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24/06/2015 | FRANCE | N°14-15263

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 24 juin 2015, 14-15263


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu que toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ; qu'à défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire des baux ruraux ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Prove

nce, 6 février 2014), que M. Pierre X..., aux droits duquel se trouvent auj...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu que toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ; qu'à défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire des baux ruraux ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 février 2014), que M. Pierre X..., aux droits duquel se trouvent aujourd'hui M. Jean-Claude X... et Mme Dominique Y..., épouse X... (les consorts X...), a donné à bail à M. et Mme Z... diverses parcelles de terres ; que le bail a été mis à disposition de l'EARL Yves Z... (l'EARL) ; que M. et Mme Z... ont sollicité l'autorisation de céder leur bail à une de leurs filles, Mme Z..., épouse A... ;
Attendu que pour accueillir cette demande, en subordonnant l'autorisation de cession à l'abandon par Mme Z...- A... de toute activité salariée, l'arrêt retient que l'EARL bénéficie d'une autorisation tacite d'exploiter dès lors qu'elle a déposé une demande d'autorisation enregistrée le 19 juin 2012, qui constituait le point de départ du délai de six mois dont disposait le préfet pour statuer, et qu'aucune décision n'a été prise dans ce délai ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la situation du cessionnaire doit s'apprécier à la date de la cession projetée, qui ne peut être conditionnée par un événement futur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. et Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme Z... ; les condamne à payer à M. X... et Mme Y...- X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour les consorts X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir autorisé la cession du bail liant les parties en date du 30 novembre 1974 à Mme Christine Z... épouse A... et d'avoir subordonné l'autorisation à l'abandon par celle-ci de toute activité salariée,
AUX MOTIFS QUE « selon l'article R 331-1 du code rural et de la pêche maritime, satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées au 3° de l'article L. 331-2 le candidat à l'installation, à l'agrandissement ou à la réunion d'exploitations agricoles qui justifie, à la date de l'opération : 1° soit de la possession d'un diplôme ou certificat d'un niveau reconnu équivalent au brevet d'études professionnelles agricoles (BEPA) ou au brevet professionnel agricole (BPA) ; 2° soit de cinq ans minimum d'expérience professionnelle acquise sur une surface au moins égale à la moitié de l'unité de référence définie à l'article L. 312-5, en qualité d'exploitant, d'aide familial, d'associé d'exploitation, de salarié agricole ou de collaborateur d'exploitation au sens de l'article L 321-5. La durée d'expérience doit avoir été acquise au cours des quinze années précédant la date effective de l'opération en cause ; qu'il résulte des pièces produites par Mme Z..., que Mme Christine Z... a été inscrite à la MSA en qualité d'aide familiale majeure du 25 août 1985 au 31 décembre 1989 (pièce n° 5), a bénéficié du régime des salariés agricoles du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1991 en tant que salariée de M. Ivo Z..., et du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1995 en tant que salariée de M. Ivo Z... et simultanément de la SICA Silo de Tourtoulen (pièce n° 4), est inscrite à la MSA en tant qu'exploitante agricole membre de l'EARL Yves Z... depuis le 1er janvier 1996 (pièces n° 5 et 59), et est en outre titulaire d'un brevet d'études professionnelles agricoles qu'elle a obtenu en 1986 ; que Mme Christine Z... satisfait donc aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées au 3° de l'article L. 331-2 ; que les bailleurs n'établissent pas que Mme Z... ait manqué à ses obligations nées du bail et le fait qu'elle ait déclaré souhaiter prendre sa retraite n'est pas de nature à la constituer de mauvaise foi et à la priver de la faculté de céder le bail ; qu'il est par ailleurs établi par la pièce n° 38 produite par Mme Z..., que l'EARL Yves Z... qui exploite les parcelles litigieuses depuis 1996 et qui continuera de les exploiter si la cession projetée est autorisée, dispose de tout le matériel nécessaire, et le fait que les membres de cette EARL sont des femmes ne permet pas d'en déduire quoi que ce soit quant à son avenir ; qu'ainsi la cession du bail à Mme Christine Z..., qui est membre de l'EARL Yves Z..., ne risque pas de nuire aux intérêts légitimes des bailleurs, sous réserve toutefois qu'elle renonce à toute activité salariée puisqu'elle reconnaît exercer actuellement une activité salariée à hauteur de 80 heures par mois au sein de la SA Silo de Tourtoulen dans l'attente de la cession du bail ; que Mme Z... produit une lettre en date du 19 juillet 2012 (pièce n° 58) par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a, en premier lieu, accusé réception de la demande d'autorisation d'exploiter formée par l'EARL Yves Z... pour 256 ha 06 a 25 ca comprenant les parcelles litigieuses, et en deuxième lieu, informé cette dernière, d'une part, que le dossier déposé était complet ; qu'il avait été enregistré le 19 juin 2012 sous le n° 2011-46, que cette date constituait le point de départ du délai de quatre mois, susceptible d'être prolongé à six mois dont dispose le préfet pour statuer sur sa demande, d'autre part, que si une décision ne lui avait pas été notifiée dans ce délai, elle bénéficierait alors d'une autorisation implicite conformément à l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime ; que Mme Z... expose que le préfet n'a pris aucune décision dans le délai prévu par l'article R. 336- l et les bailleurs ne rapportent pas la preuve contraire ; que l'EARL Yves Z... bénéficie donc d'une autorisation tacite d'exploiter ; que Mme Christine Z... étant déjà membre de l'EARL Yves Z..., bénéficiaire de la mise à disposition des biens loués, la cession projetée ne constitue ni une installation, ni un agrandissement, ni une réunion d'exploitations au profit d'une exploitation dont l'un des membres, ayant la qualité d'exploitant, a atteint l'âge requis pour bénéficier d'un avantage de vieillesse agricole ; qu'elle n'est donc pas tenue d'être personnellement titulaire d'une autorisation d'exploiter ; que de surcroît, l'autorisation dont bénéficie l'EARL Yves Z... dispense Mme Christine Z... d'obtenir elle-même cette autorisation dès lors qu'elle est membre de cette EARL ; que c'est donc par une exacte appréciation que le premier juge a autorisé Mme Z... à céder son bail à sa fille Mme Christine Z..., mais cette autorisation sera subordonnée à l'abandon par cette dernière de son activité salariée » (arrêt, p. 4 et 5),
