Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2014, présentée pour Mme B... A...épouseD..., demeurant..., par MeE... C...;
Mme A...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400242 du 6 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2013 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a imposé de se présenter périodiquement aux services de police et a fixé son pays d'origine pour destination de la mesure d'éloignement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 décembre 2013 ;
3°) d'enjoindre au même préfet de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen ;
Mme A...soutient que :
- le signataire de l'arrêté ne justifie pas avoir reçu délégation ;
- en portant atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale, le refus de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de séjour est intervenu en violation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;
- le refus de séjour étant illégal, l'obligation de quitter le territoire français est elle-même illégale ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droit de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est également entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle encourt des risques sanitaires en cas de retour en Haïti ;
Vu le jugement et l'arrêté du 16 décembre 2013 attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2014, présenté par le préfet du Haut-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ;
Le préfet soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2015 :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public ;
1. Considérant que MmeA..., de nationalité haïtienne, s'est maintenue en France au-delà de la validité du visa de court séjour sous couvert duquel elle est entrée sur le territoire le 8 mars 2012, à l'âge de vingt-trois ans ; que, par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 décembre 2012, confirmée le 12 septembre 2013 par la Cour nationale du droit d'asile, sa demande d'asile conventionnel a été rejetée ; que le préfet du Haut-Rhin, par un arrêté du 16 décembre 2013, a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé pour destination de cette mesure, si elle devait être exécutée d'office, le pays dont elle a la nationalité ou tout pays dans lequel elle est légalement admissible ; que Mme A... relève appel du jugement du 6 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et demande l'annulation de ce dernier ;
Sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué pris dans son ensemble :
2. Considérant que l'arrêté attaqué du préfet du Haut-Rhin en date du 2 décembre 2013 a été signé par M. Barrois, secrétaire général de la préfecture du Haut-Rhin qui, en vertu d'un arrêté du 9 août 2013 publié au recueil le 12 août 2013 au recueil des actes administratifs de la préfecture, disposait d'une délégation à l'effet de " signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département du Haut-Rhin ", à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives à la police des étrangers ; qu'ainsi, le moyen tiré par Mme A... de ce que l'arrêté du 2 décembre 2013 aurait été pris par une autorité incompétente manque en fait ;
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (... ) " ;
4. Considérant qu'en se bornant à faire état, pour se prévaloir de considérations humanitaires, de ses conditions de vie dans son pays d'origine en rapportant des comptes-rendus de la situation générale en Haïti et, d'autre part, en faisant valoir la vie familiale qu'elle a construite en France avec son époux et leur enfant et la poursuite d'études, la requérante n'établit pas que le préfet du Haut-Rhin aurait méconnu les dispositions précitées ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que ces stipulations ne sauraient, en tout état de cause, s'interpréter comme comportant pour un Etat l'obligation générale de respecter le choix, par un demandeur de titre de séjour, d'y établir sa résidence privée et de permettre son installation ou le regroupement de sa famille sur son territoire ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République." ;
6. Considérant que MmeA..., arrivée récemment en France et qui n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence d'un obstacle à ce qu'elle retourne dans son pays d'origine avec son époux pour y poursuivre une vie familiale avec ce dernier et son enfant en très bas âge ; qu'au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 16 décembre 2013 n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale ou privée une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ou aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou encore les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code précité, non plus qu'il révèle une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de Mme A...;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de séjour attaqué ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, en premier lieu, que la décision portant refus de séjour n'étant pas, ainsi qu'il a été dit, entachée d'excès de pouvoir, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision invoqué par voie d'exception à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III " ; qu'en vertu de ces dispositions, la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confond avec celle du refus de titre de séjour ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la motivation de ce dernier est suffisante ; qu'au demeurant, l'obligation de quitter le territoire français attaquée précise les circonstances relatives à la situation de l'intéressée au vu desquelles le préfet a pris la mesure d'éloignement ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
10. Considérant, en dernier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés, les moyens tirés de l'atteinte à la vie privée et familiale, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation de Mme A...doivent être écartés ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire attaquée ;
Sur la légalité de la décision prescrivant que le requérant pourra être reconduit d'office dans le pays dont il a la nationalité :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
13. Considérant que MmeA..., qui se borne à faire valoir des informations générales sur l'état sanitaire en Haïti, ne produit aucun élément probant de nature à établir qu'elle encourrait des risques la visant personnellement en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en violation des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2013 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...épouse D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 14NC01037