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23/10/2015 | FRANCE | N°14NT00587

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 23 octobre 2015, 14NT00587


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Photosol a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 10 juin 2012 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a refusé de lui délivrer un permis de construire un parc photovoltaïque d'une puissance de 12mWc sur le territoire de la commune de Viabon, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1203789 du 31 décembre 2013, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mars 2014, complétée par un mémoire enregistré le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Photosol a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 10 juin 2012 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a refusé de lui délivrer un permis de construire un parc photovoltaïque d'une puissance de 12mWc sur le territoire de la commune de Viabon, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1203789 du 31 décembre 2013, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mars 2014, complétée par un mémoire enregistré le 31 juillet 2015, la société Photosol, représentée par Me Mailliard, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 31 décembre 2013 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 juin 2012 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de réexaminer sa demande de permis de construire, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car en indiquant seulement la veille de l'audience que le sens des conclusions était un " rejet au fond ", le rapporteur public n'a pas satisfait aux exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

- l'interprétation faite par le tribunal administratif d'Orléans de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme est entachée d'erreur de droit et repose sur une erreur de fait quant aux caractéristiques du projet ;

- le refus de permis de construire est illégal car l'implantation d'une centrale photovoltaïque est autorisée en zone agricole et n'est pas incompatible avec l'exercice d'une activité agricole au sens de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ;

- l'appréciation portée par le préfet sur ce point est entachée d'erreur de droit, d'erreur de fait, d'erreur de qualification des faits et d'erreur manifeste eu égard à l'emprise réduite du projet, à la médiocre qualité des terres, à la faible rentabilité des exploitations et au maintien d'une activité agricole sur le terrain.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2015, la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité conclut au rejet de la requête.

La ministre soutient qu'aucun des moyens de la requérante n'est fondé.

Par un courrier du 12 juin 2015, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-17 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office tiré de ce qu'en opposant à une demande de permis de construire l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, applicable aux plans locaux d'urbanisme, le préfet d'Eure-et-Loir aurait méconnu le champ d'application de la loi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de Me Mailliard, représentant la société Photosol.

1. Considérant que le 13 juillet 2011, la société Photosol a sollicité un permis de construire un parc photovoltaïque d'une puissance de 12 mégawatts sur le territoire de la commune de Viabon ; que par un arrêté du 10 juin 2012, le préfet d'Eure-et-Loir a refusé la délivrance du permis de construire sollicité au motif que le projet envisagé était, au sens des dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, incompatible avec l'activité agricole exercée sur le terrain d'assiette du projet ; que la société Photosol relève appel du jugement du 31 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 10 juin 2012 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que la communication aux parties du sens des conclusions du rapporteur public, prévue par l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; qu'en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que, conformément à l'article R. 711-3 du code de justice administrative, le rapporteur public a mis en ligne sur l'application " Sagace ", la veille de l'audience, le sens de ses conclusions et a indiqué de manière suffisante qu'il conclurait dans le sens d'un " rejet au fond " ; que, ce faisant, le rapporteur public, qui n'avait pas l'obligation à peine d'irrégularité de préciser les raisons pour lesquelles il écartait l'ensemble des moyens invoqués à l'appui de la demande, a mis les parties ou leurs mandataires à même de connaître l'ensemble des éléments du dispositif de la décision qu'il comptait proposer à la formation de jugement d'adopter ; que par suite, la communication de l'information précitée répond aux exigences prévues par les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et, en conséquence, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté ;

Sur le bien fondé du jugement :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. " ; qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme respecte les principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-. (...) / Les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs peuvent être autorisées dans les zones naturelles, agricoles ou forestières dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. " ; qu'aux termes du 2° alinéa du 2° de l'article L.111-1-2 du même code dans sa rédaction applicable à la date d'édiction de l'arrêté attaqué : " (...) Les projets de constructions, aménagements, installations et travaux ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu'urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis par le représentant de l'Etat dans le département à la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article A2 du plan local d'urbanisme de la commune de Viabon : " 2.1. Les occupations et utilisations du sol admises si elles respectent les conditions suivantes (...) - Les constructions, installations et travaux divers sont autorisés s'ils sont nécessaires aux services publics ou d'intérêts collectifs, (...) " ;

