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24/06/2014 | FRANCE | N°14NT00484

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 24 juin 2014, 14NT00484


Vu la requête, enregistrée le 25 février 2014, présentée pour M. et Mme A..., demeurant "..., par Me de Baynast, avocat au barreau des Sables d'Olonne ;

M. et Mme A... demandent à la cour :

1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 13-7162 du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes les a condamnés au paiement d'une amende de 1 000 euros et a décidé qu'ils devaient libérer la servitude de marchepied grevant la parcelle dont ils sont propriétaires au bord de l'Erdre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en cas d'i

nexécution dans le délai d'un mois ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat ...

Vu la requête, enregistrée le 25 février 2014, présentée pour M. et Mme A..., demeurant "..., par Me de Baynast, avocat au barreau des Sables d'Olonne ;

M. et Mme A... demandent à la cour :

1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 13-7162 du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes les a condamnés au paiement d'une amende de 1 000 euros et a décidé qu'ils devaient libérer la servitude de marchepied grevant la parcelle dont ils sont propriétaires au bord de l'Erdre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en cas d'inexécution dans le délai d'un mois ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

il soutiennent que :

- ils subissent indirectement une privation de propriété, aussi ont-ils posé une question prioritaire de constitutionnalité sur la conformité à la Constitution des dispositions du code général de la propriété des personnes publiques à l'origine de la contravention de grande voirie contestée, ce qui justifie l'octroi du sursis ;

- l'enlèvement de la clôture existante aura des conséquences difficilement réparables, le piétinement des piétons aboutissant à la destruction d'un milieu naturel sensible et d'arbres remarquables, ainsi que l'ont fait valoir le directeur régional de l'environnement, l'inspecteur des sites et la ministre de l'écologie ; par ailleurs, s'agissant d'un site classé, cet enlèvement suppose la délivrance d'une autorisation ministérielle ;

- la mise en place de la servitude est subordonnée à une décision explicite, inexistante en l'espèce ; en tout état de cause, elle ne peut légalement être instaurée sur l'Erdre qui n'est pas un cours d'eau au sens de la jurisprudence du Conseil d'Etat ; en outre, par un arrêt de 1912 revêtu de l'autorité absolue de chose jugée, la Cour de Cassation a dénié l'existence de la servitude sur l'Erdre en l'absence matérielle de cheminement ;

- par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme, la servitude ne leur est pas opposable à défaut de figurer en annexe du plan local d'urbanisme ;

- l'action publique était prescrite quand les poursuites ont été engagées ; celles-ci ont été engagées illégalement ; le rapport établi par des agents municipaux n'a pas valeur de procès-verbal ;

- l'assiette de la servitude dépend de la délimitation du domaine public fluvial ; aussi convenait-il pour le tribunal de surseoir à statuer jusqu'au prononcé du jugement sur le recours engagé contre l'arrêté du 27 mars 2013 du président du conseil général portant délimitation de l'Erdre ;

Vu le jugement dont le sursis à exécution est demandé ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2014, présenté par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet de la requête ; elle soutient que :

- le jugement attaqué n'emporte pas de conséquences difficilement réparables en ce qu'il n'a pas pour effet d'activer la servitude, mais d'en assurer le respect ;

- l'enlèvement des obstacles à la servitude ne dégradera pas le site classé de la vallée de l'Erdre et ne nécessite pas l'autorisation ministérielle attachée aux travaux en sites classés ;

- eu égard à l'indépendance des législations, ce classement est sans incidence sur le présent litige;

- la destruction volontaire par des tiers de la végétation arbustive des berges de la rivière ne saurait se reproduire du seul fait de la libération de la servitude de marchepied ;

-les moyens des requérants ne paraissent pas sérieux, en effet :

- le président de la 2ème chambre de la cour a décidé par ordonnance du 25 avril 2014 de ne pas transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité ;

- l'action publique n'était pas prescrite lorsque la contravention de grande voirie, dressée régulièrement sous forme de procès-verbal par un agent assermenté, a été déférée au tribunal administratif ;

- le délai de dix jours requis pour notifier le procès-verbal au contrevenant n'est pas imparti à peine de nullité par l'article L.774-2 du code de justice administrative ;

- l'absence de mention de la servitude de marchepied dans le plan local d'urbanisme de La Chapelle-sur-Erdre est dépourvue de conséquences jurdiques ;

- cette servitude est applicable à l'Erdre qui, contrairement à ce que soutiennent les requérants, est effectivement un cours d'eau et appartient au domaine public fluvial ;

