345 du 24 mars 2014 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour la société Meubles Gimazane, a annulé l'arrêt n° 10NT01954 du 3 février 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête présentée pour cette société, et renvoyé l'affaire à la cour ;

Vu la requête, enregistrée le 30 août 2010, présentée pour la société Meubles Gimazane, dont le siège est situé 48, rue Henri Cornat à Valognes (50700), représentée par son représentant légal en exercice, par Mes Potel

-Bloomfield, Bougerie, Leroux-Quetel, avocats associés au barreau de Caen ; la sociét...

Vu la décision n° 358345 du 24 mars 2014 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour la société Meubles Gimazane, a annulé l'arrêt n° 10NT01954 du 3 février 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête présentée pour cette société, et renvoyé l'affaire à la cour ;

Vu la requête, enregistrée le 30 août 2010, présentée pour la société Meubles Gimazane, dont le siège est situé 48, rue Henri Cornat à Valognes (50700), représentée par son représentant légal en exercice, par Mes Potel-Bloomfield, Bougerie, Leroux-Quetel, avocats associés au barreau de Caen ; la société Meubles Gimazane demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901252 du 30 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 avril 2009 du préfet de la Manche prescrivant la fermeture hebdomadaire, quarante-sept dimanches par an, des établissements d'ameublement, d'équipement de la maison et de la décoration ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le préfet de la Manche ne pouvait prendre l'arrêté du 9 avril 2009, dès lors que l'accord du 8 décembre 2008 ne rassemblait pas la majorité des employeurs et salariés syndiqués ou non et qu'il lui incombait de vérifier que ledit accord correspondait à l'opinion majoritaire des professionnels exerçant le commerce de l'ameublement dans la région de Basse-Normandie ;

- la chambre régionale de négoce de l'ameublement et de l'équipement de la maison de Basse-Normandie n'était pas régulièrement constituée lors de la conclusion de l'accord du 8 décembre 2008 dès lors que ses statuts n'ont pas été déposés à Cormelles- Le-Royal où ce syndicat a désormais établi son siège conformément aux dispositions de l'article R. 2131-1du code du travail ; la chambre régionale de négoce de l'ameublement et de l'équipement de la maison de Basse-Normandie ne disposait donc pas de la capacité juridique pour conclure l'accord précité ;

- en laissant à une minorité le soin de déterminer la date de cinq dimanches travaillés quel que soit le nombre de magasins exploités par l'entreprise et en faisant l'amalgame entre les notions d'établissement, d'entreprise, de magasin et de surface de vente, l'arrêté contesté méconnaît le principe d'égalité devant la loi des membres d'une même profession ;

- le président de la chambre régionale de négoce de l'ameublement et de l'équipement de la maison de Basse-Normandie n'a pas agi dans l'intérêt général de la profession mais dans l'intérêt de la familleA... ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2011, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- le préfet de la Manche a vérifié préalablement à l'édiction de son arrêté du 9 avril 2009 que l'accord du 8 décembre 2008 reflétait la volonté de la majorité des employeurs et salariés syndiqués ou non ; il incombe à la société Meubles Gimazane d'apporter la preuve que tel n'aurait pas été le cas ;

- les services préfectoraux ont veillé à ce que l'accord soit représentatif de la volonté de la majorité des professionnels concernés ; avant d'ouvrir les négociations, la chambre régionale de l'ameublement et de l'équipement de la maison de Basse-Normandie a lancé en janvier et en août 2008 deux sondages auprès de la profession d'où il est ressorti une volonté majoritaire de limiter les ouvertures du dimanche dans cette région : il ressort des pièces du dossier que, sur les 94 responsables d'établissements consultés, 49 ont répondu, 45 ont émis un avis favorable à la fermeture des magasins d'ameublement le dimanche, dont 41 favorables à une ouverture 5 dimanches par an, et que 4 seulement ont émis un avis défavorable ;

