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03/04/2015 | FRANCE | N°13NT03430

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 03 avril 2015, 13NT03430


Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2013, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203027 du 25 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes sa rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du maire de la commune de Saint-Malo des 2 février 2012 et 23 mai 2012 accordant un permis de construire et un permis de construire modificatif à la SNC Batimalo afin d'édifier un immeuble de 4 logements collectifs sur une parcelle cadastrée section AL n° 413 située 3 rue Hyppolyte de la Morvonnais

à Saint-Malo, ainsi que la décision du maire de Saint-Malo du 29 mai 201...

Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2013, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203027 du 25 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes sa rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du maire de la commune de Saint-Malo des 2 février 2012 et 23 mai 2012 accordant un permis de construire et un permis de construire modificatif à la SNC Batimalo afin d'édifier un immeuble de 4 logements collectifs sur une parcelle cadastrée section AL n° 413 située 3 rue Hyppolyte de la Morvonnais à Saint-Malo, ainsi que la décision du maire de Saint-Malo du 29 mai 2012 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler les arrêtés des 2 février 2012 et 23 mai 2012 et la décision du 29 mai 2012 ;

Le préfet soutient que :

- les arrêtés des 2 février 2012 et 23 mai 2012 sont entachés d'incompétence de l'auteur de l'acte car la délégation de signature de MmeB..., qui a signé lesdits arrêtés, ne précise pas les limites de la délégation ;

- ces arrêtés sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme car le projet est situé dans une zone concernée par un risque plus que probable de submersion marine ;

- ils sont également entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard du principe de précaution posé par l'article 5 de la charte de l'environnement ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2014, présenté, pour la ville de Saint-Malo, représentée par son maire, par la cabinet d'avocats Coudray ; La commune de Saint-Malo conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la délégation de signature de Mme B...était suffisamment précise, de sorte qu'elle était compétente pour signer les arrêtés attaqués ;

- en tout état de cause, par deux arrêtés du 10 août 2012, le maire de Saint Malo a accordé à la SNC Batimalo deux permis modificatifs qui régularisent l'éventuel vice d'incompétence ;

- le risque de submersion marine n'est pas avéré et les mesures mises en oeuvre par le titulaire de l'autorisation comme les prescriptions dont est assorti le permis de construire sont suffisantes pour pallier toute atteinte à la sécurité des habitants ; les arrêtés attaqués ne sont donc pas entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le principe de précaution de l'article 5 de la charte de l'environnement ne vise que les dommages susceptibles d'être causés à l'environnement et est donc inopérant ici ; dés lors que le préfet estime probable le risque de submersion, c'est le principe de prévention qu'il applique ; qu'en tout état de cause, au regard des mesures prises et prescriptions posées, le principe de précaution n'a pas été méconnu ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2014, présenté, pour la société Batimalo, ayant son siège 23 boulevard de la Tour d'Auvergne, PB 147, à Saint Malo (35408), par la société d'avocats Coudray ; la société Batimalo conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la délégation de signature de Mme B...était suffisamment précise, de sorte qu'elle était compétente pour signer les arrêtés attaqués ;

- en tout état de cause, par deux arrêtés du 10 août 2012, le maire de Saint Malo a accordé à la SNC Batimalo deux permis modificatifs qui régularisent l'éventuel vice d'incompétence ;

- le risque de submersion marine n'est pas avéré et les mesures mises en oeuvre par le titulaire de l'autorisation comme les prescriptions dont est assorti le permis de construire sont suffisantes pour pallier toute atteinte à la sécurité des habitants ; les arrêtés attaqués ne sont donc pas entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le principe de précaution de l'article 5 de la charte de l'environnement ne vise que les dommages susceptibles d'être causés à l'environnement et est donc inopérant ici ; dés lors que le préfet estime probable le risque de submersion, c'est le principe de prévention qu'il applique ; qu'en tout état de cause, au regard des mesures prises et prescriptions posées, le principe de précaution n'a pas été méconnu ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 mars 2015, présenté par le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2015, présenté pour la commune de Saint-Malo, par le cabinet Coudray, société d'avocats ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment la Charte de l'environnement à laquelle renvoie son Préambule ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2015 :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- les observations de M. A...pour le préfet d'Ille-et-Vilaine et celles de Me Châtel, avocat de la commune de Saint-Malo et de la société Batimalo ;