- la servitude de marchepied, qui ne se perd pas par absence d'usage, est opposable aux administrés sans formalités ni publicité préalables et sans indemnisation ; l'arrêt du 23 décembre 1912 de la Cour de Cassation n'a que l'autorité relative de la chose jugée ; en tout état de cause, les circonstances matérielles et juridiques ont évolué depuis lors ;

- la servitude est mesurée à partir de la hauteur des eaux coulant à plein bord, sa délimitation n'est donc pas tributaire de l'issue du recours engagé contre l'arrêté du président du conseil général portant délimitation du domaine public le long de l'Erdre ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 juin 2014, présenté pour M. et Mme A... qui concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens qu'ils développent ;

Vu l'ordonnance du 25 avril 2014 par laquelle le président de la 2° chambre a décidé de ne pas transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité à la constitution des dispositions du code général de la propriété des personnes publiques à l'origine de la contravention de grande voirie contestée ;

Vu la requête n°14NT0482 tendant à l'annulation du jugement susvisé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2014 :

- le rapport de M. François, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

- et les observations de Me de Baynast, avocat de M. et Mme A...;

1. Considérant que M. et Mme A... demandent à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes les a condamnés au paiement d'une amende de 1 000 euros et décidé qu'ils devaient libérer la servitude de marchepied grevant la parcelle dont ils sont propriétaires au bord de l'Erdre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en cas d'inexécution dans le délai d'un mois ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-14 du code de justice administrative : "Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par le juge d'appel (...)" ; qu'aux termes de l'article R. 811-17 de ce code: " le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés paraissent sérieux en l'état de l'instruction. " ; que l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques énonce que : " Les propriétaires riverains d'un cours d'eau ou d'un lac domanial ne peuvent planter d'arbres ni se clore par haies ou autrement qu'à une distance de 3,25 mètres. Leurs propriétés sont grevées sur chaque rive de cette dernière servitude de 3,25 mètres, dite servitude de marchepied. Tout propriétaire (...) riverain d'un cours d'eau ou d'un lac domanial est tenu de laisser les terrains grevés de cette servitude de marchepied à l'usage du gestionnaire de ce cours d'eau ou de ce lac, des pêcheurs et des piétons (...) " et que l'article L. 2132-16 de ce code dispose que: " En cas de manquements aux dispositions de l'article L. 2131-2, les contrevenants sont tenus de remettre les lieux en état ou, à défaut, de payer les frais de la remise en état d'office à la personne publique propriétaire. (...)." ;

3. Considérant que pour demander le sursis à exécution de ce jugement, M. et Mme A... soutiennent qu'une question prioritaire de constitutionnalité a été posée sur la privation indirecte de propriété résultant de la servitude de marchepied ; que l'enlèvement des obstacles à la servitude aura des conséquences difficilement réparables sur le milieu naturel sensible et qu'une autorisation ministérielle de travaux est nécessaire ; que la servitude ne peut légalement être mise en place sur l'Erdre qui ne saurait être regardé comme un cours d'eau ; qu'un arrêt de 1912 de la Cour de Cassation, revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée, dénie l'existence de la servitude sur cette rivière ; que son instauration est subordonnée à une décision administrative préalable ; qu'elle ne leur est en tout état de cause pas opposable faute de figurer en annexe du plan local d'urbanisme ; que l'action publique était prescrite lors de l'engagement des poursuites ; que celles-ci ont été engagées illégalement et qu'il n'a pas été établi de procès-verbal régulier ; que la délimitation du domaine public fluvial, dont dépend l'assiette de la servitude, est tributaire de l'issue du recours engagé contre l'arrêté de délimitation du 27 mars 2013 du président du conseil général ;

4. Considérant que la remise en état des lieux consiste uniquement à tirer les conséquences du constat d'infraction en procédant sur une largeur de 3,25 m. à l'enlèvement des obstacles qui obstruent le marchepied, en méconnaissance de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques ; qu'il n'est pas établi qu'il en résulterait une dégradation des espèces végétales protégées éventuellement présentes sur l'emprise de la servitude à cet endroit précis; qu'ainsi l'exécution du jugement attaqué n'est pas de nature à entraîner des conséquences difficilement réparables ;que, par suite, les conditions posées par l'article R. 811-17 précité du code de justice administrative n'étant pas réunies, les conclusions des requérants tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

5. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée à ce titre par M. et Mme A... ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2014, où siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Sudron, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 juin 2014.

Le rapporteur,

E. FRANÇOISLe président,

A. PÉREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'égalité des territoires, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

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V


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00484
Date de la décision : 24/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : DE BAYNAST

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-06-24;14nt00484 ?
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