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04/12/2014 | FRANCE | N°13PA01935

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 04 décembre 2014, 13PA01935


Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2013, présentée pour la société anonyme (SA)

Le jardin d'acclimatation, dont le siège social est au Bois de Boulogne à Paris (75016), représentée par son président directeur général en exercice, M. D...C..., par

Me B...; la SA Le jardin d'acclimatation demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204601/7-1 du 3 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que soit prononcée la résiliation du contrat de sous-concession la liant à la société Ludo Vert conclu le 29

juillet 1997 et modifié par avenants des 1er juillet 1999 et 21 juillet 2006 ;

2°) de ...

Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2013, présentée pour la société anonyme (SA)

Le jardin d'acclimatation, dont le siège social est au Bois de Boulogne à Paris (75016), représentée par son président directeur général en exercice, M. D...C..., par

Me B...; la SA Le jardin d'acclimatation demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204601/7-1 du 3 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que soit prononcée la résiliation du contrat de sous-concession la liant à la société Ludo Vert conclu le 29 juillet 1997 et modifié par avenants des 1er juillet 1999 et 21 juillet 2006 ;

2°) de prononcer la résiliation dudit contrat ;

3°) de mettre à la charge de la société Ludo Vert le versement d'une somme de

10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2014 :

- le rapport de M. Romnicianu, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public,

- les observations de MeB..., pour la société Le jardin d'acclimatation, et les observations de MeA..., pour la société Ludo Vert ;

1. Considérant que, par contrat conclu le 6 décembre 1995, valant autorisation d'occupation du domaine public, la ville de Paris a concédé, pour une durée de 20 ans, l'exploitation et la mise en valeur du jardin d'acclimatation (Bois de Boulogne) à la société

" Le Jardin d'Acclimatation " ; que l'article 16 de ce contrat, dont l'article 2.1.4 impose au concessionnaire de garantir la présence d'activités foraines à titre onéreux, autorise celui-ci à souscrire des contrats avec des tiers en vue de remplir cette obligation ; que, par un contrat dit de sous-concession conclu le 29 juillet 1997, modifié par avenants des 1er juillet 1999 et

21 juillet 2006, la société concessionnaire, " Le Jardin d'Acclimatation ", a sous-concédé à la société Ludo Vert l'exploitation, notamment, de manèges et attractions foraines ; que ce contrat de sous-concession vient à échéance au plus tard à la même date que le contrat de concession sus évoqué, soit le 6 décembre 2015 ; que, toutefois, le 15 mars 2012, la société " Le Jardin d'Acclimatation ", en sa qualité de sous-concédant, a saisi le Tribunal administratif de Paris pour que soit prononcée la déchéance du sous-concessionnaire à raison des fautes commises par

celui-ci ; que, par jugement du 3 avril 2013, dont la société " Le Jardin d'Acclimatation " interjette régulièrement appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande comme irrecevable au motif qu'elle n'avait pas été précédée d'une mise en demeure adressée au

sous-concessionnaire ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que l'article L. 5 du code de justice administrative prévoit que " l'instruction des affaires est contradictoire " ; qu'aux termes de l'article L. 7 de ce code : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent " ;

3. Considérant que les règles applicables à l'établissement du rôle, aux avis d'audience et à la communication du sens des conclusions du rapporteur public sont fixées, pour ce qui concerne les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, par les articles R. 711-1 à R. 711-3 du code de justice administrative ; que l'article R. 711-2 indique que l'avis d'audience mentionne les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public ; que le premier alinéa de l'article R. 711-3 du même code dispose que " si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne " ;

4. Considérant que le principe du caractère contradictoire de l'instruction, rappelé à l'article L. 5 du code de justice administrative, qui tend à assurer l'égalité des parties devant le juge, implique la communication à chacune des parties de l'ensemble des pièces du dossier, ainsi que, le cas échéant, des moyens relevés d'office ; que ces règles sont applicables à l'ensemble de la procédure d'instruction à laquelle il est procédé sous la direction de la juridiction ;

5. Considérant que le rapporteur public, qui a pour mission d'exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement ; que l'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction ; qu'il suit de là que, pas plus que la note du rapporteur ou le projet de décision, les conclusions du rapporteur public - qui peuvent d'ailleurs ne pas être écrites - n'ont à faire l'objet d'une communication préalable aux parties ; que celles-ci ont en revanche la possibilité, après leur prononcé lors de la séance publique, de présenter des observations, soit oralement à l'audience, soit au travers d'une note en délibéré ; qu'ainsi, les conclusions du rapporteur public permettent aux parties de percevoir les éléments décisifs du dossier, de connaître la lecture qu'en fait la juridiction et de saisir la réflexion de celle-ci durant son élaboration tout en disposant de l'opportunité d'y réagir avant que la juridiction ait statué ; que s'étant publiquement prononcé sur l'affaire, le rapporteur public ne peut prendre part au délibéré ; qu'ainsi, en vertu de l'article

R. 732-2 du code de justice administrative, il n'assiste pas au délibéré devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel et, selon l'article R. 733-3 de ce code, il y assiste, sauf demande contraire d'une partie, sans y prendre part au Conseil d'État ;

6. Considérant que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions citées au point 3 de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; qu'en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ;

7. Considérant, par ailleurs, que, pour l'application de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs, mentionnés au point 6, de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir ; que la communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision juridictionnelle ;

