Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision du 31 janvier 2011 par laquelle le président du conseil général de l'Ardèche a rejeté sa demande d'indemnisation de ses droits acquis en matière de congés, d'autre part, de condamner le département de l'Ardèche à lui verser une somme de 8 437 euros au titre de ces droits à congés, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au président du conseil général de l'Ardèche de prendre toutes dispositions de nature à la rétablir dans ses droits et, enfin, de condamner le département de l'Ardèche à lui verser une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral subi.
Par un jugement n° 1102166 du 10 décembre 2013, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 février 2014, et un mémoire, enregistré le 24 avril 2014, MmeD..., représentée par la SELARL cabinet Champauzac, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 décembre 2013 ;
2°) de condamner le département de l'Ardèche à lui verser une somme de 6 125 euros, avec les intérêts légaux à compter du 4 juillet 2010 et leur capitalisation à compter du 4 juillet 2011, au titre de ses jours de congés épargnés ou, à titre subsidiaire, au titre de l'enrichissement sans cause ;
3°) de condamner le même département à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral ;
4°) de mettre à la charge du département de l'Ardèche le versement d'une somme de 3 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'une délibération du conseil général s'imposait pour rendre possible la monétisation du compte épargne-temps, dès lors qu'aux termes de l'article 21 de la loi du 13 juillet 1983, les agents ont droit à des congés annuels payés ; c'est également à tort que le département a fait application des dispositions du décret du 26 août 2004 et non de celles de celui du 15 février 1988, dès lors que ce n'est pas par convenance personnelle qu'elle n'a pas bénéficié de ses jours de congé, mais du fait d'un congé de maladie suivi de son départ à la retraite ;
- le refus qui lui a été opposé est fautif, en ce qu'il méconnaît l'article 7-2 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, tel qu'interprété par l'arrêt 350/06 de la Cour de justice des communautés européennes, consacrant le droit à des congés annuels payés, d'où sont issus les jours épargnés sur le compte épargne temps, lequel, par nature, doit permettre aux agents de conserver leurs droits à congés alors même qu'ils n'ont pas pu ou pas voulu les utiliser ; les jours transférés sur ce compte constituent bien des jours de congés payés devant faire l'objet d'une compensation financière s'ils ne sont pas utilisés ;
- le département n'a, en outre, accompli aucune diligence pour lui permettre de solder son compte ; il a mis fin irrégulièrement à son contrat à compter du 3 juillet 2010 alors que rien ne s'opposait à ce qu'il la place en congé pendant quarante-neuf jours à partir de cette date ; à tout le moins aurait-il dû l'informer par écrit de la possibilité dont elle disposait de reporter au 10 septembre 2010 la date de prise d'effet de la fin de son contrat, lequel avait été conclu jusqu'au 31 décembre 2010, afin qu'elle apure ses droits à congés ; elle aurait pu alors ne pas être placée en arrêt maladie pendant cette période ;
- l'indemnité demandée correspond aux jours non utilisés de son compte épargne-temps, calculés par application du décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature ;
- à titre subsidiaire, dès lors que les jours non utilisés de son compte épargne temps ont été travaillés au bénéfice du département, le refus d'indemnisation s'assimile à un défaut de rémunération à concurrence du service fait, en violation de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 ; le département, en refusant de monétiser le reliquat épargné, s'est enrichi sans cause à son détriment ; l'enrichissement de la collectivité ne peut trouver sa cause dans un texte, dès lors qu'aucune disposition ne prévoit le cas où un agent serait dans l'impossibilité d'exercer son droit à récupération sous forme de congés ; le principe de la rémunération pour service fait ne cède que face à des exceptions limitativement énumérées ;
- elle a subi un préjudice moral en raison, notamment, du caractère vexatoire du refus d'indemnisation qui lui a été opposé alors qu'elle a exercé ses fonctions avec compétence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 23 septembre 2015, non communiqué, présentés pour le département de l'Ardèche, représenté par la SELARL Adamas affaires publiques, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- en application des dispositions des articles 1er, 3-1 et 7-1 du décret du 26 août 2004, dès lors que le conseil général de l'Ardèche n'a pas délibéré en vue de permettre l'indemnisation des droits épargnés sur le compte épargne-temps, une telle indemnisation n'est pas possible ;
