Vu la requête, enregistrée le 6 août 2014 et le mémoire enregistré le 5 septembre 2015, présentés pour le préfet du Rhône ;
Le préfet du Rhône demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1402069 du Tribunal administratif de Lyon, en date du 2 juillet 2014, en ce qu'il a annulé ses décisions du 27 février 2014 par lesquelles il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...F..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite ;
Le préfet soutient que :
- le tribunal administratif en annulant la décision de refus de titre de séjour du 27 février 2014 au motif qu'il n'a pas contredit le médecin de l'agence régionale de santé sur l'impossibilité pour Mme F... de voyager sans risque vers son pays d'origine a commis une erreur de droit ;
- Mme F... n'apporte aucun élément de nature à justifier d'un état de santé permettant la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que l'Arménie dispose des structures médicales et des médicaments permettant de soigner la pathologie dont elle souffre ;
- Mme F... ne démontre pas une vie privée et familiale suffisamment ancienne sur le territoire français ;
- rien ne fait obstacle à ce qu'elle retourne en Arménie avec ses deux enfants ; que la décision n'a pas pour objet de séparer ceux-ci de leur mère ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 octobre 2014, présenté pour Mme A...F..., demeurant ... ;
Mme F... demande à la Cour :
- de rejeter la requête du préfet du Rhône et de confirmer le jugement attaqué ;
- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros HT soit 1 200 euros TTC à verser à son conseil Me E...à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Mme C... soutient que :
- en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour, à titre principal, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé le refus de titre pour méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet ne produit pas de pièces suffisamment probantes pour contredire utilement l'avis positif du médecin de l'agence régionale de santé selon lequel son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine ;
- en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour, à titre subsidiaire, la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle réside en France depuis plus de quatre ans avec M. B...C...et que de leur union sont nés deux enfants, Gurgen, né le 24 mars 2010 à Pierre Bénite, et Lia, née le 29 janvier 2013 à Villeurbanne qui ont vocation à acquérir la nationalité française et que la famille est parfaitement intégrée en France ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle réside en France depuis plus de quatre ans avec ses deux enfants, qui ont vocation à acquérir la nationalité française et que cette décision priverait ces enfants de la présence régulière de leur mère ;
- en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : la décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
- en ce qui concerne la décision désignant le pays de destination : la décision est illégale du fait de l'illégalité des décisions qui en constituent le fondement ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 5 novembre 2014 accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme F... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2015, le rapport de M. Wyss, rapporteur,
1. Considérant que le préfet du Rhône relève appel du jugement n° 1402069, du Tribunal administratif de Lyon, en date du 2 juillet 2014, qui a annulé ses décisions du 27 février 2014 par lesquelles il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...F..., assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État " ;
3. Considérant que, selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;- s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) " ;
4. Considérant que, dans son avis du 31 juillet 2013, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme F... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié dans le pays d'origine, que les soins nécessaires devaient être poursuivis pendant 12 mois et qu'elle ne pouvait voyager sans risque vers son pays ; que, dans sa demande présentée devant le tribunal administratif, Mme F... s'est prévalue de cet avis au soutien du moyen qu'elle invoquait, tiré de la méconnaissance par le préfet du Rhône des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le tribunal administratif a jugé ce moyen fondé, au motif que le préfet ne contestait pas l'impossibilité pour l'intéressée de voyager sans risque vers l'Arménie, pays dont elle est originaire, ce qui fait nécessairement obstacle, au moins provisoirement, à ce qu'elle puisse y bénéficier du traitement nécessité par son état de santé ; que le préfet du Rhône, qui n'était pas lié par cet avis consultatif, a pu légalement refuser, le 27 février 2014 de délivrer à Mme F... le titre qu'elle sollicitait au motif que l'ensemble des éléments relatifs aux capacités locales en matière de soins médicaux et de médicaments disponibles en Arménie, résultant notamment des éléments fournis par l'ambassade de France à Erevan, démontre que les ressortissants arméniens sont à même de trouver dans leur pays un traitement approprié à leur état de santé ; que toutefois, pas plus en appel qu'en première instance le préfet n'apporte d'élément permettant de remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé sur l'impossibilité pour l'intéressée de voyager sans risque vers ce pays ; que, dès lors, le préfet ne pouvait, sans méconnaître les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser d'autoriser son séjour en France ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions en litige ;
6. Considérant que le présent arrêt n'implique pas d'autres mesures d'exécution que celles prescrites par l'article 3 du jugement attaqué ; que, dès lors, les conclusions présentées par Mme F...à fin d'injonction doivent être rejetées ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement à MeE..., conseil de Mme F..., la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée sous réserve pour Me E...de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 14LY02583 du préfet du Rhône est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Me E..., conseil de Mme A... F..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve que Me E...renonce à percevoir la part correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme A...F...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Rhône, à Mme A... F...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2015 à laquelle siégeaient :
M. Wyss, président de chambre,
Mme D...et MmeG..., premiers conseillers,
Lu en audience publique, le 11 juin 2015.
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N° 14LY02583