8. Considérant, en l'espèce, qu'il ressort des visas du jugement attaqué que l'affaire, précédemment appelée à l'audience du Tribunal administratif de Paris du 21 février 2013, a été renvoyée à l'audience du 14 mars 2013, afin de permettre l'information régulière du sens des conclusions du rapporteur public, en application de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ; que, selon les dires de la société requérante elle-même, le rapporteur public a conclu, lors de l'audience du 14 mars 2013, au rejet, à titre principal, comme irrecevable en l'absence de mise en demeure préalable, de la demande aux fins de résiliation du contrat, conformément à ce qui avait été indiqué dans l'application " Sagace ", sous la rubrique " sens synthétique des conclusions ", le 5 mars 2013 à 9 h 46 ; que, dans ces conditions, la société

" Le jardin d'acclimatation " a été mise à même, dans un délai raisonnable avant la tenue de l'audience publique, d'apprécier l'opportunité d'assister à celle-ci, de préparer, le cas échéant, des observations orales en vue de cette audience et d'envisager de présenter, après l'audience, une note en délibéré ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société " Le jardin

d'acclimatation " n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière, faute pour le rapporteur public, qui a mis les parties en mesure de connaître avant l'audience le sens de ces conclusions, de les avoir informées des motifs qui l'ont conduit à proposer le rejet de sa demande ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 20 du contrat de sous-concession conclu le

29 juillet 1997 entre la SA "Le jardin d'acclimatation" et la SARL " Ludo Vert " : " En cas d'inobservation par le sous-concessionnaire de l'une quelconque des obligations mises à sa charge dans la présente convention, le contrat, comme indiqué à l'article 12, sera résilié un mois

après mise en demeure préalable. La résiliation interviendra également en cas de redressement ou de liquidation judiciaire du sous-concessionnaire. Il en sera de même en cas de faute grave nécessitant une mesure immédiate sans possibilité de mise en demeure préalable " ;

11. Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, sauf en cas de faute grave nécessitant une mesure immédiate sans possibilité de mise en demeure préalable, l'action en déchéance du sous-concessionnaire ne peut intervenir qu'un mois après que celui-ci ait été mis en demeure de respecter ses obligations et à même de présenter des observations écrites ou orales ; que, si cette mise en demeure n'est soumise au respect d'aucun formalisme particulier, elle doit néanmoins, sous peine d'être dépourvue de tout effet utile, se référer aux clauses précitées de l'article 20 du contrat de sous-concession, faire état précisément des manquements reprochés au sous-concessionnaire et l'avertir que, faute pour lui de satisfaire à ses obligations dans le délai d'un mois susrappelé, il s'expose à être déchu de ses droits ;

12. Considérant, d'une part, que si la société " Le jardin d'acclimatation " fait valoir que l'urgence justifiait que l'action en résiliation soit introduite sans mise en oeuvre préalable de la procédure contradictoire, elle n'établit pas que les fautes graves qu'elle invoque nécessitaient une mesure de résiliation immédiate incompatible avec l'envoi d'une mise en demeure préalable, au sens du second alinéa de l'article 20 précité ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient la société sous-concédante, la circonstance qu'elle n'avait pas compétence pour prononcer

elle-même la mesure de résiliation litigieuse ne la dispensait pas de mette en oeuvre, préalablement à la saisine du juge du contrat aux fins de résiliation, la procédure contradictoire en adressant une mise en demeure à la société sous-concessionnaire ;

13. Considérant, d'autre part, que les courriers cités par la société appelante, lesquels, à l'occasion d'incidents particuliers ayant eu lieu sur le site du jardin d'acclimatation, se bornent à solliciter des explications de la part de la société Ludo Vert et à rappeler à cette dernière les règles de sécurité applicables, ne répondent pas aux exigences susrappelées et, par suite, ne sauraient être regardés comme des mises en demeure relatives aux fautes invoquées dans la demande adressée au tribunal administratif ; que les courriers des 30 mai et 27 juin 2011 concernent la seule remise de documents d'assurances conformes à l'article 7 du contrat précité, dont il n'est pas contesté qu'ils ont finalement été communiqués ; qu'enfin les courriers du

28 février 2012 et du 19 avril 2013, lesquels pourraient le cas échéant être regardés comme des mises en demeure en bonne et due forme, ont en tout état de cause été adressés au

sous-concessionnaire moins d'un mois avant, voire postérieurement à l'introduction de la demande en résiliation devant le Tribunal administratif de Paris et, par suite, ne sauraient être pris en compte ; qu'il suit de là que la société Le Jardin d'Acclimatation ne saurait être regardée comme ayant adressé à la société Ludo Vert, dans les délais requis, la mise en demeure préalable exigée par les stipulations contractuelles suscitées pour que soit régulièrement prononcée la déchéance du sous-concessionnaire ; que, par suite, ainsi que le soutient la société Ludo Vert, l'absence de mise en demeure préalable adressée en temps utile au sous-concessionnaire faisait obstacle à ce que le juge du contrat prononce la résiliation pour faute du contrat de

sous-concession ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Le jardin d'acclimatation n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté comme irrecevable sa demande aux fins de résiliation du contrat de sous-concession en date du 29 juillet 1997 la liant à la société Ludo Vert ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Ludo Vert, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Le Jardin d'Acclimatation demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Le Jardin d'Acclimatation une somme de 1 500 euros à verser à la société Ludo Vert sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société anonyme " Le Jardin d'Acclimatation " est rejetée.

Article 2 : La société " Le Jardin d'Acclimatation " versera à la société Ludo Vert la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 11PA00434

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N° 13PA01935


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13PA01935
Date de la décision : 04/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Michel ROMNICIANU
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : AKNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-12-04;13pa01935 ?
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