- le litige ne porte pas sur des congés payés annuels mais sur des jours "épargnés" sur un compte épargne-temps, dont il appartient à la seule collectivité de fixer les règles d'ouverture, de fonctionnement, de gestion, ainsi que les modalités d'utilisation par les agents ;
- une indemnité compensatrice de congés payés, dont le montant n'est pas contesté, a été versée à Mme D...en juillet 2010 ;
- dès lors que l'état de santé de l'intéressée ne lui aurait pas permis de reprendre son poste et de solder son compte épargne-temps avant son admission à la retraite, une rupture anticipée de son contrat de travail tenant compte de ses droits épargnés n'était pas envisageable ;
- à supposer que la collectivité ait pu bénéficier d'un enrichissement, il trouve sa cause dans les dispositions du décret du 26 août 2004 excluant le principe de la monétisation des jours épargnés en l'absence de délibération de la collectivité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 relative à certains aspects de l'aménagement du temps de travail, ainsi que l'arrêt C-350/06 et 520/06 du 20 janvier 2009 de la Cour de justice des Communautés européennes ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature ;
- le décret n° 2004-878 du 26 août 2004 modifié relatif au compte épargne temps dans la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peuvrel ;
- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;
- et les observations de MeC..., représentant MmeD..., ainsi que celles de Me B..., représentant le département de l'Ardèche.
1. Considérant que MmeD..., conservateur général des bibliothèques, était détachée depuis le 1er janvier 1996 sur le poste contractuel de conseiller au développement culturel auprès du conseil général de l'Ardèche ; qu'elle a été placée en congé de maladie le 4 août 2009, prolongé à compter du 20 août 2009 par un congé de grave maladie jusqu'au 3 juillet 2010 ; que, le 4 juillet 2010, le président du conseil général a mis fin à son contrat ; qu'elle a été réintégrée dans son corps d'origine et admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 3 juillet 2010 ; que, par courriers des 27 août et 30 novembre 2010, elle a sollicité du président du conseil général de l'Ardèche une compensation financière au titre des quarante-neuf jours de réduction du temps de travail accumulés sur son compte épargne temps ; que cette demande a été rejetée par courriers du 8 octobre 2010 et du 31 janvier 2011 ; que Mme D... a alors saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 31 janvier 2011 et à la condamnation du département de l'Ardèche à lui verser une somme de 8 437 euros au titre de ses droits acquis en matière de congés, ainsi qu'une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral ; que Mme D...relève appel du jugement du 10 décembre 2013 par lequel sa demande a été rejetée ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 du décret du 26 août 2004 susvisé : " Le compte épargne-temps est alimenté par le report de jours de réduction du temps de travail et par le report de congés annuels tels que prévus par le décret du 26 novembre 1985 susvisé, sans que le nombre de jours de congés annuels pris dans l'année puisse être inférieur à vingt. (...) " ; qu'aux termes de l'article 3-1 du même texte : " Lorsqu'une collectivité ou un établissement n'a pas prévu, par délibération, prise en vertu du deuxième alinéa de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, l'indemnisation ou la prise en compte au sein du régime de retraite additionnelle de la fonction publique des droits ainsi épargnés sur le compte épargne-temps au terme de chaque année civile, l'agent ne peut les utiliser que sous forme de congés, pris dans les conditions mentionnées à l'article 3 du décret du 26 novembre 1985 susvisé. