Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 décembre 2013 et
29 août 2014, présentés pour M. A... C...et M. G... E..., élisant domicile..., par Me B...et
Me D...; MM. C... et E...demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1313001/7-2 du 25 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2010 du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat autorisant la cession amiable par l'Etat de trois parcelles de la forêt de Compiègne cadastrées B n°s 1027, 1214 et 1520 ;
2°) d'annuler la décision attaquée ;
3°) d'enjoindre à l'État de procéder à la résiliation de la vente des parcelles susmentionnées, sous astreinte de 15 000 euros par semaine à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant de l'intérêt à agir des requérants ;
- il appartient au seul juge, en l'absence de texte, d'apprécier l'intérêt à agir qui doit s'être faite au regard des conclusions de la requête et non des moyens invoqués ;
- la décision attaquée méconnait les prérogatives du Parlement dès lors que la vente devait être autorisée par une loi et le recours est par suite recevable ;
- elle a été prise en violation de l'article L. 3211-5 alinéa 1er du code général de la propriété des personnes publiques ;
- la vente en cause n'entre pas dans les exceptions prévues par l'alinéa 2 de cet article ;
- il revient au Parlement de contrôler la gestion de ses biens par l'État et en l'espèce le prix payé a été sous-évalué ;
- en leur qualité de députés écologistes les requérants avaient un intérêt relatif à la préservation de la forêt ;
- l'article 2 de la Charte de l'environnement et l'article L. 110-2 du code de l'environnement leur conféraient également un intérêt à agir ;
- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente faute pour son signataire de bénéficier d'une délégation régulière ;
- il en va de même de toutes les personnes ayant signé l'acte de vente ;
- la cession n'a pas été précédée d'un acte juridique de déclassement des parcelles appartenant au domaine public ;
- à supposer qu'elles soient regardées comme appartenant au domaine privé de l'État, leur aliénation ne pouvait intervenir qu'après avoir été autorisée par une loi en application de l'article L. 3211-5 du code général de la propriété des personnes publiques ;
- la circonstance qu'un certain nombre d'arbres aient été abattus n'est pas de nature à soustraire les parcelles au régime forestier ;
- les conditions d'une vente sans publicité ni mise en concurrence n'étaient pas réunies ;
- la commission départementale de la nature, des paysages et des sites de l'Oise aurait dû être consultée en application de l'article L. 341-10 du code de l'environnement ;
- le droit de priorité du conseil d'agglomération de la région de Compiègne n'a pas été respecté, cette instance n'ayant été saisie que six semaines après l'accord du vendeur et de l'acquéreur sur la vente ;
- la faiblesse du prix de vente, eu égard à la superficie et aux installations cédées, constitue en fait une libéralité prohibée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut au rejet de la requête en se rapportant à ses écritures de première instance et en faisant valoir que :
- le jugement est suffisamment motivé en ce qui concerne l'intérêt à agir des requérants ;
- la décision attaquée, qui porte sur la vente d'un hippodrome et d'un golf, ne fait pas grief à des députés ;
- leur appartenance au groupe parlementaire écologiste ne leur confère aucun intérêt pour agir pour un terrain déjà aménagé ;
- le moyen tiré de l'article 2 de la charte de l'environnement ne confère pas à toute personne un intérêt à agir contre toute décision relative à l'environnement ;
Vu le mémoire en intervention en défense, enregistré le 15 septembre 2014, présenté pour la Société des courses de Compiègne (SCC), représentée par Me F...et MeH..., qui conclut au rejet de la requête en faisant valoir que :
- le jugement attaqué est suffisamment motivé au regard de la seule qualité donnant intérêt à agir invoquée par les requérants ;
- le Conseil d'État a clairement écarté l'intérêt à agir des parlementaires par des décisions récentes, la circonstance qu'il ait à plusieurs reprises préféré rejeter la requête au fond ne pouvant en tout état de cause s'analyser comme une reconnaissance d'un tel intérêt ;
- si les requérants soutiennent qu'il y aurait eu empiètement sur le domaine de la loi, cette circonstance est sans incidence dès lors que l'intérêt à agir s'apprécie ; au regard des conclusions et non des moyens invoqués ;
- le principe de séparation des pouvoirs s'oppose à ce que les parlementaires puissent s'immiscer dans l'action quotidienne de l'administration ;
à titre subsidiaire :
- les prérogatives du Parlement ne sont pas affectées dès lors que les terrains cédés ne constituent pas une forêt eu égard au faible nombre d'arbres qu'ils comportent et ne sont pas susceptibles d'exploitation forestière ;
- en tout état de cause les terrains entrent dans l'exception prévue par l'article
L. 3211-5 alinéa 2 du code général de la propriété des personnes publiques ;
- le prix de vente n'a pas été sous-évalué ;
- la qualité de membres du groupe écologiste de l'Assemblée ne confère pas aux requérants un intérêt suffisant pour agir ;
- l'article 2 de la charte de l'environnement ne confère pas à toute personne un intérêt à agir contre la décision attaquée et en tout état de cause les requérants ne démontrent pas en quoi elle affecterait l'environnement dès lors que l'hippodrome existe depuis 1891 ;
- le signataire de l'arrêté du 16 mai 2010 avait régulièrement reçu délégation et était compétent pour ce faire ;
- il en va de même des signataires de l'acte de vente ;
- le site n'étant pas directement affecté à un service public ou à l'usage direct du public il n'appartient pas au domaine public et aucun déclassement n'était nécessaire ;
- l'article L. 3211-5 du CG3P est inapplicable dès lors que les parcelles, qui ne comportent qu'un faible boisement non exploitable économiquement, ne constituent pas une forêt ;
- à supposer cet article applicable, il pouvait alors être complété par la partie règlementaire de l'ancien code du domaine de l'Etat ;
- les parcelles remplissaient les trois conditions exigées pour pouvoir être vendues sans intervention d'une loi ;
- elles pouvaient l'être à l'amiable sans mise en concurrence en application du 5°de l'article R. 129-5 alors encore applicable du code du domaine de l'Etat eu égard à ses conditions particulières d'utilisation ;