- quand bien même la chambre régionale de l'ameublement et de l'équipement et de la maison de Basse-Normandie n'aurait pas déposé ses statuts à la mairie de la localité où se situe désormais son siège, cette omission n'a pas pour effet de priver d'existence légale cet organisme dès lors qu'il n'est pas contesté qu'il a valablement procédé au dépôt de ses statuts lors de sa création comme l'exige l'article R. 2131-1 du code du travail ;

Vu le mémoire après cassation, enregistré le 18 avril 2014, présenté pour la société Meubles Gimazane qui tend aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle soutient, en outre, que :

- en se fondant sur une prétendue majorité de la profession, au niveau régional, obtenue le 8 décembre 2008, laquelle ne reflète pas nécessairement la majorité de la profession au niveau départemental, le préfet de la Manche a délivré un arrêté non conforme aux dispositions de l'article L. 3132-29 du code du travail, la majorité indiscutable dans la " zone géographique considérée " devant être appréciée à l'échelon départemental ;

- une majorité indiscutable présuppose une majorité exprimée, laquelle ne saurait résulter d'une absence de réponse négative aux sondages pratiqués lors de l'enquête en août 2008 ;

- dans son mémoire du 27 novembre 2012 devant le Conseil d'Etat, le ministre du travail écrit lui-même que vingt responsables de magasins manchois ont répondu sur les quarante et un concernés, seize au final s'étant déclarés favorables à la fermeture dominicale ;

- le représentant de l'Etat ne peut déduire de ces chiffres qu'il en résulte une majorité indiscutable de la profession dans le département de la Manche, alors qu'une fort courte majorité n'aurait été obtenue que si au moins vingt et un exploitants de magasins manchois s'étaient déclarés favorables à la fermeture dominicale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 2015 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Meubles Gimazane relève appel du jugement du 30 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 avril 2009 du préfet de la Manche, pris sur le fondement de l'article L. 3132-29 du code du travail, prescrivant la fermeture hebdomadaire, durant 47 dimanches par an, des établissements d'ameublement, d'équipement de la maison et de la décoration ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 2131-1 du code du travail : " Les statuts du syndicat sont déposés à la mairie de la localité où le syndicat est établi. Le maire communique ces statuts au procureur de la République. " ; qu'il n'est pas contesté que la chambre régionale de l'ameublement et de l'équipement de la maison de Basse-Normandie avait déposé ses statuts auprès de la mairie de Caen le 7 juin 2004 lors de sa constitution, conformément à ces dispositions ; que la seule production d'une lettre du 23 avril 2010 de la préfecture du Calvados, précisant que, le 23 février 2010, la mairie de Cormelles-Le-Royal, où la chambre a transféré son siège, a transmis les nouveaux statuts de cet organisme, n'est pas de nature à établir que cette organisation professionnelle n'était pas régulièrement constituée lors de la conclusion de l'accord professionnel du 8 décembre 2008 et qu'elle ne disposait pas de la capacité juridique pour conclure cet accord ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 3132-29 du code du travail : " Lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminée sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées. " ; qu'il résulte de ces dispositions que la fermeture au public des établissements d'une profession ne peut légalement être ordonnée sur la base d'un accord syndical que dans la mesure où cet accord correspond pour la profession à la volonté de la majorité indiscutable de tous ceux qui exercent cette profession à titre principal ou accessoire dans la zone géographique considérée et dont l'établissement ou partie de celui-ci est susceptible d'être fermé ;

