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19/02/2015 | FRANCE | N°13PA03041

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 19 février 2015, 13PA03041


Vu la requête, enregistrée le 2 août 2013, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Estienne d'Orves, dont le siège est 15 boulevard Royal à Luxembourg (L-2449), Luxembourg, représentée par son gérant en exercice, par le cabinet d'avocats Cms bureau Francis Lefebvre ; la société Estienne d'Orves demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207883/2-3 du 30 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnell

e à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 20...

Vu la requête, enregistrée le 2 août 2013, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Estienne d'Orves, dont le siège est 15 boulevard Royal à Luxembourg (L-2449), Luxembourg, représentée par son gérant en exercice, par le cabinet d'avocats Cms bureau Francis Lefebvre ; la société Estienne d'Orves demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207883/2-3 du 30 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006, 2007 et 2008 et de la cotisation minimale de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2006, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ou, à titre subsidiaire, la décharge de la pénalité

de 80 % sur les droits ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- son activité n'était pas occulte au regard tant de la loi fiscale que de la doctrine administrative ;

- l'année 2006 était en conséquence prescrite ;

- elle ne disposait pas en France d'un établissement stable ;

- à supposer qu'elle disposait en France d'un établissement stable, étaient seuls taxables les produits relevant du périmètre de cet établissement ;

- l'administration n'était pas fondée à mettre en oeuvre la procédure de taxation

d'office ;

- la société était en droit de bénéficier des garanties attachées à la procédure de redressement contradictoire ;

- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'était pas incompétente ;

- les pièces saisies lors de la procédure prévue à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'ont pas été soumises à un débat contradictoire ;

- les pénalités pour activité occulte ne sont pas applicables en l'absence d'activité occulte ;

- les opérations réalisées ont un caractère civil ;

- la rectification, se fondant sur une disposition législative rétroactive, ne peut être assortie de pénalités ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 février 2014, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- l'activité déclarée de la société Estienne d'Orves ne correspondait pas à son activité réelle, qui était donc bien occulte ;

- elle a bénéficié des garanties propres à la procédure contradictoire ;

- elle disposait en France d'un établissement stable ;

- la majoration de 80 % était applicable ;

- les pièces saisies ont été restituées ;

Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 18 juillet 2014 et 26 janvier 2015, présentés pour la société Estienne d'Orves, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention fiscale entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, et notamment son article 52 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 février 2015 :

- le rapport de Mme Appèche, président,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la société Estienne d'Orves ;

1. Considérant que la société Estienne d'Orves, dont le siège social est au Luxembourg, a déclaré exercer une activité de location de locaux nus à usage professionnel ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2006, 2007 et 2008, à l'issue de laquelle l'administration, estimant qu'elle disposait d'un établissement stable situé en France, lui a notifié le 25 mai 2010, selon la procédure de taxation d'office, au titre des exercices 2005, 2006, 2007 et 2008, des rappels d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2006 ; que la société Estienne d'Orves a également fait l'objet d'un rappel au titre de la cotisation minimale de taxe professionnelle pour l'exercice 2006 ; que les droits mis à sa charge ont été assortis des intérêts de retard et d'une majoration de 80 % pour activité occulte ; que la société Estienne , après avoir en vain demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge totale de ces cotisations, ainsi que des pénalités et majorations correspondantes, relève appel du jugement n° 1207883/2-3 du 30 mai 2013 de ce tribunal rejetant sa demande ;

Sur le principe de l'imposition en France :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et la contribution additionnelle à cet impôt :

2. Considérant, en premier lieu, que la société Estienne d'Orves, créée le 11 février 2005, a acquis le 13 avril 2005 un ensemble immobilier à usage de bureaux de plus de

60 000 m2, sis 418 à 432 rue d'Estienne d'Orves et 25 à 33 rue de Metz à Colombes (92) pour un montant de 16 744 000 euros ; que la société, qui s'était engagée dans l'acte d'acquisition à démolir les bâtiments existant et à édifier un nouvel immeuble sur le terrain dans un délai de quatre années, a toutefois, après démolition, revendu le nouvel ensemble immobilier encore inachevé, le 14 décembre 2006, au prix de 384 139 543 euros, avant de se placer en liquidation le