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE, « conformément à l'article L 411-35 du code rural, toute cession de bail est interdite sauf si la cession est consentie avec l'agrément du bailleur et à défaut avec l'autorisation du tribunal paritaire, au profit du conjoint, du partenaire de PACS ou aux descendants du preneur ; que les dispositions des articles L 331-2 et R. 331-1 du code rural sont applicables aux candidats à la cession d'un bail ; qu'il résulte des dispositions susvisées que seul le candidat à la cession ne remplissant pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle est soumis à la nécessité d'une autorisation préalable ; qu'en l'espèce, Madame Christine Z... rapporte la preuve d'une expérience professionnelle dans la mesure où elle justifie avoir été salariée agricole du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1991, et du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1995 ; qu'elle justifie également avoir été inscrite à la MSA en qualité d'aide familiale du 25 août 1985 au 31 décembre 1989 et en qualité d'exploitante agricole membre de l'EARL Z... participante aux travaux depuis le 1er janvier 1996 ; qu'elle justifie également de l'obtention du brevet d'études professionnelles agricoles et d'un suivi de stage de perfectionnement en comptabilité agricole ; que Madame Z... justifie ainsi tant d'une expérience professionnelle que de sa capacité professionnelle et n'est pas tenue d'obtenir une autorisation d'exploiter ; que pour s'opposer à la cession du bail les bailleurs invoquent également le fait que la candidate à la cession ne démontrerait pas des garanties suffisantes s'agissant de l'existence de moyens matériels ; mais que Madame Z... justifie par la production des statuts de l'EARL de ce que cette société, dont il n'est pas contesté qu'elle exploite déjà les parcelles litigieuses et dont l'intéressée est associée, dispose du matériel nécessaire à une exploitation agricole ; que s'agissant enfin du comportement prétendument fautif du bailleur, la preuve de ce manquement n'est pas rapportée par les éléments versés aux débats ; qu'en effet, il résulte des divers courriers échangés par les parties relativement aux modalités de règlement des fermages et notamment de courriers adressés aux preneurs les 22 août 2007 et le 11 septembre 2007 que la bailleresse acceptait un règlement en nature équivalent de riz ; qu'il n'est allégué ni établi par le bailleur qu'à ce jour des fermages seraient demeurés impayés ; que de l'ensemble des considérations qui précèdent relatives à la situation de la candidate à la cession, celle-ci sera autorisée » (jugement, p. 4 à 6),
ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond doivent vérifier, au besoin d'office, si le cessionnaire du bail est en règle avec le contrôle des structures à la date de la cession projetée qui, lorsque la demande de cession est effectuée en cours de bail, correspond au jour où les premiers juges statuent et à laquelle la cession a vocation à intervenir ; qu'en considérant que l'EARL Yves Z..., à la disposition de laquelle les biens objet de la demande de cession étaient mis, était en règle avec le contrôle des structures pour avoir bénéficié d'une autorisation tacite, quand sa demande d'autorisation n'avait été déposée que le 19 juin 2012, soit postérieurement au 23 juin 2010, date du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon à laquelle est intervenue la cession, ce dont il résultait que l'EARL n'était pas en règle avec le contrôle des structures à cette date, la cour d'appel a violé les articles L 411-35 et L 331-2 du code rural et de la pêche maritime,
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le statut du fermage ne connaît pas la cession, même judiciaire, sous condition suspensive ; qu'en subordonnant l'autorisation de cession du bail rural litigieux au profit de Mme Christine Z..., à l'abandon par cette dernière de toute activité salariée, consacrant ainsi une autorisation sous condition que ne prévoit pas le statut du fermage, la cour d'appel a violé l'article L 411-35 du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-15263
Date de la décision : 24/06/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Cession - Demande d'autorisation de cession - Conditions - Contrôle des structures - Autorisation préalable d'exploiter - Date d'appréciation - Détermination

Pour autoriser la cession d'un bail rural, les juges du fond doivent apprécier la situation du cessionnaire à la date de la cession projetée, qui ne peut être conditionnée par un événement futur


Références :

article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 06 février 2014

Sur la date d'appréciation de la situation du cessionnaire d'un bail rural, à rapprocher :3e Civ., 17 juillet 1996, pourvoi n° 94-18190, Bull. 1996, III, n° 187 (1) (cassation) ;3e Civ., 10 octobre 2001, pourvoi n° 00-10882, Bull. 2001, III, n° 114 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 24 jui. 2015, pourvoi n°14-15263, Bull. civ. 2015, 3e Civ., n°833, arrêt n°1233
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2015, 3e Civ., n°833, arrêt n°1233

Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Kapella
Rapporteur ?: Mme Dagneaux
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.15263
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