Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2014, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Chaignet, avocat au barreau de Paris ;
M. B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1202526 - 1202527 - 1300359 - 1300360 du 21 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2012 du préfet de la Manche déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement de la zone du Taillais sur le territoire des communes de Granville et d'Yquelon, et de la décision rejetant implicitement son recours gracieux, d'autre part, de l'arrêté du 25 octobre 2012 par lequel le préfet de la Manche a déclaré cessibles, au profit de la communauté de communes du pays Granvillais, ses parcelles cadastrées n° AE 54, AE 66 et AE 68, situées à Yquelon, ainsi que sa parcelle cadastrée BV 8 située à Granville ;
2°) d'annuler ces arrêtés pour excès de pouvoir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- l'estimation de France Domaine du 28 février 2012 sur le coût des acquisitions foncières ne figurait pas au dossier d'enquête publique ; ce coût, fixé à 308 601 € par l'expropriant a été volontairement minoré dans le dossier d'enquête, le juge de l'expropriation ayant ultérieurement accordé une indemnité de 549 850 € ;
- l'absence d'intégration de la parcelle cadastrée AE 73 dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique, au motif fallacieux de la délivrance récente d'un permis de construire sur cette parcelle, est entachée de détournement de pouvoir ;
- l'opération est dépourvue d'utilité publique dès lors qu'en raison d'une offre largement excédentaire de terrains commerciaux dans la communauté de communes, il n'existe pas de demande d'installation dans la zone commerciale projetée ; en outre la communauté de commune disposait d'espaces plus appropriés pour implanter le nouveau centre de sapeurs pompiers, notamment sur le site de la Clémentière ;
- l'arrêté de cessibilité doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté de déclaration d'utilité publique ;
Vu la mise en demeure adressée le 7 novembre 2014 au ministre de l'intérieur, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2014, présenté pour la communauté de communes Granville Terre et Mer, représentée par son président, par Me Le Coustumer avocat au barreau de Caen, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B...une somme de 2 000 € euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- l'estimation du 28 février 2012 de France-Domaine n'avait pas à figurer au dossier d'enquête publique ; en tout état de cause, l'estimation du 15 février 2011, quasi-identique à cette dernière, était annexée à ce dossier ;
- l'appréciation sommaire des dépenses ne peut être regardée comme sous-évaluée dès lors que l'estimation des acquisitions foncières ne représente que 12,6% du coût total de l'opération ;
- l'adjonction de la parcelle AE 73, déjà en cours d'urbanisation, au périmètre de l'opération était sans intérêt pour celle-ci et donc contraire à l'intérêt général ;
- l'opération envisagée, consistant à agrandir une zone commerciale dynamique, présente un intérêt public, seuls 11 000 m² restant à commercialiser sur 55 500 ; par ailleurs, dans les deux autres zones commerciales communautaires, l'offre de surfaces disponibles est inférieure à 4% des zones ; enfin la zone de la Lande de Pucy n'est pas destinée au commerce, mais au tertiaire et à l'artisanat et ne dispose que de 26 500 m² à céder sur 58 000 m² commercialisables ;
- en ce qui concerne le centre de secours, l'implantation projetée à proximité de grandes voies de desserte est particulièrement appropriée ; le site de la Clémentière cité par le requérant est destiné à accueillir un éco-quartier ;
- la communauté de commune a déjà acquis à l'amiable plus de la moitié des terrains nécessaires aux implantations souhaitées ;
Vu le mémoire enregistré le 31 mars 2015, présenté pour M.B..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête ;
il ajoute que la procédure d'enquête publique est irrégulière en raison de l'insuffisance de l'étude d'impact qui ne décrit pas le centre de secours et ses effets sur l'environnement, de la sous-évaluation de l'appréciation sommaire des dépenses qui ne comporte aucune évaluation du coût de construction du centre de secours et de l'absence d'un document afférent aux caractéristiques de ce centre ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 avril 2015, présenté pour la communauté de communes Granville Terre et Mer, qui maintient ses précédentes conclusions ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 mai 2015, présentée pour la communauté de communes Granville Terre et Mer ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2015 :
- le rapport de M. François, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;
- les observations de Me Chaignet, avocat de M.B... ;
- et les observations de Me Le Coustumer, avocat de la communauté de communes du Pays Granvillais ;
1. Considérant que M. B... relève appel du jugement du 21 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 2 septembre 2012 du préfet de la Manche déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement de la zone du Taillais sur le territoire des communes de Granville et d'Yquelon, et de la décision rejetant implicitement son recours gracieux, d'autre part, de l'arrêté du 25 octobre 2012 par lequel le préfet de la Manche a déclaré cessibles, au profit de la communauté de communes du pays Granvillais, ses parcelles cadastrées n° AE 54, AE 66 et AE 68, situées à Yquelon, ainsi que sa parcelle cadastrée BV 8 située à Granville ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2012 portant déclaration d'utilité publique :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3 alors en vigueur du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I. Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : 1° Une notice explicative (...) 5° L'appréciation sommaire des dépenses. (...) " ;
3. Considérant que si, selon son intitulé, la déclaration d'utilité publique litigieuse porte sur la réalisation d'une zone d'activité, il ressort toutefois du document qui lui est annexé en application de l'article L11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, corroboré par la notice explicative et par les autres pièces du dossier que l'opération déclarée d'utilité publique est essentiellement destinée à accueillir le nouveau centre de secours des sapeurs pompiers de Granville dont l'implantation actuelle en centre-ville est vétuste et incommode ; que l'appréciation sommaire des dépenses jointe au dossier soumis à enquête publique porte exclusivement sur le coût des travaux d'acquisition des terrains et des travaux de viabilisation, estimés à 301 601 € , mais ne comprend aucune estimation des dépenses entraînées par la construction du centre de secours, alors que le coût de cet équipement public, estimé en 2009 à 4,6 millions d'euros, était connu de l'expropriant ; que, par suite, et alors même que l'édification du centre de secours doit être effectuée sous la maîtrise d'ouvrage du service départemental d'incendie et de secours de la Manche, M. B...est fondé à soutenir que cette omission a eu pour effet de nuire à l'information complète de la population et a vicié la régularité de la procédure et à demander, pour ce motif soulevé pour la première fois en appel, l'annulation de l'arrêté du préfet de la Manche déclarant d'utilité publique l'opération susmentionnée et de la décision rejetant implicitement son recours gracieux ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de cessibilité du 25 octobre 2012 :
4. Considérant que l'illégalité de l'arrêté déclaratif d'utilité publique du 2 septembre 2012 entache d'illégalité l'arrêté préfectoral du 25 octobre 2012, pris sur le fondement de ce premier arrêté, déclarant cessibles les parcelles cadastrées n° AE 54, AE 66 et AE 68, appartenant à M. B...; qu'il suit de là que l'arrêté de cessibilité du 25 octobre 2012 encourt également l'annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B...qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée à ce même titre par la communauté de communes Granville Terre et Mer ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 novembre 2013 du tribunal administratif de Caen, les arrêtés du 2 septembre 2012 et du 25 octobre 2012 du préfet de la Manche et la décision de ce préfet rejetant implicitement le recours gracieux de M.B... sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3: Les conclusions formées par la communauté de communes de Granville Terre et Mer sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la communauté de communes Granville Terre et Mer et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 mai 2015, où siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. François, premier conseiller
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mai 2015.
Le rapporteur,
E. FRANÇOISLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT00092