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05/06/2014 | FRANCE | N°13PA04096

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 05 juin 2014, 13PA04096


Vu la requête, enregistrée le 8 novembre 2013, présentée pour l'Etablissement français du sang (EFS) dont le siège est 20 avenue du Stade de France à La Plaine St Denis Cedex (93218), par le cabinet Houdart ; l'Etablissement français du sang (EFS) demande à la Cour :

1°) d'annuler les jugements n° 1205390/6-1 du 23 avril 2013 et du 4 septembre 2013 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par le premier jugement, le tribunal en prononçant la mise hors de cause de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections no

socomiales (ONIAM), a ordonné, avant dire droit, à l'EFS et à la so...

Vu la requête, enregistrée le 8 novembre 2013, présentée pour l'Etablissement français du sang (EFS) dont le siège est 20 avenue du Stade de France à La Plaine St Denis Cedex (93218), par le cabinet Houdart ; l'Etablissement français du sang (EFS) demande à la Cour :

1°) d'annuler les jugements n° 1205390/6-1 du 23 avril 2013 et du 4 septembre 2013 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par le premier jugement, le tribunal en prononçant la mise hors de cause de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), a ordonné, avant dire droit, à l'EFS et à la société Covea Risks, d'indiquer au tribunal si le centre national de transfusion sanguine était assuré en mars 1987, si sa couverture d'assurance était épuisée et si le délai de validité de sa couverture assurantielle était expiré, et de produire tous les documents se rapportant à l'existence, au montant de la couverture d'assurance et au délai de validité de cette couverture d'assurance, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et, par le second jugement, le tribunal a condamné l'EFS à verser à l'Etat la somme de 60 797,69 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 février 2012 et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris une somme de 5 709,21 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2013, ainsi qu'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de tout succombant le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens de l'instance ;

3°) subsidiairement, soumettre au Conseil d'Etat l'examen de la question suivante : " Les dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique dans leur rédaction résultant de l'article 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 peuvent-elles être interprétées comme permettant aux tiers payeurs d'exercer une action subrogatoire contre l'EFS indépendamment de toute faute de l'établissement de transfusion sanguine ' " et surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat rende son avis ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat ;

Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ;

Vu la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2014 :

- le rapport de Mme Julliard, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Macaud, rapporteur public,

- et les observations de Me Jacquet, avocat de l'EFS ;

1. Considérant que M. A... a été hospitalisé le 15 mars 1987 à l'hôpital Cochin à Paris et y a reçu six culots globulaires ; que sa contamination par le virus de l'hépatite C (VHC) a été diagnostiquée en 1994 ; que par un jugement du 22 octobre 2001 du Tribunal de grande instance de Paris, la fondation nationale de transfusion sanguine (FNTS) a été déclarée responsable de sa contamination par le VHC et l'EFS, venant aux droits de la FNTS, ainsi que son assureur, la société Azur Assurances Iard appelée en garantie, ont été condamnés à verser à M. A... une somme de 200 000 francs (30 490 euros) en réparation de l'ensemble des préjudices résultant de cette contamination et à la CPAM de Paris la somme de 6 218 francs (947,93 euros) ; que statuant sur un appel d'Azur Assurances Iard, la Cour d'appel de Paris a, par un arrêt du 3 juillet 2003, confirmé le jugement du 22 octobre 2001 sauf en ce qui concerne la garantie et prononcé un sursis à statuer jusqu'à l'intervention d'un arrêt de la Cour de Cassation, rendu le 2 juin 2004, déclarant illicite la clause des contrats conclus entre Azur Assurances Iard et les centres de transfusion sanguine tendant à réduire la durée de la garantie de l'assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l'assuré ; que, par un arrêt du 19 janvier 2007, la Cour d'appel de Paris, après avoir constaté que l'assureur MMA Iard venant aux droits d'Azur Assurances Iard ne contestait plus sa garantie, a admis qu'il était cependant fondé, contrairement à ce qu'avait estimé le tribunal, à opposer les limites de la police, soit 10 000 000 francs (1 524 490 euros) par an ; qu'en raison d'une aggravation de son état de santé, M. A... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande d'expertise, ordonnée par le juge le 30 mars 2010 qui a cependant rejeté sa demande de provision et a mis en cause l'ONIAM ; que l'expert a rendu son rapport le 18 novembre 2011 ; que M. A... n'a pas déposé de recours au fond ; que, par requête enregistrée le 24 février 2012, le ministre de l'éducation nationale a demandé au Tribunal administratif de Paris la condamnation de l'EFS à lui rembourser les prestations versées à M. A..., professeur d'éducation physique ; que par le premier jugement attaqué du 23 avril 2013, le tribunal administratif a prononcé la mise hors de cause de l'ONIAM et a ordonné, avant dire droit, à l'EFS et à la société Covea Risks, venant aux droits de MMA Iard, d'indiquer au tribunal si le CNTS était assuré en mars 1987, si sa couverture d'assurance était ou non épuisée, si le délai de validité de sa couverture assurantielle était ou non expiré, et de produire tous les documents se rapportant à l'existence, au montant de la couverture d'assurance et au délai de validité de cette couverture d'assurance ; que, par le second jugement attaqué en date du 4 septembre 2013, ce tribunal a condamné l'EFS à verser la somme de 60 797,69 euros à l'Etat, ainsi que la somme de 5 709,21 euros à la CPAM de Paris, en remboursement des débours exposés par eux au profit de M. A... ;

