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02/07/2015 | FRANCE | N°14NC01822

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 02 juillet 2015, 14NC01822


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n°1201576, la société SJS a demandé au tribunal administratif de Besançon :

- d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 16 mai 2012 en tant qu'il fixe à une puissance de production de 180 kW la consistance légale originelle de son installation hydroélectrique de Bourguignon ;

- d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 20 juin 2012 la mettant en demeure de déposer un dossier d'autorisation pour produire de l'électricité au-delà de la puissance de 180 kW ;

- d'

annuler la décision du préfet du Doubs intervenue le 20 septembre 2012 de rejet de ses recours grac...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n°1201576, la société SJS a demandé au tribunal administratif de Besançon :

- d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 16 mai 2012 en tant qu'il fixe à une puissance de production de 180 kW la consistance légale originelle de son installation hydroélectrique de Bourguignon ;

- d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 20 juin 2012 la mettant en demeure de déposer un dossier d'autorisation pour produire de l'électricité au-delà de la puissance de 180 kW ;

- d'annuler la décision du préfet du Doubs intervenue le 20 septembre 2012 de rejet de ses recours gracieux contre les arrêtés des 16 mai et 20 juin 2012 ;

- d'enjoindre au préfet du Doubs de prendre un nouvel arrêté reconnaissant le caractère fondé en titre et la consistance légale à hauteur de la puissance actuelle de l'installation hydroélectrique de son usine de Bourguignon.

Par une requête n° 1300786, la société SJS a demandé au tribunal administratif de Besançon :

- d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2013 la mettant en demeure de régulariser sa situation administrative et de déposer un dossier de demande d'autorisation au titre du code de l'environnement et de la loi du 16 octobre 1919 pour son site hydroélectrique de Bourguignon ainsi que la décision du 22 avril 2013 rejetant son recours gracieux ;

- d'enjoindre au préfet du Doubs de prendre un nouvel arrêté reconnaissant le caractère fondé en titre de l'usine de Bourguignon et sa consistance légale à hauteur de la puissance maximale de 3 358 kilowatts.

Par un jugement n° 1201576-1300786 du 21 juillet 2014, le tribunal administratif de Besançon a prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions en annulation des arrêtés des 16 mai 2012 et 20 juin 2012, annulé l'arrêté du 14 janvier 2013 du préfet du Doubs et enjoint à ce dernier de prendre un nouvel arrêté reconnaissant la consistance légale du droit fondé en titre de la société SJS à hauteur de la puissance maximale de 3 358 kW.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 23 septembre 2014 et des mémoires enregistrés le 2 avril et le 28 mai 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201576-1300786 du 21 juillet 2014 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) de rejeter la demande de la société SJS ;

3°) subsidiairement de réduire la puissance pour laquelle l'usine de la société SJS est reconnue fondée en titre.

Le ministre soutient que :

- les premiers juges ont estimé à tort que le droit fondé en titre de la société SJS portait sur 3 358 kW dès lors que l'ouvrage a été modifié pour rehausser le barrage et que les caractéristiques techniques relatives à la hauteur de chute et au débit du canal d'amenée ne permettent pas un tel niveau de puissance ;

- la consistance légale de l'ouvrage a été modifiée dès lors que des rehausses mobiles ont été ajoutées, ce qui a conduit à un accroissement irrégulier de la force motrice disponible ;

- les mesures réalisées, notamment avec un débit maximal observé de 42,2 m3/s et une hauteur de chute qui ne peut être supérieure à 4,01 mètres, permettent de conclure à l'existence d'une puissance maximale brute évaluée de la façon la plus avantageuse pour la société SJS à 1345 kW.

Par des mémoires en défense enregistrés le 4 février, le 11 mai et le 26 mai 2015, la société SJS, représentée par Me A... et Me Proisy, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ne sont pas fondés et que le tribunal administratif de Besançon a fixé à bon droit la puissance maximale brute fondée en titre à 3 358 kW dès lors que les mesures dont se prévaut le ministre ne sont pas justifiées et ne correspondent pas à la puissance légale fondée en titre.