1. Considérant que par arrêtés du 2 février 2012 et du 23 mai 2012, le maire de Saint-Malo a délivré à la société Batimalo un permis de construire et un permis de construire modificatif pour l'édification d'un immeuble de quatre logements collectifs sur une parcelle cadastrée section AL n° 413 située 3 rue Hyppolyte de la Morvonnais à Saint-Malo ; que par une décision du 29 mai 2012, le maire de Saint-Malo a rejeté la demande de retrait de ce permis de construire formée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ; que le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 25 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté son déféré dirigé contre les deux arrêtés du 2 février 2012 et du 23 mai 2012 et contre la décision de rejet de son recours gracieux du 29 mai 2012 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints (...) " ; que l'article 7 de l'arrêté du maire de Saint-Malo du 28 mars 2008 portant délégations aux adjoints dispose que MmeB..., sixième adjointe, " est déléguée aux questions suivantes : le personnel communal et le fonctionnement des organismes paritaires, l'urbanisme, le patrimoine architectural urbain et paysager, les campings, la réglementation de l'affichage publicitaire des pré-enseignes et des enseignes " ; que cette disposition, qui ne définit pas avec une précision suffisante les limites de la délégation consentie à l'intéressée, ne satisfait pas aux conditions prévues par l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales ; que, dès lors, Mme B...n'était pas compétente pour signer les permis de construire litigieux ;

3. Considérant, toutefois, que lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises ; que les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial ; que l'incompétence du signataire d'un permis de construire relève des irrégularités de forme qu'un permis de construire modificatif peut avoir pour objet exclusif de régulariser ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les permis modificatifs du 10 août 2012, signés par le maire de la commune de Saint-Malo, ont eu pour objet et pour effet de régulariser le vice d'incompétence affectant le permis de construire initial du 2 février 2012 et le permis de construire modificatif du 23 mai 2012 du fait de la délégation de signature consentie par le maire de la commune de Saint-Malo à MmeB..., adjointe au maire, par arrêté du 28 mars 2008 ; que, dès lors, le moyen tiré de l'existence d'un vice d'incompétence entachant les actes attaqués doit être écarté ;

5. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique " ; que, pour l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en matière de risque de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ce risque de submersion en prenant en compte notamment le niveau marin de la zone du projet, sa situation à l'arrière d'un ouvrage de défense contre la mer, le cas échéant, le risque de rupture ou de submersion de cet ouvrage en tenant compte notamment de son état, de sa solidité ou des précédents connus de rupture ou de submersion ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de construction d'un immeuble de 4 logements collectifs se situe à une distance comprise entre 43 et 60 mètres de la digue de protection qui borde, le long de la mer, la chaussée du Sillon, soit dans la zone de dissipation d'énergie à l'arrière des systèmes des systèmes de protection connus ; qu'il ressort également des pièces du dossier et notamment du graphique faisant apparaître la situation altimétrique du projet par rapport au niveau marin centennal et le plan coupe de terrain (PC 3), que le niveau marin centennal au droit du projet atteint les 7,90 mètres, ce qui situe le projet dans la " zone d'aléa moyen " correspondant à la zone situé entre 0 et 1 mètre en dessous du niveau moyen centennal, selon l'étude nationale "vulnérabilité du territoire national aux risques littoraux" publiée en 2009 par le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer ; que si le préfet soutient, en se référant à une étude plus récente, qu'il existe un risque pour la sécurité des occupants de la construction, il ressort, en tout état de cause, des pièces du dossier que le rez-de-chaussée de la construction n'accueillera qu'un hall d'entrée et des garages, les logements étant situés dans les étages, à une hauteur minimale de 11,01 mètres ; que par ailleurs, si entre 1905 et 1990, la digue de Saint-Malo a, à plusieurs reprises, été submergée et endommagée lors de tempêtes ou de grandes marées, cette submersion est toutefois principalement survenue en des points éloignés, de plusieurs centaines de mètres, de la partie de cette digue au droit de laquelle se trouve localisé le projet autorisé ; qu'en outre, il ressort de la dernière version du rapport final de l'étude de danger réalisée par la Socotec, que la digue " est réputé sûre (...) compte tenu des probabilités d'occurrence très faibles " de défaillance ; que dans ces conditions, eu égard aux risques connus et à la conception du projet qui situe l'ensemble des logements dans les niveaux supérieurs, le préfet n'est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

7. Considérant enfin, qu'aux termes de l'article 5 de la Charte de l'Environnement de 2004 : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage " ;

8. Considérant que si ces dispositions peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une décision administrative intervenue sur le fondement de la législation sur l'urbanisme, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions litigieuses, qui ne méconnaissent pas les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme pour les raisons évoquées au considérant 8 ci-dessus, génèrent des risques de réalisation d'un dommage susceptible d'affecter de manière grave et irréversible l'environnement ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 25 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du maire de Saint-Malo des 2 février 2012, 23 mai 2012 et 29 mai 2012 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Saint Malo et la SNC Batimalo sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Malo et la SNC Batimalo sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, à la commune de Saint-Malo et à la SNC Batimalo. Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 avril 2015.

Le rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

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N° 13NT03430

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT03430
Date de la décision : 03/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : CABINET COUDRAY CONSEIL et CONTENTIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-03;13nt03430 ?
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