Sur les conclusions présentées par la société Covea Risks :

2. Considérant que les conclusions présentées en appel par la société Covea Risks, qui se borne à critiquer les motifs du jugement du 4 septembre 2013 dont le dispositif ne lui fait pas grief, sont irrecevables ; qu'elles ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur l'action subrogatoire des tiers payeurs contre l'EFS :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, dont les dispositions sont applicables en vertu de son article 72 à tous les litiges nés postérieurement au 1er juin 2010 : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa. (...). L'office et les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'Etablissement français du sang, venu aux droits et obligations des structures mentionnées à l'avant-dernier alinéa, si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré. " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de sécurité sociale pour 2013 et sans qu'il soit besoin pour la Cour de faire usage des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, que, même en l'absence de faute, les tiers payeurs sont en droit d'exercer à l'encontre de l'EFS une action subrogatoire à hauteur des sommes versées à la victime d'une contamination par le VHC, sauf pour cet établissement à établir que les conditions relatives à sa couverture d'assurance visées au dernier alinéa de l'article précité sont remplies et font, par voie de conséquence, obstacle à un tel recours ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que le centre national de transfusion sanguine (CNTS), aux droits et obligations duquel vient l'EFS, était assuré en 1987, année des faits en litige, auprès de la société Azur assurances IARD aux droits de laquelle est venue la société MMA IARD, puis la société Covea Risks et que la couverture d'assurance, dont le plafond était fixé à la somme de 1 524 490 euros au titre de l'année 1987, n'est pas épuisée ; que l'EFS doit ainsi être regardé comme disposant d'une couverture d'assurance répondant aux conditions dans lesquelles, en vertu de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, le recours subrogatoire des tiers-payeurs peut-être engagé à son encontre ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le ministre de l'Education nationale et la CPAM de Paris sont fondés à demander à cet établissement le remboursement des sommes qu'ils ont versées à M. A... à raison de sa contamination par le VHC ;

Sur la demande de la CPAM de Paris :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droits conservent contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. (...) Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. " ;

7. Considérant que la CPAM de Paris soutient que sa créance s'élève à la somme de 17 237,75 euros et que c'est à tort que le tribunal a jugé que les prestations servies à M. A... consécutivement à sa tentative de suicide ne sont pas en lien avec sa contamination par le VHC, dès lors que le docteur Lemoine concluait que si la contamination ne pouvait être la cause directe de ses troubles psychiatriques, elle pouvait en être la cause indirecte, retenant que le lourd traitement antiviral entraîne asthénie et troubles de l'humeur qui aggravent les troubles dépressifs ;

8. Considérant, toutefois, qu'il résulte du rapport d'expertise du docteur Lemoine déposé le 18 novembre 2011 que l'hospitalisation psychiatrique à la demande d'un tiers de M. A... résulte d'un " épisode dépressif majeur avec intoxication médicamenteuse volontaire, le tout s'inscrivant dans un contexte de difficultés conjugales et professionnelles " et que " les durées d'hospitalisation ne peuvent être directement imputables à l'infection et/ou au traitement " ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de remboursement des débours exposés par la CPAM de Paris correspondant aux hospitalisations et transports de M. A...en 2007 dont le lien direct avec la contamination de ce dernier par le VHC n'est pas établi ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de l'EFS et de la CPAM de Paris présentées sur ce fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'établissement français du sang est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la CPAM de Paris aux fins d'appel incident et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la société Covea Risks sont rejetées.

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N° 10PA03855

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N° 13PA04096


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04096
Date de la décision : 05/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POLIZZI
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme MACAUD
Avocat(s) : CABINET HOUDART

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-06-05;13pa04096 ?
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