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05/11/2015 | FRANCE | N°14LY00275

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 05 novembre 2015, 14LY00275


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche a demandé au tribunal de réserver ses droits dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise et de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang une somme d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche a demandé au tribunal de réserver ses droits dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise et de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1205607 du 26 novembre 2013, le tribunal a rejeté les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 janvier 2014, présentée pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, représentée par son directeur en exercice, dont le siège est avenue de l'Europe Unie à Privas (07000), il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1205607 du 26 novembre 2013 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'Etablissement français du sang (EFS) soit condamné à rembourser le montant des prestations servies à son assuré, M. A... B..., à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang (EFS) à lui verser la somme de 11 655,90 euros au titre des prestations servies à son assuré ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang (EFS) une indemnité forfaitaire de 1 015 euros et la somme de 2 500 euros, au titre des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est fondée à se prévaloir, au soutien de ses conclusions dirigées contre l'EFS, de la présomption instituée par les dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, qui est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; en vertu de la loi du 21 janvier 1952, modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs de produits sanguins ;

- il résulte de l'instruction un faisceau d'indices démontrant l'origine transfusionnelle de la contamination de M. B...;

- les dispositions de l'article 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 prévoient que pour les contentieux introduits postérieurement au 1er juin 2010, les tiers payeurs peuvent exercer un recours subrogatoire contre l'EFS sans que le dommage résulte d'une faute ;

- l'EFS ne peut faire valoir que les plafonds assurantiels du contrat d'assurance souscrit par le centre de transfusion sanguine de Montpellier, aux droits et obligations duquel il vient, auprès de la compagnie UAP, étaient épuisés pour les années concernées, dès lors que le montant des garanties responsabilité civile en matière de dommages corporels était sans limitation de somme ;

- elle est fondée à demander le remboursement des prestations versées à son assuré au titre des dépenses de santé.

Par un mémoire, enregistré le 24 avril 2014, présenté pour l'Etablissement français du sang (EFS), il conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le recours de la caisse primaire d'assurance maladie relève des dispositions législatives issues de la loi du 17 décembre 2012 qui ont modifié l'article

L. 1221-14 du code de la santé publique, dont il résulte que les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'EFS si l'établissement de transfusion n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré, et qu'en l'espèce, au regard du dépassement du plafond du contrat d'assurance souscrit pour les années et le risque en cause dont il résulte une absence de garantie assurantielle, aucun recours contre l'assureur ne peut être engagé, et aucune faute n'a été mise à la charge de l'EFS.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, par une lettre du 15 septembre 2015, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche tendant à la condamnation de l'EFS, en qualité de responsable du dommage, à rembourser les débours exposés, dès lors que de telles conclusions, émanant d'un organisme n'ayant pas la qualité de partie à l'instance opposant la victime à l'ONIAM et tendant à une indemnisation au titre de la solidarité nationale, relèvent d'un litige distinct.

Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2015, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, elle maintient les conclusions de sa requête et soutient en outre, en réponse à la lettre du 15 septembre 2015, que sa requête est recevable, dès lors qu'elle dispose d'un recours de nature subrogatoire en vertu des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, et en cette qualité d'un droit qui lui est propre à l'encontre de l'Etablissement français du sang, et qu'elle dispose bien de la qualité de partie à l'instance et n'agit pas dans le cadre d'un litige distinct mais ne fait que soumettre au juge une question dont il était déjà saisi, en l'espèce l'origine de la contamination.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine ;

- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ;

- le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 ;

- le décret n° 2010-252 du 11 mars 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 15 octobre 2015 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Michaud, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche.

1. Considérant que M.B..., né en 1953, qui avait reçu 23 transfusions de produits sanguins entre le 30 octobre 1985 et le 29 avril 1986 en raison d'une hémophilie, a présenté, en janvier 2000, une hépatite C de score A 1 F 3, traitée par bithérapie entre les mois d'avril 2000 et d'avril 2001 ; que sa guérison, caractérisée par la disparition de l'ARN viral, a été constatée par examen biologique du 23 mai 2002 ; qu'il a présenté, le 23 août 2012, une demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des préjudices résultant de cette contamination ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche a présenté des conclusions tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang (EFS) à la prise en charge des débours exposés pour le compte de son assuré en conséquence de sa contamination ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche fait appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 novembre 2013 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'EFS ;

2. Considérant qu'en confiant à l'ONIAM, établissement public à caractère administratif de l'Etat placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, la mission d'indemniser, selon une procédure amiable exclusive de toute recherche de responsabilité, les dommages subis par les victimes de contamination transfusionnelle par le VHC dans la mesure où ces dommages ne sont pas couverts par les prestations versées par les tiers payeurs et sans préjudice de l'exercice par l'office d'un recours subrogatoire contre " la personne responsable ", le législateur a institué aux articles L. 1142-22 et L. 1221-14 du code de la santé publique un dispositif assurant l'indemnisation des victimes concernées au titre de la solidarité nationale ; qu'il s'ensuit que, dans l'exercice de la mission qui lui est confiée par ces articles, l'ONIAM est tenu d'indemniser les intéressés au seul titre de la solidarité, et non en qualité d'auteur responsable ; qu'il en résulte que les recours subrogatoires des tiers payeurs ayant versé des prestations à la victime d'un dommage corporel, organisés notamment par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ne peuvent être exercés contre l'ONIAM lorsque celui-ci a pris en charge la réparation de ce dommage au titre de la solidarité nationale ; qu'en revanche les tiers payeurs peuvent exercer leur recours subrogatoire contre l'EFS en sa qualité de responsable du dommage ; que, par ailleurs, il n'appartient pas au juge saisi d'un litige relatif à l'indemnisation d'un dommage au titre de la solidarité nationale, qui peut, s'il l'estime utile pour le règlement du litige, diligenter des mesures d'instruction auprès des tiers-payeurs, d'appeler en la cause, par principe et sous peine d'irrégularité du jugement, lesdits tiers-payeurs dans un litige relatif à la réparation des préjudices par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ;

3. Considérant que la demande présentée par M. B...tendait à la réparation par l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, dès lors, les conclusions, présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, laquelle n'avait pas la qualité de partie à l'instance, et tendant à la condamnation de l'EFS à rembourser les débours exposés en qualité de responsable du dommage, lequel établissement n'ayant pas davantage la qualité de partie, relevaient d'un litige distinct ; que, par suite, elles étaient irrecevables ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'EFS ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la condamnation de l'EFS au versement de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par l'EFS et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche est rejetée.

Article 2 : La caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche versera la somme de 1 500 euros à l'EFS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche et à l'Etablissement français du sang (EFS).

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2015.

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N° 14LY00275


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00275
Date de la décision : 05/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05 Responsabilité de la puissance publique. Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : PHILIP DE LABORIE-BARIOZ-MICHAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-11-05;14ly00275 ?
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