5. Considérant en premier lieu que, eu égard à leur importance et à leur destination, les panneaux photovoltaïques en cause, destinés à la production d'électricité, et contribuant ainsi à la satisfaction d'un intérêt public, doivent être regardés comme des installations nécessaires à un équipement collectif au sens des dispositions l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme citées au point 4 ;

6. Considérant, en second lieu, que les mêmes dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, ainsi que celles de l'article L. 111-1-2 du même code citées au point 4, si elles régissent principalement les modalités de détermination par les documents locaux d'urbanisme de l'utilisation des sols dans les zones naturelles, agricoles ou forestières, déterminent également, compte tenu de la précision de leur rédaction, les conditions dans lesquelles s'exerce ou est susceptible de s'exercer une activité agricole ; qu'elles sont ainsi directement opposables à des demandes d'autorisation d'urbanisme en dépit de leur codification dans une partie du code de l'urbanisme consacrée aux règles générales d'urbanisme et au contenu des plans locaux d'urbanisme ; que le préfet pouvait donc régulièrement s'en prévaloir pour instruire la demande d'autorisation d'urbanisme présentée par la société Photosol ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le projet en cause, dénommé " ferme solaire ", est composé de trois espaces regroupant au total 45 000 panneaux photovoltaïques, entourés d'espaces dits de " jachère mellifère ", prenant la forme de prairies fleuries destinées à la production de miel ; que ce même projet prévoit par ailleurs l'installation de trois cents ruches, ; qu'il est ainsi de nature à permettre la continuation d'une activité agricole " douce " compatible avec la vocation agricole des parcelles en cause, l'activité agricole mentionnée à l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ne pouvant se réduire, contrairement à ce soutient le ministre, au maintien des activités céréalières existant antérieurement au projet ou à la transformation des parcelles concernées en zone d'élevage, dès lors que les dispositions de cet article n'exigent nullement la pérennisation d'une forme particulière de culture sur des terres ayant une vocation agricole ; que l'installation envisagée par la société requérante pouvait ainsi régulièrement être autorisée en zone naturelle, agricole ou forestière, dès lors qu'elle n'est pas incompatible avec l'exercice d'une activité de cette nature ; que, par ailleurs le projet en cause, s'il nécessite effectivement l'utilisation de 26,6 hectares de terres classées agricoles, ne se traduit, en réalité, que par la disparition effective d'une superficie qui peut être estimée à 6.000 mètres carrés, soit l'espace strictement nécessaire à l'implantation des panneaux photovoltaïques, et ne peut donc, compte tenu de cet impact limité, être regardé comme portant atteinte à la sauvegarde des espaces agricoles et des paysages ; qu'ainsi, en refusant l'autorisation de construire sollicitée au motif que le projet n'est pas compatible avec l'activité agricole préexistante, le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme et a entaché d'illégalité son arrêté du 12 juin 2012 ;

8. Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4 du code de l'urbanisme, qu'aucun des autres moyens présentés à l'appui de sa requête par la société Photosol n'est de nature à fonder l'annulation des décisions qu'elle conteste ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Photosol est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 31 décembre 2013, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Eure-et-Loir du 10 juin 2012 et de la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui annule le refus opposé à la demande de permis de construire de la société Photosol, implique nécessairement que le préfet d'Eure-et-Loir procède, dans un délai de deux mois, au réexamen de la demande de permis de construire de la société Photosol pour un parc photovoltaïque d'une puissance de 12 mégawatts sur le territoire de la commune de Viabon ;

Sur les dépens :

11. Considérant que la société Photosol n'a pas acquitté la contribution pour l'aide juridique dans l'instance d'appel ; que, par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au remboursement des dépens doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Photosol et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 31 décembre 2013, l'arrêté du préfet d'Eure-et-Loir du 10 juin 2012 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de la société Photosol sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Eure-et-Loir de procéder à un nouvel examen de la demande de permis de construire de la société Photosol, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société Photosol une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Photosol et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Une copie sera transmise au préfet d'Eure-et-Loir.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2015.

Le rapporteur,

A. MONYLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00587


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