- les parcelles ne constituant pas un site classé elles pouvaient être vendues sans la consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites de l'Oise exigée par l'article L. 341-10 du code de l'environnement ;
- le droit de priorité de la communauté d'agglomération de la région de Compiègne a été respecté puisque la vente est intervenue après que son conseil ait déclaré renoncer à son droit ;
- l'article L. 3211-5-1 du CG3P n'est entré en vigueur que le 1er janvier 2013 soit près de trois ans après la date de la vente contestée et son invocation est par suite inopérante ;
- il en va de même de l'article L. 3212-3 du CG3P qui ne concerne que la cession par les collectivités territoriales, leur groupements, et leurs établissements publics de leur matériel informatique ;
- le prix de cession a été déterminé par les services compétents et n'apparait pas manifestement erroné compte tenu notamment du caractère non constructible des parcelles ;
- la divergence d'avis entre deux ministères dont l'un seulement était compétent pour prendre la décision contestée ne démontre pas l'existence d'un détournement de pouvoir ;
- la procédure adéquate a été respectée ;
- le moyen tiré de la violation de la charte de l'environnement n'est pas étayé et en outre rien n'indique que la cession litigieuse aurait des conséquences en matière de protection de l'environnement ;
- la fraude à la loi n'est pas établie ;
- s'agissant des conclusions à fin d'injonction et à supposer même que la décision ministérielle fasse l'objet d'une annulation, celle-ci n'impliquerait pas nécessairement la résiliation de la vente eu égard à l'atteinte à l'intérêt général qui en résulterait ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 octobre 2014, présenté pour MM. C... etE..., qui persistent dans leurs conclusions par les mêmes moyens que dans leurs précédents mémoires ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 octobre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2015 :
- le rapport de Mme Terrasse, président assesseur,
- les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour MM. C...etE..., etI..., pour la Société des courses de Compiègne ;
1. Considérant que, par un arrêté du 16 mars 2010, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État a autorisé la cession amiable par l'État de trois parcelles d'une contenance totale approximative de 57,10 hectares, cadastrées B
n°s 1027, 1214 et 1520, situées sur le territoire de la commune de Compiègne et où sont implantées les installations de l'hippodrome et du golf de Compiègne ; que, par un acte de vente en date du 17 mars 2010, l'État a vendu ces parcelles à la Société des courses de Compiègne (SCC), qui exploite l'hippodrome depuis 1891 et sous-loue une partie de ces terrains à une association de golf depuis 1896 ; que M.C... et M. E...demandent l'annulation du jugement n° 1313001/7-2 du 25 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité et à ce qu'il soit enjoint à l'État, sous astreinte, de résilier la vente ;
Sur l'intervention de la Société des courses de Compiègne :
2. Considérant que la Société des courses de Compiègne a intérêt au maintien de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, son intervention en défense est recevable ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant qu' en indiquant que " la seule qualité de député de M. A...C...et M. G...E...ne leur donne pas intérêt leur donnant qualité pour attaquer l'arrêté du
16 mars 2010 ", que " les circonstances que les députés requérants appartiennent au groupe écologiste de l'Assemblée nationale(...) et qu'ils soient personnellement attachés à la conservation du patrimoine forestier de l'État ne leur donne pas davantage un intérêt personnel suffisant pour contester cette décision " et, enfin, que les dispositions de l'article 2 de la Charte de l'environnement " ne sauraient par elles-mêmes conférer à toute personne qui les invoque un intérêt pour former un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de toute décision administrative qu'elle entend contester " les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision quant à l'intérêt à agir des requérants ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
4. Considérant, en premier lieu, que, ainsi que l'ont à bon droit retenu les premiers juges, l'intérêt à agir des demandeurs s'apprécie au regard de leurs conclusions et non des moyens qu'ils invoquent à leur appui ; que la seule qualité de député de M.C... et de
M.E..., sans qu'il y ait lieu de prendre en considération le groupe politique auquel ils appartiennent, ne leur confère pas un intérêt leur donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté ministériel du 16 mars 2010 et ce, alors même qu'ils font valoir à l'appui de leur demande que la décision contenue dans l'arrêté attaqué ne pouvait être prise que par une loi ;
5. Considérant, en second lieu, que l'article 2 de la Charte de l'Environnement, selon lequel " toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement ", ne saurait, par lui-même, conférer à toute personne qui l'invoque un intérêt lui donnant qualité pour former un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de toute décision administrative qu'elle entend contester ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MM. C... et E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande comme irrecevable ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à ce qu'il soit fait injonction à l'État de résilier la vente et à ce que soit mis à sa charge le versement d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la Société des courses de Compiègne est admise.
Article 2 : La requête de MM. C... et E...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à M. G... E..., au Ministre des finances et comptes publics et à la Société des courses de Compiègne.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Vettraino, président de chambre,
Mme Terrasse, président assesseur,
M. Romnicianu, premier conseiller,
Lu en audience publique le 29 janvier 2015.
Le rapporteur,
M. TERRASSELe président,
M. VETTRAINO
Le greffier,
E. CLEMENT
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics et au ministre de l'intérieur en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 11PA00434
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N° 13PA04740