15 décembre 2006, selon une procédure clôturée le 20 mars 2008 ; que, pour établir les impositions en litige, l'administration fiscale a estimé que la société luxembourgeoise Estienne d'Orves, pour la réalisation de ces opérations, disposait, en France, en utilisant le personnel et les locaux de la société HRO France, d'un établissement stable au sens de l'article 4 de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958 ; que la société Estienne d'Orves soutient que le service a ainsi inexactement apprécié sa situation au regard de cette convention ;

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts :

" I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ";

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 1 de l'article 4 de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958 : " Les revenus des entreprises (...) commerciales (...) ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable " ; qu'aux termes du 3 de l'article 2 de la même convention : " 1 ) Le terme "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2) Au nombre des établissements stables figurent notamment : (...) b) les succursales ; c) les bureaux ; (...) " ;

5. Considérant que les opérations de visite domiciliaire et de saisie effectuées par l'administration ont révélé que la société Estienne d'Orves utilisait les locaux de la société HRO France, appartenant au groupe de promotion immobilière HRO ; que l'implication de dirigeants et des principaux salariés de la société HRO France, dans la négociation, le montage financier et juridique, le suivi de l'opération ainsi que dans sa gestion comptable et fiscale ressort des documents et dossiers dématérialisés enregistrés sur les disques durs du personnel de la société HRO France, ainsi que des courriers, directives, instructions, offres de crédits, assurances, ordres, contrats et documents libellés par les fournisseurs et établissements financiers à l'adresse de la société HRO, dont le contenu, les références et les auteurs et signataires sont très précisément exposés dans le proposition de rectification ; que les opérations de visite domiciliaire et de saisie de pièces ont également révélé la présence, dans les 1ocaux de ]a société HRO France, de cachets à l'en-tête de sociétés luxembourgeoises, dont celui de la société Estienne d'Orves, et de documents établissant sans ambigüité que la signature des contrats par la structure luxembourgeoise était exclusivement formelle et qu'elle n'était pas davantage destinataire de courriels relatifs à sa propre gestion ; que le groupe HRO a d'ailleurs présenté 1'opération immobilière comme sa propre réalisation et non comme celle de la société Estienne d'Orves ; que, d'ailleurs, la société Estienne d'Orves, dont le siège social est au Luxembourg, ne disposait, à son adresse, d'aucun bail de location mais sous-louait deux bureaux mis en commun avec de nombreuses autres sociétés appartenant au même groupe HRO ; que la participation active à l'opération susrelatée de salariés de la société Estienne d'Orves, qui auraient été situés au Luxembourg, ne ressort pas des pièces du dossier ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'administrateur de la société requérante y résidant, M.B..., qui était également gérant de nombreuses autres sociétés, ait été associé à la direction stratégique, technique, juridique ou financière de la société Estienne d'Orves ; qu'au surplus, il n'est pas contesté que M. B...percevait une rémunération mensuelle de l'ordre de 1 300 euros sans rapport avec les responsabilités d'un dirigeant effectif ; qu'il résulte également de l'instruction que la cession de l'ensemble immobilier en cause a été hâtée, à l'initiative de M.C..., actionnaire de la société Estienne d'Orves et actionnaire indirect de HRO France, et fondateur du groupe HRO en raison de la renégociation des termes de la convention signée le 1er avril 1958 entre la France et le Grand Duché de Luxembourg, renégociation ayant conduit à l'avenant du 24 novembre 2006 entré en vigueur le 1er janvier 2008 ; qu'ainsi, et alors même que la société Estienne d'Orves était liée à la société HRO France par un contrat d'assistance à la maîtrise d'ouvrage et que le conseil de gérance de la société Estienne d'Orves se réunissait au Luxembourg, la société requérante doit être regardée comme ayant disposé au cours des années en cause, dans les locaux de la société HRO France, d'une installation fixe d'affaires au travers de laquelle elle a exercé son activité consistant en la réalisation des opérations décrites au point 2 ci-dessus et, en conséquence, comme ayant exploité une entreprise en France au sens des dispositions de l'article 209 du code général des impôts et comme y ayant disposé d'un établissement stable au sens des stipulations du 3 de l'article 2 de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958 ; que c'est par suite à bon droit que l'administration fiscale l'a assujettie en France aux impositions en litige, en application de ces dispositions et stipulations ; que les doctrines administratives citées dans les mémoires de la société requérante, qui ne sont d'ailleurs pas formellement invoquées sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne font en tout état de cause pas des textes fiscaux susmentionnés une interprétation différente de ce qui précède ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues au IV de l'article 3 du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié, les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que, sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l'article 207, les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une société à responsabilité limitée est passible de l'impôt sur les sociétés et que ses bénéfices sont déterminés d'après les règles applicables aux bénéfices industriels et commerciaux, alors même que son activité présenterait un caractère non commercial si elle était exercée par une personne physique ; que la circonstance que les opérations réalisées auraient un tel caractère n'est en tout état de cause pas de nature à faire obstacle à l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés de la société Estienne d'Orves, qui est une société à responsabilité limitée, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, son activité est réalisée par l'intermédiaire d'un établissement stable en France ;

