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10/12/2015 | FRANCE | N°14LY01923

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2015, 14LY01923


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du directeur régional de Pôle Emploi Rhône-Alpes du 11 mars 2013 lui interdisant l'accès de l'agence Lyon-Cazeneuve pour une durée de trois mois.

Par un jugement n° 1303254 du 15 avril 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2014, présentée pour M. A...B..., domicilié..., il est demandé à la cour :

1°) d'ann

uler ce jugement n° 1303254 du 15 avril 2014 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du directeur régional de Pôle Emploi Rhône-Alpes du 11 mars 2013 lui interdisant l'accès de l'agence Lyon-Cazeneuve pour une durée de trois mois.

Par un jugement n° 1303254 du 15 avril 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2014, présentée pour M. A...B..., domicilié..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1303254 du 15 avril 2014 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge de Pôle Emploi le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision en litige est intervenue en méconnaissance de l'article 24 de la loi

n° 2000-321 du 12 avril 2000 dès lors que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il s'agit d'une mesure de police et, en tout état de cause, quand bien même elle constituerait une mesure d'organisation du service, d'une mesure entrant dans le champ d'application de la loi du

11 juillet 1979, d'une part en ce qu'elle a restreint sa liberté d'aller et de venir, composante de la liberté individuelle à valeur constitutionnelle, et d'autre part en ce qu'elle lui a imposé des sujétions, dès lors qu'il a été contraint de mener ses recherches d'emploi hors de l'agence, sans pouvoir bénéficier des services matériels mis à la disposition des demandeurs d'emploi, ni rencontrer un conseiller ;

- il n'a pas été informé de la décision que Pôle Emploi envisageait de prendre à son encontre et n'a pas plus eu la possibilité de faire valoir ses observations ;

- Pôle Emploi Rhône-Alpes n'établit nullement que les faits reprochés étaient de nature à générer un trouble ou à mettre en danger les équipes d'accueil ; aucun élément ne permet d'établir que l'intervention de la police le 11 décembre 2012, à supposer qu'elle ait bien eu lieu, était due à son comportement, alors au demeurant que ni la décision du 11 mars 2013, ni le courrier du 11 avril 2013, n'y font référence ;

- la mesure en litige, par laquelle il a vu son accès au service public de l'emploi fortement restreint pendant trois mois, est disproportionnée ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 11 septembre 2014, présenté pour M.B..., par lequel il maintient les conclusions de sa requête et soutient, en outre, que le jugement attaqué est susceptible d'appel.

Par un mémoire, enregistré le 18 décembre 2014, présenté pour Pôle Emploi, il est conclu au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige, qui avait pour seul objet d'assurer le bon fonctionnement du service en empêchant M. B... de pénétrer dans les locaux de l'agence dont il perturbe le fonctionnement par son comportement, constitue une mesure d'organisation du service qui ne relève pas des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ni, par suite, de celles de la loi du 12 avril 2000 ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 était irrecevable devant le tribunal en raison de sa tardiveté, nonobstant une décision d'aide juridictionnelle, dès lors qu'il n'a été soulevé que dans un mémoire complémentaire enregistré plus de deux mois après l'enregistrement de la demande, qui ne comportait aucun moyen de légalité externe ; au demeurant M. B... a pu présenter toutes les observations qu'il entendait faire valoir ;

- la matérialité des faits de nature à perturber le bon fonctionnement du service a été établie ;

- la mesure n'est pas disproportionnée ni entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard aux modalités d'accès au service dont continuait à bénéficier M. B....

Par un mémoire, enregistré le 9 septembre 2015, présenté pour M. B..., il maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens.

Il soutient, en outre, que dès lors que le délai de recours a été interrompu, le jour de l'introduction de la demande, par le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle, que la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 mai 2013 lui a été notifiée le 5 juin 2013, et que le délai de recours n'a recommencé à courir qu'à la date où cette décision est devenue définitive, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, soulevé dans un mémoire déposé au greffe le 6 août 2013, était recevable.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 4 juin 2014, du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 19 novembre 2015 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de MeC..., substituant Me Bechaux, avocat de M. B..., et de Me Delay, avocat de Pôle Emploi.

1. Considérant que M. B..., inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi depuis le mois de février 2009 et dépendant de l'agence Pôle Emploi de Lyon Cazeneuve, a émis à plusieurs reprises des critiques sur le fonctionnement du service, dans les locaux de cette agence, en se prévalant tant de sa qualité d'usager que de celle de membre d'un " comité de soutien CGT des privés d'emploi de Lyon 8° " ; que ces critiques avaient été formulées verbalement ou par l'envoi de plusieurs lettres adressées par pli recommandé à la direction de l'agence ; qu'à la suite d'une altercation verbale avec la directrice de cette agence, dans les locaux de l'agence, le 11 mars 2013, le directeur régional délégué de Pôle emploi Rhône-Alpes, par une décision du même jour, lui a interdit l'accès à ladite agence pour une durée de trois mois ; que M. B... fait appel du jugement du 15 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la légalité externe de la décision en litige :

