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10/12/2015 | FRANCE | N°14NC01304

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2015, 14NC01304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) BDT a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1200423 du 7 mai 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à sa demande de décharge.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, en

registrés le 11 juillet 2014 et le 23 janvier 2015, le ministre des finances et des comptes publics d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) BDT a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1200423 du 7 mai 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à sa demande de décharge.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 11 juillet 2014 et le 23 janvier 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 mai 2014 ;

2°) de remettre à la charge de la SCI BDT les impositions en litige ;

Il soutient que :

- l'inscription au crédit d'un compte bancaire constitue une modalité d'encaissement des loyers correspondant à la location d'un immeuble à la société Jeannin Automobile rendant exigible la taxe sur la valeur ajoutée due sur les prestations de services alors même qu'après consignation entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats, la somme correspondant aux loyers consignés a fait l'objet d'une saisie-attribution à la demande du Crédit Mutuel en vue du paiement d'une dette de la SCI BDT à son égard ;

- la société Jeannin Automobile a procédé à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée assise sur les loyers qu'elle a versés ; le respect du principe de neutralité implique que l'encaissement des sommes correspondant au montant de ces loyers donne lieu au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée par la SCI BDT ;

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 21 novembre 2014 et le 20 avril 2015, la SCI conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre des finances et des comptes publics ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

- le décret 92-755 du 31 juillet 1992 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guidi, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public.

Sur les conclusions aux fins de décharge:

En ce qui concerne le bien fondé de l'imposition :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " (...) 2. La taxe est exigible : / (...) c) Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) " ; qu'aux termes de l'article 42 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 : " Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent (...) " ; qu'aux termes de l'article 43 de cette même loi : " L'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation (...) " ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société civile immobilière (SCI) BDT a, pour son activité de location d'immeubles à usage commercial, opté en faveur de son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, en application de l'article 206 du code général des impôts et selon le régime réel d'imposition ; qu'elle a conclu le 15 août 1998 un bail avec la société Scala Automobile, lequel a été cédé à la société Jeannin Automobile le 28 février 2000 ; qu'en raison d'un litige relatif à la consistance des biens loués, la société Jeannin Auto a consigné les loyers mensuels d'un montant de 3 865,56 euros entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de l'Aube, constituant séquestre, du 15 mars 2002 au 4 mars 2008, pour un montant total de 267 889,47 euros ; que, par un arrêt du 5 janvier 2009, la cour d'appel de Reims a jugé que la société Jeannin Automobile, qui avait donné congé du bail pour le 31 janvier 2008, était redevable de ces loyers et a ordonné la déconsignation au profit de la société BDT de la somme considérée ; que cependant cette somme a alors fait l'objet d'une saisie-attribution signifiée le 23 février 2009 entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de l'Aube, par la SCP Biloe et Berton, huissiers de justice, à la demande de la caisse du Crédit Mutuel de Romilly-sur-Seine, en vue du remboursement d'un emprunt contracté par la SCI BDT ; que le bâtonnier de l'ordre des avocats de l'Aube a en conséquence émis un chèque d'un montant de 267 889 euros à l'ordre de la SCP Biloe et Berton, qui, par acte du 28 juillet 2009, a donné mainlevée de la saisie-attribution signifiée à l'encontre de la SCI BDT et a donné quittance au bâtonnier de l'ordre des avocats de l'Aube du paiement de la somme de 267 889 euros ; que la SCP Billoe et Berton a ensuite après déduction des frais d'huissier, émis un chèque d'un montant de 264 169 euros à l'ordre de la caisse du Crédit Mutuel ; que ladite somme a été le 1er septembre 2009 inscrite au crédit du compte bancaire de la société tenu par la caisse du Crédit Mutuel pour être finalement débitée le 15 septembre suivant ; qu'au terme de la vérification de comptabilité de la SCI effectuée du 20 décembre 2010 au 17 février 2011, l'administration a estimé, par une proposition de rectification du 3 mars 2011 établie dans le cadre de la procédure de taxation d'office, que la somme de 267 889 euros saisie entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de l'Aube devait être considérée comme " versée " à la SCI et à sa " disposition " le 28 juillet 2009, ce qui a eu pour effet de rendre exigible la taxe sur la valeur ajoutée sur les loyers dus par la société Jeannin Automobile ;

3. Considérant que si, aux termes mêmes des dispositions précitées de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, la saisie-attribution entre les mains d'un tiers a un effet attributif immédiat des sommes saisies au créancier saisissant, ce qui les rend indisponibles pour le débiteur saisi, elle a également pour effet, dans la limite de son montant, d'éteindre la dette du tiers saisi à l'égard du débiteur saisi ; qu'il s'ensuit que le paiement, en date du 28 juillet 2009, du chèque d'un montant de 267 889,47 euros correspondant au règlement des loyers dus par la société Jeannin Automobile à la SCI BDT et qui a été effectué par le bâtonnier de l'ordre des avocats de l'Aube en exécution de la saisie-attribution engagée par la caisse du Crédit Mutuel, doit être regardé comme un encaissement au sens de l'article 269 du code général des impôts, rendant exigible la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces loyers ; que, par suite, et alors même que la SCI BDT n'a pas eu à cette date la disposition de ces sommes, c'est à bon droit que le service a mis à la charge de la société requérante une somme de 43 902 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée sur les loyers acquittés par la société Jeannin Automobile ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, comme le soutient le ministre, c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a accordé à la SCI BDT la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assise sur les loyers dus par la société Jeannin Automobile et des pénalités correspondantes assignés à la SCI BDT au motif que la société n'avait pas procédé à l'encaissement des sommes correspondant au paiement des loyers faute d'en avoir eu la disposition ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le ministre chargé du budget et par la SCI BDT devant le tribunal administratif et, le cas échéant, devant la cour ;

6. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts " ;

7. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 3, la taxe sur la valeur ajoutée assise sur les loyers dus par la société Jeannin est devenue exigible au mois de juillet 2009, date de la saisie-attribution effectuée à la demande du Crédit Mutuel correspondant à leur paiement ; que dans ces conditions, la SCI BDT n'est pas fondée à soutenir que le droit de reprise de la taxe sur la valeur ajoutée portant sur les loyers dus au titre des années 2002 à 2006 par la société Jeannin Automobile était atteint par la prescription lorsque le service lui a adressé la proposition de rectification du 3 mars 2011 ;

En ce qui concerne les pénalités :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai " ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI BDT n'a pas déposé la déclaration récapitulative CA 12 prévue par le 3 de l'article 287 du code général des impôts et par l'article 302 septies A du même code au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009, en dépit d'une mise en demeure adressée le 19 novembre 2010 ; que par suite, la SCI BDT n'est pas fondée à soutenir que les pénalités mises à sa charge en application des dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts ne seraient pas justifiées ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée assigné à la SCI BDT au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à que l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1200423 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 mai 2014 est annulé.

Article 2 : Le rappel de taxe sur la valeur ajoutée assigné à la SCI BDT au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 ainsi que les pénalités correspondantes sont remis à sa charge.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI BDT et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Etienvre, président assesseur,

Mme Guidi, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2015.

Le rapporteur,

Signé : L. GUIDI

Le président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : S. ROBINET

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. ROBINET

2

N° 14NC01304


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01304
Date de la décision : 10/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-06-02-05 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Fait générateur.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL TROYES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-12-10;14nc01304 ?
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