En ce qui concerne la taxe professionnelle :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en cause : " La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée " ; que, pour contester son assujettissement à la cotisation minimale de taxe professionnelle, la société Estienne d'Orves se borne à soutenir qu'elle ne disposait en France d'aucun établissement stable ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus que ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur la prescription du droit de reprise :

8. Considérant que, pour assigner à la société Estienne d'Orves les impositions en litige au titre des années 2005 et 2006, soit au titre d'années qui étaient en principe couvertes par la prescription de son droit de reprise telle que celle-ci est prévue par le premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, l'administration s'est fondée sur ce que ce droit de reprise pouvait s'exercer jusqu'à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, en application du deuxième alinéa du même article, dès lors que l'intéressée n'avait pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire et n'avait pas fait connaître son activité auprès d'un centre de formalité des entreprises ;

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. " ; qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article

L. 174 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction en vigueur : " (...) le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. " ; que les dispositions précitées ont été rendues applicables par l'article 52 VI de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 aux délais venant à expiration postérieurement au 31 décembre 2008 ;

10. Considérant qu'il est constant que la société Estienne d'Orves n'a pas fait connaître son activité de promotion immobilière auprès d'un centre de formalité des entreprises, ni déposé les déclarations qu'elle était tenue de souscrire du fait de l'activité imposable à l'impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle exercée par l'établissement stable dont elle disposait en France, dans les conditions qui ont été précédemment rappelées ; qu'elle relevait en conséquence des alinéas précités des articles L. 169 et L. 174 du livre des procédures fiscales qui permettent à l'administration fiscale d'exercer son droit de reprise jusqu'à la fin de la dixième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due, sans qu'elle puisse utilement invoquer les circonstances qu'elle se serait fait connaitre, en tant que résident étranger exerçant en France une activité de location de locaux professionnels, par le dépôt de déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et de demandes de remboursement de crédits de taxe, qu'elle ait déposé une déclaration relative à la taxe sur la valeur ajoutée facturée à l'acquéreur lors de la cession intervenue en 2006 et qu'elle ait procédé à l'enregistrement des actes d'acquisition et de cession de l'immeuble sis à Colombes et au paiement de la taxe de 3 %, ainsi que des taxes locales et d'urbanisme ; qu'elle ne saurait utilement faire valoir que l'intention originelle de louer des locaux professionnels était réelle et sincère, dès lors que l'activité d'un établissement stable en France n'a en tout état de cause pas fait l'objet de sa part des déclarations prévues par les dispositions précitées ;

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. " ;

12. Considérant que la société Estienne d'Orves invoque, pour faire obstacle aux rehaussements qui lui ont été assignés au titre des années 2005 et 2006, l'instruction 13 L-4-97 du 30 octobre 1997, reprise dans la documentation administrative de base n° 13 L-1218 du

