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21/07/2016 | FRANCE | N°14MA04617

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 21 juillet 2016, 14MA04617


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la délibération en date du 13 février 2013 par laquelle le conseil municipal de Suzette a approuvé la carte communale.

Par un jugement n° 1300986 du 19 septembre 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés respectivement le 24 novembre 2014, le 10 novembre 2015 et le 26 mars 2016, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cou

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1°) d'annuler le jugement en date du 19 septembre 2014 du tribunal administratif de Nîmes ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la délibération en date du 13 février 2013 par laquelle le conseil municipal de Suzette a approuvé la carte communale.

Par un jugement n° 1300986 du 19 septembre 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés respectivement le 24 novembre 2014, le 10 novembre 2015 et le 26 mars 2016, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 19 septembre 2014 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler la délibération précitée ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Suzette la somme de 4 035 euros au titre des frais de première instance en application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative, et la somme de 4 000 euros en application du même article L. 761-1 au titre des frais d'appel.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que des affiches visibles et lisibles depuis la voie publique auraient été apposées sur les lieux du projet de carte communale ;

- ce vice de procédure a privé les administrés de leur droit à l'information et à la participation consubstantielle à l'organisation d'une enquête publique ;

- l'avis d'enquête n'indique pas les jours et heures où le public pouvait consulter le dossier d'enquête et présenter ses observations sur le registre ouvert à cet effet ;

- les modalités restreintes de consultation n'ont pas permis la participation de la plus grande partie de la population ;

- le commissaire enquêteur n'a pas examiné l'ensemble des observations recueillies au cours de l'enquête et n'a pas donné son avis personnel et circonstancié sur l'observation défavorable dont il était saisi ;

- les dispositions des articles L. 2121-10 et L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales n'ont pas été respectées dans le cadre de l'approbation de la délibération du 9 février 2009 prescrivant l'élaboration de la carte communale ainsi que celle du 13 février 2013 l'approuvant ;

- les convocations pour les séances des 21 mai et 4 juin 2012 ne permettent pas non plus de justifier du respect de ces dispositions ;

- la délibération du 9 février 2009 n'ayant pas de caractère exécutoire à défaut du respect des formalités de transmission au contrôle de légalité et de publication ou d'affichage, l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme ne saurait s'appliquer ;

- le projet de carte communale destiné à être soumis à enquête publique n'a pas été préalablement approuvé par le conseil municipal ;

- les dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues ;

- le compte rendu de la séance du conseil municipal tenue le 4 juin 2012 ne comporte que cinq signatures sur les dix conseillers mentionnés comme étant présents, n'est revêtu d'aucun cachet de la préfecture justifiant qu'il aurait été transmis au contrôle de légalité, ni aucune mention justifiant qu'il aurait été régulièrement affiché ;

- à la lecture des pièces du dossier il n'est pas possible de s'assurer que l'autorité compétente en matière d'environnement dont la commune de Suzette a décidé de recueillir l'avis aurait été consultée dans des conditions régulières ;

- la délibération du 13 février 2013 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne le classement en zone non constructible de la carte communale des parcelles lui appartenant situées quartier Granges Neuves ;

- la délibération du 28 avril 2014 produite par la commune de Suzette est insuffisante pour permettre au maire de défendre à l'appel interjeté en l'absence de production d'une délibération spécifique comme annoncé à son article 2 et alors que la commune ne rapporte pas la preuve du caractère exécutoire de cette délibération.

Par des mémoires en défense enregistrés le 6 novembre 2015, le 25 mars 2016 et le 12 avril 2016, la commune de Suzette, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que la délibération par laquelle le conseil municipal approuve une carte communale est un acte préparatoire, insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité, en application de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, du moyen tiré de l'illégalité de la délibération du 9 février 2009 au regard des articles L. 2121-10 et L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales.

Par un mémoire enregistré le 2 mars 2016, M. B... a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille qui désigne Mme Muriel Josset, présidente assesseure de la 1ère chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Jean-Louis d'Hervé, président de la 1ère chambre.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Féménia, première conseillère,

- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. B..., et de Me A..., représentant la commune de Suzette.

1. Considérant que M. B..., propriétaire sur le territoire de la commune de Suzette de deux parcelles cadastrées section B n° 195 et n° 197, interjette appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes en date du 19 septembre 2014 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal du 13 février 2013 approuvant la carte communale.

Sur la recevabilité des écritures en défense de la commune de Suzette :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le conseil municipal peut légalement donner au maire une délégation générale pour ester en justice au nom de la commune pendant la durée de son mandat ; qu'en application des dispositions de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement...... " ; que l'article L. 2131-2 du même code dispose : " Sont soumis aux dispositions de l'article L. 2131-1 les actes suivants : 1° Les délibérations du conseil municipal (...) ".