2. Considérant qu'après l'expiration du délai de recours contre un acte administratif, sont irrecevables, sauf s'ils sont d'ordre public, les moyens présentés par le demandeur qui ne se rattachent pas à l'une ou l'autre des deux causes juridiques, tirées de la légalité externe ou de la légalité interne de la décision contestée, invoquée dans la demande avant l'expiration de ce délai ; que ce délai de recours doit être regardé comme courant soit à compter de la publication ou de la notification complète et régulière de l'acte en litige soit, au plus tard, à compter, pour ce qui concerne un demandeur donné, de l'introduction de son recours contentieux contre cet acte ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le moyen de légalité externe articulé à l'encontre de la décision du 11 mars 2013 du directeur régional délégué de Pôle emploi Rhône-Alpes, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, a été soulevé par M. B... dans un mémoire déposé le 6 août 2013 devant le tribunal administratif ; que ce moyen était irrecevable dès lors qu'il a été présenté plus de deux mois après l'enregistrement de la demande par le greffe du tribunal, soit le 13 mai 2007, et que le mémoire introductif d'instance ne faisait pas état de cette cause juridique ; que la présentation, le 14 mai 2013, d'une demande d'aide juridictionnelle qui a donné lieu à une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 mai 2013 notifiée le 5 juin suivant, si elle eu pour effet d'interrompre le cours du délai de recours contentieux, est en revanche restée sans incidence sur la recevabilité des moyens d'annulation ; qu'il s'ensuit que ledit moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité interne de la décision en litige :

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la lecture de la décision du 11 mars 2013 en litige, que la mesure d'interdiction temporaire d'accès de M. B... à l'agence Pôle Emploi de Lyon Cazeneuve a été arrêtée au motif que l'intéressé avait pris à partie les usagers du service au risque de créer des troubles, en affirmant de manière tapageuse que les personnes présentes étaient mal traitées, qu'on les faisait attendre et que la " direction" ne "gérait " pas les demandes ; qu'il a en outre à cette occasion usé d'un procédé déloyal en tenant délibérément des propos inexacts concernant sa situation personnelle ; qu'il en ressort également qu'en date du 11 décembre 2012, M. B..., se prévalant d'une mission, au titre d'ailleurs d'une compétence restant à établir, de vérification du respect des obligations qui, en vertu des articles L. 5311-1 et L. 5312-1 du code du travail, incombent aux agents de Pôle emploi, avait interpellé l'un de ceux-ci, alors qu'il s'entretenait avec un tiers, en lui affirmant que sa façon d'accueillir les usagers et de leur répondre " n'était pas admissible " et qu'il s'en était suivi une discussion " vive, argumentée et sans concession " ; que M. B... a également évoqué dans sa lettre du 3 janvier 2013 les " manquements " du personnel de l'agence et son sentiment selon lequel ces agents avaient " oublié que les demandeurs d'emploi sont des citoyens à part entière " ; que dans une lettre du 28 mars 2013, M. B..., qui indique avoir " pris à témoin " les demandeurs d'emploi présents dans l'agence le 11 mars 2013, évoque l'attitude qu'il qualifie d'" arrogante, méprisante, sarcastique " de la directrice, reflétant la façon dont les demandeurs d'emploi étaient traités dans cette agence, en évoquant des " manquements professionnels " et en expliquant pourquoi il avait demandé au personnel de l'agence de se " réveiller " et qu'il soit mis fin aux " abus de pouvoir contre des demandeurs d'emploi " ; qu'il ressort des termes mêmes utilisés par M. B... dans ses lettres pour exposer la nature de ses interventions que ce dernier avait mis en cause publiquement et directement la qualité du travail des agents, en prenant à témoin les usagers présents dans l'agence, et qu'un tel comportement était de nature à perturber le bon fonctionnement du service, alors même que l'intéressé n'aurait pas employé de termes effectivement injurieux ; qu'ainsi la matérialité des faits de nature à causer un trouble dans le bon fonctionnement du service est établie ; que les risques de désordre invoqués étaient tels qu'ils justifiaient la mesure d'interdiction d'accès aux locaux de l'agence Pôle Emploi Lyon-Caseneuve infligée à M. B..., pour une durée d'ailleurs limitée, et alors que l'intéressé ne se trouvait pas pour autant privé des services de Pôle Emploi, eu égard à la faculté qu'il avait de se rendre dans d'autres agences pour bénéficier notamment des services gratuits tels que l'accès au téléphone ou à Internet, ou de demander par écrit à rencontrer un conseiller ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions de Pôle Emploi tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Pôle Emploi tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à Pôle Emploi.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2015.

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N° 14LY01923


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01923
Date de la décision : 10/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-11 Travail et emploi. Service public de l'emploi.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BECHAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-12-10;14ly01923 ?
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