1er juillet 2002 ; que les paragraphes n° 7 et n° 11 de cette instruction prévoient, en ce qui concerne le paragraphe n° 7, que " lorsque l'une quelconque des déclarations ( telles que visées aux nos 10 et 11 ) incombant au contribuable a été souscrite dans les délais, et alors même que la déclaration au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce n'a pas été effectuée, le délai spécial n'est pas applicable. " et, en ce qui concerne le paragraphe n°11, qu'" il résulte de ces principes que le délai spécial n'est donc pas applicable dans les cas suivants : - le contribuable a souscrit les déclarations de TVA afférentes à une activité professionnelle mais non celle se rapportant aux revenus catégoriels (IR) ou aux résultats (IS) correspondants " ; que, d'une part, la société Estienne d'Orves, qui a été assujettie aux impositions en cause sans que l'administration procède à des rehaussements d'impositions antérieures, n'est pas fondée, eu égard aux règles qui régissent l'invocabilité de la doctrine administrative, à se prévaloir du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, d'autre part, la société Estienne d'Orves, qui s'est abstenue de déposer les déclarations correspondant aux impositions en litige, ne saurait être regardée comme ayant fait application de ces prévisions de la doctrine relatives aux délais de reprise dont dispose l'administration et ne peut, par suite, invoquer, sur le fondement du second alinéa de l'article

L. 80 A du livre des procédures fiscales, cette interprétation de la loi fiscale ; qu'au surplus, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 10 du présent arrêt, que la société Estienne d'Orves, qui s'était fait connaitre de l'administration fiscale pour une activité de location de locaux professionnels exercée par un résident étranger, ne saurait être regardée comme ayant déposé des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée relatives à l'activité effectivement exercée, décrite au point 2 ci-dessus, par l'établissement stable dont elle disposait en France ; qu'ainsi et ,en tout état de cause, et alors même qu'elle aurait effectivement envisagé à l'origine l'exercice d'une activité de location, elle n'est pas fondée à se prévaloir de l'interprétation du texte fiscal donnée par la doctrine administrative précitée, dans les prévisions de laquelle elle ne rentre pas ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

13. Considérant, en premier lieu, que, si la proposition de rectification du 25 mai 2010 fait référence à la mise en oeuvre d'une procédure de taxation d'office, alors qu'il est constant que les conditions requises pour la mise en oeuvre d'une telle procédure n'étaient pas remplies, il résulte de l'instruction que le service a, dans les faits, mis en oeuvre la procédure de redressement contradictoire en accordant, par la proposition de rectification susmentionnée, un délai de réponse de trente jours, délai de réponse prorogé conformément à la demande en ce sens

du 9 juin 2010 de la société Estienne d'Orves, en répondant de façon motivée aux observations du contribuable et en donnant suite à sa demande de recours hiérarchique ; que, si la société Estienne d'Orves soutient que l'administration l'a privée d'une garantie en ne donnant pas suite à sa demande de saisine de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, il résulte de l'instruction que la société Estienne d'Orves n'a fait état de désaccords sur le montant des bases d'imposition, ni dans sa réponse du 18 octobre 2010 à la proposition de rectification du 25 mai 2010, ni davantage dans le courrier du 16 novembre 2010 par lequel elle sollicitait la saisine de ladite commission ; qu'ainsi, à la date de ladite demande, le désaccord entre l'administration fiscale et la société Estienne d'Orves portait, non sur le montant des résultats de la société, mais sur le principe de l'assujettissement à l'impôt de l'intéressée, tant au regard de l'article 209 du code général des impôts que de l'article 4 de la convention fiscale signée le 1er avril 1958 par la France et le Luxembourg ; qu'une telle question échappait à la compétence de la commission susmentionnée, telle que définie par les dispositions de l'article

L. 59 A du livre des procédures fiscales, aux termes duquel " La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition (...) ", sans que la société Estienne d'Orves puisse utilement faire valoir qu'une saisine de ladite commission lui aurait permis de soulever devant cet organisme des questions relatives au montant des bases d'imposition ; qu'il suit de là que la société Estienne d'Orves, qui n'a été privée d'aucune des garanties attachées à la mise en oeuvre de la procédure de redressement contradictoire, n'est pas fondée à soutenir que la procédure de redressement suivie à son encontre serait entachée d'irrégularité ;

14. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la TVA en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment dépasser ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie. (...) V. (...) Les pièces et documents saisis sont restitués à l'occupant des locaux dans les six mois de la visite ; toutefois, lorsque des poursuites pénales sont engagées, leur restitution est autorisée par l'autorité judiciaire compétente. VI. L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en oeuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47 " ;