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si le maire bénéficiait d'une délégation du conseil municipal en date du 28 avril 2014, l'autorisant à présenter au nom de celui-ci des requêtes devant les juridictions ainsi que de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, transmise au contrôle de légalité, la commune ne verse au dossier, aucune justification tendant à établir que cette délégation a fait l'objet d'une mesure de publication ou d'affichage malgré la fin de non-recevoir opposée par M. B... sur ce point ; que, dans ces conditions, en l'absence de justification de l'accomplissement des mesures de publicité telles que prévues par les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, la délibération en cause donnant délégation au maire d'ester en justice n'est pas devenue exécutoire ; que, par suite, M. B... est fondé à soutenir que la commune n'est pas régulièrement représentée devant la Cour ; qu'il suit de là, que les écritures de la commune et ce y compris sa demande tendant à la condamnation de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, dans leur ensemble, être écartées de la procédure ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de la requête de première instance :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 124-2 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Les cartes communales sont approuvées, après enquête publique .... par le conseil municipal et le préfet... A l'issue de l'enquête publique la carte communale.... est approuvée par le conseil municipal..... Elle est alors transmise par le maire .....au préfet. Celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour l'approuver. A l'expiration de ce délai, le préfet est réputé avoir approuvé la carte. La carte approuvée est tenue à disposition du public. " ; qu'il résulte de ces dispositions, que l'adoption de la carte communale est subordonnée à une double approbation du conseil municipal et du représentant de l'Etat. ; que par suite, la délibération par laquelle l'organe délibérant de la commune approuve la carte communale ne revêt pas le caractère d'une mesure préparatoire à la décision du représentant de l'Etat mais d'une décision à effet différé jusqu'à la publication de ces deux décisions dans les conditions prévues par l'article R. 124-8 du code de l'urbanisme ; que, dans ces conditions, la délibération en litige, qui approuve la carte communale de la commune de Suzette, fait grief et est susceptible de recours ;

En ce qui concerne la légalité de la délibération en litige :

5. Considérant, d'une part qu'aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 124-1 du code de l'urbanisme : " Les communes qui ne sont pas dotées d'un plan local d'urbanisme peuvent élaborer (...) une carte communale précisant les modalités d'application des règles générales d'urbanisme prises en application de l'article L. 111-1 " ; qu'aux termes de l'alinéa 3 de l'article L. 124-2 du même code : " Les cartes communales sont approuvées, après enquête publique, par le conseil municipal et le préfet. (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 124-4 du code de l'urbanisme : " Le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent conduit la procédure d'élaboration ou de révision de la carte communale (...) " ;

6. Considérant, d'autre part, que pour être exécutoire, la délibération par laquelle le conseil municipal prescrit l'élaboration de la carte communale doit faire l'objet des mesures de publication ou d'affichage prévues par les dispositions précitées de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales ;

7. Considérant, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de l'irrecevabilité des écritures produites par la commune devant la Cour, que la délibération du 9 février 2009, par laquelle le conseil municipal de Suzette a prescrit l'élaboration de la carte communale ait fait l'objet des formalités de publicité, au nombre de celles prévues par les dispositions précitées de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, dont l'exécution est nécessaire pour que la délibération produise ses effets juridiques ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de caractère exécutoire de cette délibération et, par voie de conséquence, du caractère illégal de la délibération du 13 février 2013 approuvant la carte communale, doit être accueilli ;

8. Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'aucun autre moyen n'apparaît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier également l'annulation de la délibération litigieuse ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; qu'il y a donc lieu d'annuler ce jugement et la délibération en litige en date du 13 février 2013;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 et R. 761-1 du code de

justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; qu'aux termes de l'article R. 761-1 du même code : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens. " ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Suzette une somme globale de 1 635 euros à verser à M. B..., au titre des frais de première instance et d'appel, en ce comprise la contribution pour l'aide juridique, en application des dispositions précitées des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La délibération du 13 février 2013 par laquelle le conseil municipal de Suzette a approuvé la carte communale est annulée.

Article 2 : Le jugement n° 1300986 du tribunal administratif de Nîmes du 19 septembre 2014 est annulé.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Suzette sont rejetées.

Article 4 : La commune de Suzette versera à M. B... une somme de 1 635 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et à la commune de Suzette.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2016, où siégeaient :

- Mme Josset, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Féménia, première conseillère,

- M. Gonneau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juillet 2016.

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N° 14MA04617


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04617
Date de la décision : 21/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme JOSSET
Rapporteur ?: Mme Jeanette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : CABINET JEAN PIERRE GUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-07-21;14ma04617 ?
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