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un agent ne peut solliciter l'indemnisation des jours qu'il a épargnés sur son compte épargne-temps que si une délibération a prévu une telle possibilité ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme D...a été admise à faire valoir ses droits à la retraite le 4 juillet 2010 alors qu'elle se trouvait en congé de maladie depuis le 4 août 2009 ; qu'à la date de la cessation de son activité professionnelle, elle avait accumulé sur son compte épargne-temps vingt-sept jours au titre des congés annuels, dont il n'est pas contesté qu'ils ont fait l'objet d'une indemnisation par le département de l'Ardèche, et quarante-neuf jours au titre de la réduction du temps de travail, que le département a, par courriers du 8 octobre 2010 et du 31 janvier 2011, refusé d'indemniser au motif qu'en l'absence de délibération du conseil général autorisant une telle indemnisation, ces jours ne pouvaient être utilisés que sous forme de congés ; qu'il est constant que le département de l'Ardèche n'a adopté aucune délibération permettant l'indemnisation des droits épargnés sur un compte épargne-temps ; que, par suite, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que le département de l'Ardèche aurait commis une faute en refusant de lui verser une compensation financière au titre des jours de réduction du temps de travail non pris ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que si les dispositions du paragraphe 2 de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 prévoyant que " La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail ", s'opposent à ce que le versement d'une indemnité compensatrice de congé annuel payé non pris soit refusé, lors de la fin de la relation de travail, au travailleur qui a été en congé de maladie durant tout ou partie d'une certaine période et ainsi empêché d'exercer son droit à congé payé, ces dispositions n'ont pas vocation à s'appliquer à des jours épargnés sur un compte épargne temps qui n'ont pas le caractère de congés annuels au sens de cette directive ; que, par suite, les dispositions précitées de l'article 3-1 du décret du 26 août 2004, si elles s'opposent, en l'absence de délibération en ce sens, à l'indemnisation des droits épargnés sur un compte épargne-temps au titre de la réduction du temps de travail sans réserver le cas des agents dont l'activité professionnelle cesse alors qu'ils ont été dans l'impossibilité de prendre les jours ainsi épargnés en raison d'un congé de maladie, ne sont pas incompatibles avec l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n'imposait au département de l'Ardèche de repousser de quarante-neuf jours la date de prise d'effet de la fin de son contrat de travail afin de permettre à Mme D...d'apurer ses droits à congés ; que, dans ces conditions, et alors que Mme D...a été admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 4 juillet 2010, le département de l'Ardèche n'a commis aucune irrégularité en mettant fin à son contrat à la date du 3 juillet 2010 ; que Mme D... ne disposant d'aucun droit à prolongation de son contrat de travail au titre de ses congés non pris, elle n'est pas fondée à soutenir que le département aurait commis une erreur en ne l'informant pas par écrit d'une possibilité de reporter au 10 septembre 2010 la date de prise d'effet de la fin de son contrat, alors même que le terme de celui-ci était fixé au 31 décembre 2010 ; que Mme D...n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le département aurait commis une faute en s'abstenant d'accomplir les diligences nécessaires pour lui permettre de solder son compte épargne-temps ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que les jours de réduction du temps de travail en litige ne correspondent pas à un service fait mais ont été acquis par Mme D...au titre de périodes travaillées pour lesquelles elle a été rémunérée ; que, dès lors, les conclusions de la requête, d'ailleurs nouvelles en appel, fondées sur un enrichissement sans cause du département de l'Ardèche au motif que celui-ci aurait bénéficié du travail de son agent sans contrepartie, doivent être rejetées ;
7. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que les conclusions de Mme D...tendant à l'indemnisation des jours de réduction du temps de travail épargnés sur son compte épargne-temps et non pris avant son départ à la retraite ayant été rejetées, sa demande d'indemnisation du préjudice moral qu'elle aurait subi du fait de cette situation doit être rejetée par voie de conséquence ;
8.Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate déléguée par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que Mme D...demande au titre de ses frais non compris dans les dépens soit mise à la charge du département de l'Ardèche, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au département de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2015, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 novembre 2015.
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N° 14LY00354
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