4. Considérant que, par un accord professionnel du 8 décembre 2008 modifié par un avenant du 5 février 2009, la chambre régionale de l'ameublement et de l'équipement de la maison de Basse-Normandie, seule organisation professionnelle de l'ameublement représentant, en Basse-Normandie, la fédération nationale de l'ameublement et de l'équipement de la maison, et cinq organisations de salariés, la CFTC, la CFE-CGC, la CFDT, FO et la CGT, se sont accordées pour que, dans l'ensemble de cette région, tous les établissements, les entreprises, magasins ou toutes les surfaces de vente ayant pour activité le commerce de détail d'articles neufs de l'ameublement, de l'équipement de la maison et de la décoration soient fermés au public durant 47 dimanches par an ; que la circonstance que l'accord soit intervenu à l'échelon régional, alors que l'article L. 3132-29 précité subordonne la légalité de l'arrêté préfectoral à la signature d'un accord entre les organisations de la " zone géographique considérée ", correspondant en l'occurrence au seul département de la Manche, ne faisait pas obstacle à la validité d'un tel accord, dès lors que cet accord avait été signé en l'espèce par les représentants départementaux et régionaux de chaque organisation ; que si la volonté de la majorité indiscutable des établissements et des salariés pouvait être déterminée à partir du questionnaire adressé aux professionnels de la région Basse-Normandie en août 2008, la comptabilisation des votes ne devait, toutefois, prendre en compte que la majorité absolue des suffrages exprimés dans le seul département de la Manche, sans que les abstentionnistes puissent être comptabilisés comme figurant parmi les établissements favorables à la fermeture dominicale ;

5. Considérant que si le courrier d'envoi du sondage du 19 août 2008 indiquait que la " non réponse " au questionnaire vaudrait " acceptation ou avalisation des décisions qui seront prises, en votre nom, par le bureau de notre CRAEM ", les absences de réponses à l'enquête réalisée auprès des établissements concernés ne pouvaient, en l'espèce, être comptabilisées comme des suffrages exprimés en faveur de la fermeture hebdomadaire des établissements le dimanche, alors que le sens des " décisions " dont il était question n'était pas clairement défini ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des résultats du sondage d'août 2008, que sur les 95 magasins consultés, 41 étaient implantés dans le département de la Manche ; que la société requérante n'établit pas que tous les établissements intéressés n'auraient pas été consultés ; que sur les 41 établissements manchois, 20 ont répondu au questionnaire, 16 se prononçant en faveur de la fermeture des magasins d'ameublement le dimanche, (soit 80 % des réponses manchoises), tandis que seuls 4 responsables d'établissements, dépendant d'ailleurs de la société Meubles Gimazane, se prononçaient défavorablement ; que, dès lors, la majorité absolue des suffrages exprimés s'établissait, non à 21 voix, ainsi qu'il est soutenu par cette société, mais à 11 voix ; que, par suite, en se fondant sur la volonté majoritaire, et donc indiscutable, des responsables d'établissements de limiter les ouvertures du dimanche " dans l'ensemble du département ", le préfet de la Manche a pu légalement prendre l'arrêté contesté prescrivant la fermeture hebdomadaire, durant 47 dimanches par an, des établissements d'ameublement, d'équipement de la maison et de la décoration ;

6. Considérant, en troisième lieu, que, si l'arrêté contesté ne détermine pas par lui-même les dates des cinq dimanches travaillés quel que soit le nombre de magasins exploités par une entreprise ayant pour activité le commerce de détail d'articles neufs de l'ameublement, de l'équipement de la maison et de la décoration relevant exclusivement de la convention collective de l'ameublement, il prévoit en son article 2 que, conformément aux modalités de l'accord professionnel du 8 décembre 2008 modifié, ces dates seront déterminées, après consultation des professionnels, de la chambre de commerce et d'industrie de la Manche et des organisations syndicales du secteur, par la chambre régionale de l'ameublement et de l'équipement de la maison de Basse-Normandie ; qu'il soumet ainsi toutes les entreprises du secteur de l'ameublement, de l'équipement de la maison et de la décoration aux mêmes obligations ; que, par suite, le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité devant la loi entre les membres d'une même profession manque en fait ;

7. Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Meubles Gimazane n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Meubles Gimazane demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Meubles Gimazane est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Meubles Gimazane et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Une copie en sera, en outre, adressée au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 24 février 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 mars 2015.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

A. PÉREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

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N° 14NT00840


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00840
Date de la décision : 20/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : BOUGERIE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-03-20;14nt00840 ?
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