Un mémoire présenté pour le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a été enregistré le 10 juin 2015 après clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Richard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me Proisy, avocat de la société SJS.

La société SJS a présenté une note en délibéré enregistrée le 16 juin 2015.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 16 mai 2012, le préfet du Doubs a reconnu l'existence du droit d'usage de l'eau fondé en titre attaché à l'installation hydroélectrique de la requérante située à Bourguignon avant de fixer sa contenance légale à une puissance maximale brute de production de 180 kW. Par un deuxième arrêté du 20 juin 2012, le préfet du Doubs a mis en demeure la requérante de déposer un dossier d'autorisation pour produire de l'électricité au-delà de cette puissance de 180 kW. Par un nouvel arrêté du 14 janvier 2013, le préfet a retiré les arrêtés attaqués des 16 mai 2012 et 20 juin 2012 et a mis en demeure la société requérante, d'une part, de réaliser une nouvelle expertise de la débitance du canal d'amenée pour déterminer la consistance légale de son ouvrage et, d'autre part, de régulariser ses ouvrages hydrauliques en procédant soit à l'arasement de la crête du barrage pour la mettre en conformité avec la crête du barrage résultant du décret impérial du 24 mars 1854 soit au dépôt d'un dossier de demande d'autorisation au titre de l'article R. 214-17 du code de l'environnement et de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique. Le ministre relève appel du jugement du 21 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Besançon, après avoir prononcé un non lieu à statuer en ce qui concerne les arrêtés du 16 mai et du 20 juin 2012, a annulé l'arrêté du 14 janvier 2013 du préfet du Doubs avant de lui enjoindre de prendre un nouvel arrêté reconnaissant la consistance légale du droit fondé en titre de la société SJS à hauteur de la puissance actuelle de 3 358 kW.

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'énergie : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 511-4, nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'État ". Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne sont pas soumises aux dispositions du présent livre: 1° Les usines ayant une existence légale (...) ". Aux termes de l'article L. 511-5 du même code : " Sont placées sous le régime de la concession les installations hydrauliques dont la puissance excède 4 500 kilowatts. Les autres installations sont placées sous le régime de l'autorisation selon les modalités définies à l'article L. 531-1. La puissance d'une installation hydraulique, ou puissance maximale brute, au sens du présent livre est définie comme le produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation par l'intensité de la pesanteur ".

3. Il est constant que la société SJS bénéficie pour son usine hydroélectrique de Bourguignon d'un droit fondé en titre correspondant à la prise d'eau d'un ancien moulin qui a fait l'objet d'une aliénation comme bien national en 1797. Par son arrêté du 14 janvier 2013, le préfet du Doubs a estimé qu'il ne pouvait reconnaître la consistance du droit fondé en titre sur le fondement de l'étude hydraulique du 23 décembre 2011 réalisée à l'initiative de la société pétitionnaire, au regard selon lui d'erreurs sur la hauteur de chute retenue et le débit du canal d'amenée, et a mis en demeure la société SJS de régulariser la situation de son ouvrage. Par le jugement contesté du 21 juillet 2014, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 14 janvier 2013 au motif que le préfet du Doubs ne justifiait pas légalement son refus de prendre en compte les rehausses mobiles existantes et qu'au regard des résultats de l'étude hydraulique du 23 décembre 2011, la consistance du droit fondé en titre de la société SJS devait être fixée à une puissance maximale brute de 3 358 kW.

Sur la mise en demeure de régulariser les ouvrages hydrauliques de la centrale de Bourguignon :

4. Un droit fondé en titre conserve la consistance qui était la sienne à l'origine. La détermination de la puissance fondée en titre s'opère au regard de la hauteur de la chute d'eau et du débit du cours d'eau ou du canal d'amenée et ce débit doit être apprécié au niveau du vannage d'entrée. Les modifications de l'ouvrage auquel est attaché un droit fondé en titre qui ont pour objet ou pour effet d'accroître la force motrice théoriquement disponible ont pour conséquence de soumettre l'installation au droit commun de l'autorisation ou de la concession pour la partie de la force motrice supérieure à la puissance fondée en titre.