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté, que les pièces saisies en juin 2009 tant au siège de la société HRO France où se situait, ainsi qu'il a été dit

ci-dessus, l'établissement stable en France de la société Estienne d'Orves, qu'au siège social d'autres sociétés ou au domicile de particuliers, ont été restituées aux intéressés les

24 et 25 août 2009, soit avant l'engagement de la vérification de comptabilité entreprise à l'égard de la société requérante ; que cette dernière, qui n'a pas demandé, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents contenant des informations obtenues auprès de tiers et qui lui auraient été opposées lui soient communiqués, et qui ne saurait valablement soutenir qu'elle n'a pu, au cours de la vérification de comptabilité, disposer des pièces qui lui avaient été auparavant restituées, ne saurait en conséquence, ni valablement invoquer la méconnaissance des dispositions précitées ou la violation des droits de la défense, ni soutenir avoir été privée de la garantie attachée à l'existence d'un débat oral et contradictoire dans le cadre de la vérification de comptabilité, ni, enfin, et en tout état de cause, faire valoir que son droit au procès équitable, prévu à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a été méconnu ;

Sur les autres moyens relatifs au bien-fondé de l'imposition :

16. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que l'administration a pris en compte, pour l'établissement des impositions en cause, le produit résultant de la cession, par l'établissement stable en France de la société Estienne d'Orves, d'un immeuble situé en France ; que ce produit était en conséquence rattachable à l'activité de cet établissement, sans que la société Estienne d'Orves puisse utilement invoquer, en s'abstenant d'ailleurs d'étayer son argumentation de précisions permettant à la Cour d'en apprécier la portée, les risques financiers encourus par les investisseurs étrangers, ainsi que les décisions d'investissement prises tant par ces derniers que par les dirigeants de l'intéressée domiciliés au Luxembourg, ainsi que la répartition du bénéfice entre la France et le Luxembourg pour la détermination du revenu imposable ; que le caractère sommaire ou vicié de la fixation par le service des résultats taxables de la société requérante n'est par suite pas établi ;

17. Considérant, en second lieu, qu'à supposer que la société requérante ait entendu soulever le moyen tiré de la double imposition de sommes qui auraient été taxées en France et au Luxembourg, une telle double imposition n'est pas établie ;

Sur les pénalités :

18. Considérant que le c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, prévoit que le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 10 du présent arrêt que l'activité réelle de la société Estienne d'Orves ne peut qu'être regardée comme ayant eu un caractère occulte à l'égard de l'administration fiscale et que ce caractère occulte était délibéré ; que l'administration était donc fondée à appliquer la majoration de 80 % applicable en vertu des dispositions précitées du c) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la société Estienne d'Orves, qui est une société de capitaux exerçant son activité en France par l'intermédiaire d'un établissement stable, n'est pas fondée à soutenir que les pénalités en cause ne sont pas applicables au motif qu'avant l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2009, l'article 209 du code général des impôts ne prévoyait l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés que pour les seuls bénéfices réalisés dans le cadre d'entreprises exploitées en France ; que, pour les mêmes motifs, la société requérante ne saurait se prévaloir des règles applicables aux revenus d'activités civiles exercées par des sociétés ne possédant pas en France d'établissements stables ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 12 ci-dessus, la société requérante ne peut utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'instruction 13 L-4-97 du 30 octobre 1997, reprise dans la documentation administrative de base n° 13 L-1218 du 1er juillet 2002 ; qu'en tout état de cause, la société Estienne d'Orves n'entre pas dans les prévisions du paragraphe 72 de l'instruction 13 N-1-07 qu'elle invoque, dont il ressort qu'il a trait aux hypothèses où le contribuable a effectué sa déclaration auprès d'un centre différent de celui dont il relevait, ou a déclaré un établissement principal et souscrit les déclarations fiscales correspondantes, mais n'a pas déclaré l'ouverture d'un établissement secondaire se livrant à la même activité, ou encore a poursuivi une activité après en avoir déclaré la cessation ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Estienne d'Orves n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Estienne d'Orves est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Estienne d'Orves et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal

d'Ile-de-France Ouest.

Délibéré après l'audience du 4 février 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Tandonnet-Turot, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 19 février 2015.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

S. TANDONNET-TUROT

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

2

N° 13PA03041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03041
Date de la décision : 19/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-02-19;13pa03041 ?
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