5. Le ministre soutient que l'ouvrage de Bourguignon a subi des modifications de sa hauteur de chute de nature à augmenter sa force motrice théoriquement disponible, ce qui rendait nécessaires les dispositions de l'article 1er de son arrêté relatives à la régularisation de l'ouvrage.

6. Il ne résulte toutefois pas des documents produits en première instance et auxquels il est à nouveau fait référence en appel que l'ouvrage de Bourguignon n'ait jamais disposé, antérieurement et jusqu'à la date de son aliénation comme bien national en 1797, de rehausses mobiles susceptibles d'expliquer la hauteur de chute actuelle qui s'établit à un niveau supérieur à celui indiqué par un décret impérial du 22 mars 1854 qui sert de référence à l'administration. En effet ce décret impérial fait lui-même référence à une réclamation d'un tiers évoquant l'existence de telles rehausses en 1844 au plus tard, sans que la date de leur installation puisse être fixée, alors que la compagnie propriétaire de l'ouvrage a rappelé, dans sa demande du 24 mars 1854 tendant à la modification de ce décret, que " de temps immémorial, des hausses mobiles de 0,3 à 0,35 mètre ont été placées sur le barrage de sa propre usine ". Dans ces conditions, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la consistance du droit fondé en titre n'est pas la consistance actuelle de l'ouvrage. Il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 14 janvier 2013 en tant qu'il met en demeure la société SJS d'araser le barrage.

Sur la consistance du droit fondé en titre de la société SJS :

7. Invoquant une note d'expertise du 1er avril 2015 rédigée par les services du pôle éco-hydraulique de Toulouse conjoint à l'ONEMA et à l'Irstea, le ministre soutient que l'étude hydraulique du 23 décembre 2011 réalisée par le cabinet Hydraulicana à la demande de la société SJS souffre d'insuffisances méthodologiques ayant conduit à évaluer des niveaux de débit grossièrement surévalués. Il fait valoir que des campagnes de mesures réalisées sur le site par les services de la DREAL pour estimer le débit du canal lors de différents épisodes hydrauliques allant de l'étiage à un épisode de crue trouvent un débit maximal observé de 42,2 m3/s alors que l'étude du cabinet Hydraulicana retient un débit calculé de 74,6 m3/s selon la formule de Strickler et de 76,9 m3/s selon la méthode de la vitesse limite. De plus le ministre soutient que la hauteur de chute diminuant quand le débit augmente, il n'y a pas lieu de retenir la hauteur maximale de la chute d'eau si l'on retient le débit maximum.

8. Toutefois comme dit au point 2 ci-dessus, la puissance maximale brute au sens du code de l'environnement est égale au produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation par l'intensité de la pesanteur. La hauteur de chute à retenir est en l'espèce celle constatée de l'ouvrage soit 4,45 m y compris les rehausses mobiles. Le débit maximal de la dérivation s'évalue lui en fonction des caractéristiques physiques du canal d'amenée et non par les mesures réelles observées sur le site qui varient notamment en fonction de l'équipement aval et des modalités de son fonctionnement. Il ne résulte pas de l'instruction que les méthodes utilisées par le cabinet Hydraulicana pour calculer le débit maximal du canal d'amenée soient erronées et notamment que la vitesse moyenne maximale de 1,80 ou 2 m/s retenue par le cabinet d'expertise soit, pour un canal dont le fond est de rochers calcaires et les bajoyers de maçonnerie de pierre, exagérée.

9. Il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif a fait une appréciation exagérée du droit fondé en titre de la société SJS en fixant sa puissance maximale brute à 3 358 kW conformément au résultat de l'étude qu'elle avait fait réaliser.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le recours du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie doit être rejeté.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société SJS, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés pour sa défense.

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société SJS une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SJS et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

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N°14NC01822


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01822
Date de la décision : 02/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-02-01-01 Eaux. Ouvrages. Établissement des ouvrages. Prises d'eau.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : RAVETTO ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-07-02;14nc01822 ?
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